|
Assis sur son rocher, l’énorme
donjon se dresse menaçant et barre la vallée. Il sera difficile à la barque
de passer inaperçue et à plus forte raison aux lourds chalands qui
descendent ou remontent le Rhône, car, de sa terrasse crénelée, le guetteur
surveille le fleuve. De tout temps ce rocher, situé près du confluent de la
rivière de l’Isère était indiqué pour être un poste important. Aussi,
d’après la tradition, château et ville remontent-ils aux temps les plus
reculés de la féodalité. C’est, dans tous les cas, un des ouvrages les plus
intéressants que nous ait laissé l’architecture militaire du moyen-âge.
L’imposante masse qui domine la ville est bien l’image de ces puissants
suzerains, vaillants guerriers et souvent aussi habiles et sages
administrateurs. La maison qui prit ou donna son nom au château de Tournon
est certainement une des plus illustres du Vivarais. Tournon devint non
seulement la résidence de très hauts et très puissants seigneurs mais aussi
un centre intellectuel, très florissant par les lettres et les arts qui
trouvaient dans cette petite ville de grands protecteurs. Le château sert,
au début du XXe siècle, d’Hôtel de ville, de Palais de Justice et de prison.
On y remarque encore son intéressante chapelle gothique et à l’extérieur des
fenêtres à meneaux aux fines sculptures, une belle terrasse et des tours
massives qui conservent au château tout son cachet féodal. Nous avons montré
dans les éNotes sur l’art à Tournoné, parues dans la Revue du Vivarais, avec
quelle sollicitude ces hauts et puissants seigneurs embellissaient leur
ville, l’ornaient et la dotaient.
Ils rassemblaient dans le château et les églises les chefs-d’œuvre de la
peinture, des objets d’art d’une réelle valeur, rapportés des pays étrangers
ou dus au burin de nos meilleurs maîtres. Grands seigneurs par leur
naissance, les Tournon l’étaient peut-être plus encore par la noblesse de
leurs idées et la largeur de leur vue, comme aussi par leur inépuisable
générosité pour tout ce qui touchait à la gloire de la ville dont ils
portaient le nom. (Revue du Vivarais, 1905). Ceci est encore attesté par le
vieux collège fondé, en 1536, par le cardinal de Tournon. Nous ne donnerons
pas ici la généalogie de cette illustre maison, elle est trop connue pour
cela. Depuis le XIe siècle son nom se rencontre mêlé aux principaux
événements, non seulement de notre histoire locale mais aussi de l’histoire
de France, ayant donné au royaume nombre d’hommes remarquables à l’armée, à
l’Eglise et à l’Administration. Le premier personnage de cette maison dont
la filiation est suivie, est Gilbert, seigneur de Tournon, cité dans les
annales de Pons de Ralazuc, parmi les seigneurs qui prirent part à la
première croisade, en 1096. J.-A. Poncer (Mémoires historiques sur le
Vivarais) donne l’état des terres et baronnies qui dépendaient des seigneurs
de Tournon en l’année 1570. Il cite le nom de 34 seigneuries parmi
lesquelles nous relevons ceux de Tournon, Roussillon, Beauchastel, Le
Bousquet, Désaignes, Ay, Colombier-le-Vieux, Colombier-le-Jeune, Vocance,
Durtail, Saint-Victor, Vion, Mahun, Satillieu, Serrières, etc. Pour montrer
comment ces hauts et puissants seigneurs administraient leurs nombreuses
seigneuries, nous ne saurions mieux faire que de donner ici quelques
passages de la Charte de Guigon de Tournon (1211), Revue du Vivarais, 1905,
par M. A. Mazon.
"Au nom du Seigneur J. C. Amen. Soit chose connue de tous présents et à
venir, qu’en l’an de l’Incarnation de Notre Seigneur, 1211, quand Philippe
était roi de France et Humbert de Mirabel, évêque de Valence, moi Guigon,
seigneur de Tournon, j’ai juré et promis de maintenir et donner, pour une
bonne fin, les bons usages et les bonnes coutumes que mes prédécesseurs
avaient donnés et maintenus aux hommes de Tournon, avec Guillaume, le père
de Guillaume Astorg, père d’Odon, et Odon, fils de Guillaume Astorg, mon
père. Faisons savoir à tous ceux qui verront cette Charte, qu’aux hommes qui
sont maintenant à Tournon ou qui y seront à l’avenir, aucune taille ne doit
être faite sur leurs biens, ni aucune prise de corps. Les biens et ceux qui
les ont apportés au château et au mandement doivent être saufs. Et si on
leur met une taille à l’occasion d’une guerre pour moi ou pour mes amis, le
droit de l’homme qui sera au château pour cette circonstance sera maintenu
du mieux que je pourrai. S’il meurt à l'improviste, ayant femme et enfants,
c’est à eux que reviennent ses affaires et ses biens. S’il n’a pas
d’enfants, ils vont au plus proche de ses parents, s’il n’a pas de parents,
cousins germains ou plus proches, le tiers de ses affaires et de ses biens
appartient au seigneur et les deux autres tiers aux héritiers du mort. Si le
cousin germain est étranger et ne peut venir se présenter au château, le
seigneur a pour gage au château, sa maison, et le cousin germain doit avoir
payé un gage sur la maison, la chose doit être réglée dans quinze jours.
Tout homme qui habite au château est franc, et si, en se disputant, un homme
en qualifie un autre de serf, celui-ci aura à s’arranger avec l’autre et il
donnera au seigneur vingt sols. Tout homme qui vient au château pour faire
un marché est sauf, lui et ses biens. S’il est engagé vis-à-vis d’un homme
du château ou son débiteur, il aura à s’arranger avec lui, afin d’être sauf,
lui et ses biens". Nous regrettons de ne pouvoir donner ici cette charte
in-extenso car elle est toute intéressante et nous montre en détail la vie
et les us et coutumes de nos pères au XIIIe siècle. Par ses alliances et les
emplois considérables qu’elle remplit à la cour, la maison de Tournon peut
compter parmi les plus distinguées du Royaume. Elle n’est plus représentée
par les hommes et s’est éteinte en Vivarais en la personne de Mademoiselle
Camille de Tournon, décédée le 16 mai 1908, mariée le 26 juillet 1906 à
Félix, vicomte de Conny, dont une fille. A Montmelas, en Beaujolais, elle
est représentée par Madame la comtesse de Chabannes-la-Palice et ses
enfants. (1)
Le château de Tournon que l’on peut voir aujourd’hui date pour l’essentiel
des XIVe-XVIe siècles. Toutefois, le premier noyau médiéval du château
apparaît nettement sur deux vues anciennes de Tournon, l’une de la fin des
années 1590 et la seconde de 1706. Ces deux représentations sont certes très
légèrement discordantes (au XVIIIe siècle, des plates-formes crénelées
semblent curieusement avoir remplacé les toitures visibles à la fin du XVIe
siècle), mais elles permettent néanmoins de se faire une idée assez précise
de l’architecture de ce premier ensemble castral. Celui-ci apparaît tout à
fait caractéristique des fortifications des XIe-XIIIe siècles en Vivarais:
un haut et étroit donjon de plan carré est associé à une chemise
quadrangulaire. À l’intérieur de celle-ci, et en appui contre elle, se sont
établis (sans doute dans un second temps) différents corps de logis, comme
en témoignent les ouvertures visibles sur les deux vues. Cet ensemble est
démoli totalement avant 1771. Son emplacement est actuellement occupé par le
jardin jouxtant la chapelle, dans la portion sud-ouest du château actuel.
Cette chapelle, construite par Jacques II de Tournon dans la seconde moitié
du XVe siècle, pourrait avoir été précédée par la première chapelle du
château de Tournon, dédiée à Saint-Vincent et attestée dès les années 1280.
Au pied du relief portant le château s’est développé un important habitat
castral. Celui-ci a possédé au Moyen Âge trois enceintes successives. La
première (XIe ou XIIe siècle), de taille restreinte, englobe un premier
noyau d’habitat développé immédiatement au pied du château, dans une
basse-cour en forme de demi-lune. Puis l’habitat s’est considérablement
étendu vers le sud-ouest, ce qui a amené la construction, à la fin du XIIIe
siècle, d’un second rempart. Enfin, une dernière enceinte est venue
englober, au milieu du XIVe siècle, les deux précédentes et un nouveau
faubourg au nord, de part et d’autre de la route du Rhône. L’église
Saint-Julien est restée hors des deux premières enceintes. À la fin du Moyen
Âge, Tournon est, après Annonay et Aubenas, le troisième pôle urbain
vivarois. (2)
Éléments protégés MH : les façades et les toitures : classement par arrêté
du 12 juillet 1927. L'intérieur (a l'exception des parties occupées par le
tribunal et du logement du gardien) : classement par arrêté du 28 mars 1938.
La porte cloutée en chêne de la poterne : classement par arrêté du 1er mars
1960.
château de Tournon 07300 Tournon-sur-Rhône, tel. 04 75 08 10 30, musée
régional, ouvert du 20 mars au 18 décembre. Juillet et Août tous les jours
de 10h-19h. Entrée libre les 1er dimanche du mois pendant la période
d'ouverture du Château-Musée.
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous. Licence photo©webmaster B-E, photos
ci-dessous interdites à la publication sur internet, pour un autre usage
nous demander.
A voir sur cette page "châteaux
de l'Ardèche" tous les châteaux répertoriés à ce jour
dans ce département. |
|