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Sur la
paroisse de Novis, non loin du col soudant la chaîne du Lévezou au causse de
Sévérac, presque à l’entrée d’une étroite vallée, plutôt d’une gorge,
dévalant du plateau calcaire vers la vallée du Virlenque, on découvre à la
haute altitude de 900 mètres le château d'Engayresque, jalousement caché
dans le pli de terrain bien abrité dont les pentes, couvertes de belles
plantations de frênes et de pins prolongées par de plus maigres taillis de
chênes encadrant des prairies bien arrosées, forment à la vieille demeure un
cadre riant contrastant heureusement avec l’aridité désolée du plateau
voisin. Le principal corps de logis dresse à l’exposition du levant sa
façade, en grès de moyen appareil, élevée de trois étages, flanquée de deux
tours rondes à hauteur des pignons, coiffées de hautes toitures d’ardoises;
remplaçant les toits bas et coniques en lourdes tuiles du pays, conservé sur
la petite tour des communs, éclairée par des fenêtres à meneaux et à l'étage
supérieur, par de petites ouvertures presque carrées, semblables à celles
des tours, celles-ci toutefois de forme plus allongée. Au-devant, un jardin
gracieusement fleuri, ombragé de beaux arbres, domine en terrasse la longue
coulée de prairies qu’éclaire la tache d’eau d’un petit étang. En potence
sur le premier, un autre corps de bâtiment présente au nord ses rares
fenêtres. Au point de jonction de ces deux ailes, face au midi, une tour ou
plus justement un pavillon carré, dépassant de peu le niveau de l’ensemble,
ouvre sur une basse-cour, plus longue que large, fermée de communs bas et
massifs flanqués à l’ouest d’une amusante petite tour ronde. Les tours et
les deux bâtiments principaux ont été surélevés d’un mètre environ lors de
la complète restauration du château, exécutée par M. Frédéric Talon vers
1870. La toiture basse en tuiles épaisses, employées autrefois dans toute la
région, complètement refaite en ardoises, allégée, redressée, repose sur une
suite de légers corbeaux de bois extérieurs. A l’intérieur une vaste
cheminée de pierre, très simple, mais harmonieuse et imposante par ses
proportions, décore la cuisine actuelle, jadis sans doute la "salle" du
château, réduite dans ses dimensions lors des aménagements nouveaux. De
cette pièce une porte au cadre de pierre orné de moulures, surmontée d’une
élégante lucarne ajourée et sculptée conduit dans la tour sud-est. Dans le
salon actuel la cheminée mérite une mention par sa disposition, rare dans
nos manoirs rouergats. Entièrement logée dans le mur, sans manteau, ni
supports extérieurs, elle s'ouvre en forme d'arc en accolade simplement
encadrée d’une moulure gracieuse, en relief sur la paroi.
L’ensemble du château accuse la manière du XVe siècle, époque où les
incursions des routiers firent éclore tant de "maisons fortes" dont
Engayresque représente bien le type par sa situation, ses dispositions, ses
proportions. Engayresque dépendait directement à l'origine du château de
Sévérac et continua d’en relever à titre d’hommages. Partie du fief fut sans
doute comprise dans les biens affectés au monastère bénédictin fondé à
Sévérac au mois de mars 1103 par Guy 1er de Sévérac, sa femme et sa fille,
car l’historien de Sévérac, le Docteur Molinié, auquel nous empruntons
maints renseignements sur Engayresque et ses seigneurs, fait figurer quatre
métairies à Engayresque dès 1103 dans les possessions du nouveau monastère.
Il ne s’agissait sans doute que du domaine rural et la seigneurie conservée
par les barons de Sévérac passa par donation ou aliénation et sous réserve
des droits d’hommage et de justice aux mains des seigneurs que nous y
trouvons à la fin du XVe siècle. Le premier qualifié "seigneur d’Engayresque",
Jean Hugonet, qui déjà sous cette même qualification avait vers 1490 échangé
le pré du Colombié près de Sévérac contre des rentes à Saint-Dalmazy
propriétés de Jean Melet, marchand de Saint-Geniez, se vit confier le 14
novembre 1508 la garde dans sa maison de Sévérac, des prisonniers faits au
château par le fils puîné du nouveau baron de Sévérac, Bernard d’Arpajon,
quand celui-ci vint prendre possession par la force de l’héritage rendu à sa
maison après 92 ans de procès, les arguties des hommes de loi reculant
toujours l’entrée en jouissance.
Cette famille Hugonet occupait depuis plusieurs siècles une situation de
premier rang à Sévérac. Déodat Hugonet fut choisi comme un des procureurs et
syndics des habitants de Sévérac lors de l’octroi de la charte
d'affranchissement du 31 mai 1270. Pierre Hugonet était juge de la terre et
baronnie de Sévérac et en cette qualité présidait le 12 février 1422
l'assemblée des habitants de tout le mandement réunis pour fixer la
contribution des villages forains à la réparation des portes de la ville et
du salaire de leurs gardiens et devint juge-bailli de Millau en 1423. Un
acte antérieur de 1390 nous fournit quelques autres détails généalogiques
sur Pierre Hugonet, fils d’Astorg Hugonet, de Sévérac-le-Château, qui
transige avec noble Vézian Arnaud, alias du Noyer, héritier de noble Aymar
le Rif, de Rodelle, au sujet de la dot d’Alazays le Rif, mère du dit Hugonet
et sœur d'Aymar le Rif. Aucun de ces actes ne donne encore aux Hugonet la
qualité de noble, mais cette vieille famille de robe, à la génération
suivante, par possession de fiefs ou services militaires s’incorpore à la
noblesse à laquelle elle était déjà alliée. Noble Jean Hugonet, de
Sévérac-le-Château, figure sur un extrait du rôle de la noblesse servant
dans la gendarmerie en 1460, et ce personnage, s’il ne peut être bien
vraisemblablement identifié avec lui, semble bien le père de Jean Hugonet
qualifié seigneur d’Engayresque. La branche aînée des Hugonet d’Engayresque
finit dans les premières années du XVIIe siècle avec François d’Hugonet,
seigneur d’Engayresque, encore vivant en 1605, témoin cette année-là à la
transaction passée entre le baron de Sévérac et ses frères Samuel et David
d’Arpajon au sujet de leurs droits légitimaires dont la fille, Marceline
Hugonet, dame d’Engayresque, fut mariée à un gentilhomme du voisinage Jean
de Guirard, seigneur de Sermeilhets, tandis qu’Isabeau d’Hugonet,
vraisemblablement sa sœur, épousait en 1573 Me Jean Villaret avec 1.000
livres de dot et décédait de maladie contagieuse en 1586 à la survivance de
trois enfants dont un fils, chef de la famille de Villaret.
La branche cadette issue de noble Etienne Hugonet "cadet de la maison d’Engayresque"
ne paraît guère avoir survécu à l’aînée, car Suzanne Courtines était veuve
et héritière d’Etienne quand elle reçut en 1610 quittance du prix de la
métairie de la Calsade, acquise de Claude Malet veuve de maître Antoine
Sarret, de Millau. Cette famille de Guirard, noble et ancienne, jouissait de
la pleine faveur de la maison d'Arpajon. Deux Guirard avaient été
successivement tuteurs des enfants d’Arpajon. Le mariage du chef de famille
en 1559 avec l’héritière des Montarnal de Sénergues avait fixé la branche
aînée aux frontières du Rouergue et de la Haute Auvergne, mais la branche
cadette restée dans le Sévéraguais y avait constitué un beau patrimoine en
réunissant dans ses mains les seigneuries et châteaux des Sermeilhets,
Huguiès et Engayresque, bloc territorial conservé intact par leurs
successeurs jusqu’après la Révolution; mais les Guirard eux aussi ne
devaient pas se perpétuer longtemps à Engayresque en ligne masculine. Jean
de Guirard, le fils et héritier de Marceline d'Hugonet, n’eut de son mariage
avec Marguerite de Durand Senegas que des filles, dont l’une, Madeleine,
s’allia en 1655 à Marc-Antoine de Blanc, seigneur de la Guizardie, et mourut
sans enfants. Aux Guirard succéderont, par alliance croyons-nous, les
Vignolles qui possédaient encore Engayresque au moment de la Révolution.
Madeleine de Belval, vicomtesse de Vignolles, seigneuresse d'Engayresque,
Sermeilhets et autres places, veuve de messire Antoine de Mazeran de
Lézignan , seigneur du Gros et autres places , conseiller à la Cour des
Comptes, Aides et Finances de Montpellier, déclara en 1786 les domaines
nobles et seigneuries d’Engayresque et Sermeilhets, dans la communauté de
Novis , pour un revenu brut de 4.620 livres et un produit net de 3.790
livres après déduction de frais divers et de 380 livres de 20 es nobles,
affermés à François Raymond Poujol "ménager" du Massegros.
La même année Madame de Lézignan fut imposée de 97 livres 11 sous 2 deniers
dans la communauté de Verrières près Millau pour ses biens d’Engayresque.
Cette famille de Mazeran avait déjà des attaches en Rouergue par ses
alliances et ses possessions. Apparentée aux Gualy, aux Morlhon-Laumière,
aux Puel de Peyrelade, elle possédait aux XVIIe et XVIIIe siècles la
seigneurie de Taurin et la coseigneurie d'Auriac. Cette branche rouergate
des Mazeran paraît s’être éteinte au XVIIIe siècle avec Jeanne de Mazeran,
mariée en 1750 à Michel-Etienne d'Isarn de Villefort. Adolphe et Jules de
Portalès de Montpellier succédèrent à Madame de Lézignan et vendirent
Engayresque, par acte passé le 14 fructidor an 8, devant Maître Deves et
Anteyrac, notaires de Montpellier, à M. André. M. Gaspard Talon, industriel
à Saint-Geniez l’acquit des cohéritiers André: Adolphe, André et Jules
André, avocat à Lodève, par acte passé le 5 janvier 1835 devant Me
Rouquayrol notaire à Saint-Geniez; depuis lors cette belle terre est restée
dans cette famille. Armoiries des Mazeran: Ecartelé aux 1 et 4 d’azur à la
main d’argent soutenant un casque d'or; aux 2 et 3 de gueules à 3 coquilles
d’argent. (1)
Éléments protégés MH : les façades et les toitures du château, les façades
et les toitures des communs, y compris le four à pain : inscription par
arrêté du 16 septembre 1991. (2)
château d'Engayresque 12150 Sévérac-le-Château, propriété privée, ne se
visite pas.
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