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Chalais est un très ancien fief, qui existe
déjà au XIe siècle. Hélie de Chalais assiste à la consécration de l'abbaye
Notre-Dame de Saintes en 1047. Au début du XIIe siècle, Olivier est seigneur
de Chalais. Son suzerain est le roi d'Angleterre. De Giberge de Montchaude,
sa femme, il n'a qu'une fille unique, Agnès, qui épouse avant 1255, Hélie de
Talleyrand, seigneur de Grignols en Périgord. Celui-ci est issu d'une
branche des Comtes de Périgord qui font remonter leur origine à Wulgrin,
parent de Charles le Chauve (IXe siècle). Leur fils, Raymond, octroya à
Chalais, sa première charte en 1339. Les Talleyrand, seigneurs puis Princes
de Chalais se succèdent sans interruption jusqu'en 1883. Ils vont, au cours
des siècles, accroître leurs domaines, à la faveur des guerres
seigneuriales, de la guerre de Cent Ans, des mariages, successions,
donations et achats. Ils veilleront jalousement sur leurs possessions,
intentant à leurs voisins des procès interminables pour des questions
d'hommage, de limites, et de droits seigneuriaux. Au milieu du XVIIIe
siècle, ils possèdent, outre Chalais, les paroisses de Brie, Saint-Martial,
Saint-Laurent des Combes, Saint-Félix, Curac, Sainte-Marie, Saint-Christophe,
la Boisse (Montboyer), Rioux Martin, Yviers, Sérignac, Sauvignac, Révignac
et Melac. Ils reçoivent l'hommage des seigneuries de Magézir et Château
Jollet (Montboyer) de Bellevue et Lamaud (Saint-Avit), de Poullignac,
Cressac (La génetouze) La Roche Chalais... Mais ils ont également des
possessions en Périgord et à Valençay.
Les Princes de Chalais doivent hommage à l'Archevêque de Bordeaux. Mettant
en pratique leur orgueilleuse devise "Re que Diou" (Rien que Dieu) ce sont
de grands seigneurs, vivant la plupart du temps dans l'entourage des Rois de
France. François de Talleyrand, le premier à prendre le titre de Prince de
Chalais, est échanson du Roi Charles VI puis chambellan en 1408. Son fils,
Charles, plus conciliant que ses prédécesseurs signe des accords avec
Magézir et Château Jollet, règle la succession de ses parents avec son frère
Clinet à qui il cède la Roche Chalais et Saint-Aigulin. Son successeur,
Jean, fut chambellan de Charles VIII et sa femme gouvernante des princesses,
filles de la Reine Anne de Bretagne. François, fils de Jean s'illustra dans
les guerres d'Italie et c'est lui qui fit reconstruire le château dont la
démolition avait été ordonnée par Charles VII au lendemain de sa victoire
sur les anglais, à Chalais en 1453. De cette époque; début du XVIe siècle,
date sans doute la galerie basse dont les belles arcades ont été mises au
jour lors de récents travaux. Daniel de Talleyrand eut la faveur de Louis
XIII et se vit reconnaître sa descendance en ligne directe des Comtes de
Périgord (descendance contestée par certains généalogistes). Son troisième
fils, l'infortuné Henri, Comte de Chalais, fut compagnon d'enfance du roi
Louis XIII et plus tard Grand Maitre de la Garde-Robe. Mêlé aux complots
montés contre Richelieu par la Duchesse de Chevreuse, il fut arrêté,
condamné à mort et décapité à Nantes le 26 Août 1626 à l'âge de 27 ans. En
expiation de la faute de son fils, Françoise de Montluc, fit reconstruire
avec ses propres deniers, l'église de Chalais, qui avait été incendiée par
les protestants, au cours des guerres de religion. Elle fonda en 1639 un
couvent pour les religieux Augustins qui furent chargés d'instruire la
jeunesse.
Son petit-fils, Adrien Blaise dut s'exiler après un duel au cours duquel il
avait tué son adversaire. Sa femme, Anne-Marie de la Trémouille,
extraordinaire personnalité, le suivit en Espagne, puis en Italie où,
devenue veuve elle épousa un grand seigneur italien. Revenue en France, sous
le nom de Princesse des Ursins, après son second veuvage, elle accompagna en
Espagne le Duc d'Anjou, petit-fils de Louis XIV, qui devint roi de ce pays
sous le nom de Philippe V. Ayant obtenu la place de Camerera Mayor de la
Reine, elle fut une conseillère influente auprès du couple royal.
Protectrice de son neveu, Jean Charles de Talleyrand, futur Prince de
Chalais, elle obtint pour lui le titre de "Grand d'Espagne de première
classe" qu'il transmettra à ses descendants. Le père de Jean Charles, qui a
succédé à son frère Adrien Blaise, obtint du roi Louis XV, par les lettres
patentes de Juin 1726, l'autorisation de créer à Chalais, un hôpital pour
les malades où les sœurs hospitalières s'emploieraient également à instruire
"les pauvres filles des nouveaux convertis qui sont en grand nombre dans le
pays". Jean Charles épouse, en 1722, Marie Françoise de Rochechouart de
Mortemart, dame du palais de la Reine, nièce de Madame de Montespan et
petite fille de Colbert. "Le très haut et très illustre seigneur, Jean
Charles de Talleyrand Périgord, Prince de Chalais, Marquis d'Excideuil,
Baron des baronnies de Mareuil, Salles, Yvier et autres places, grand
d'Espagne, gouverneur du Berry" demeure ordinairement à la cour (il
accompagne le Roi à la chasse et soupe avec ses intimes) mais il s'occupe
néanmoins de ses domaines. A la mort de son père en 1731, il fait faire un
inventaire des meubles et objets contenus dans le château. Le corps de logis
comprend le rez-de-chaussée, un étage et des greniers. On dénombre plus de
trente pièces, une quarantaine de lits. La domesticité est nombreuse. C'est
aussi Jean Charles qui fait refaire la couverture du château. Un devis daté
du 5 Juin 1741 stipule que le charpentier "doit de poser toute la charpente
du corps de logis couvert d'ardoises à l'exception de la mansarde qui est
sur la recepte et du pavillon du corps de garde et qu'il s'engage à refaire
la charpente en mansarde, y compris le grand pavillon, de sorte que tout le
dit corps du château soit en mansarde uniforme". De nouveaux appartements
sont aménagés sous les combles. Quelques années plus tard les arcades de la
galerie sont murées et on pratique de nouvelles ouvertures: celles qui
existent actuellement.
Jean Charles décède au château de Chalais le 24 février1757 et est inhumé
dans l'église, dans le tombeau de ses ancêtres. Sa femme, Marie Françoise de
Rochechouart, délaissant Versailles, se retire à Chalais. C'est elle qui,
pendant quatre ans, de 1758 à 1762, va faire l'éducation de son arrière
petit-fils, Charles Maurice de Talleyrand, futur Prince de Bénévent et grand
diplomate. Celui-ci évoque dans les premières pages de ses mémoires, son
séjour au château de Chalais, la distinction et la bonté de sa bisaïeule, la
noblesse de ses manières, l'intérêt et l'affection qu'elle lui témoignait,
la déférence et le respect qu'elle inspirait à tous ceux qui l'approchaient.
Elle apporta à Chalais un peu du luxe et du raffinement qu'elle avait connus
à la cour: porcelaine de Chine et de Saxe, meubles en bois de palissandre,
secrétaires en bois de violette, ou bois des Isles, tapisseries des
Flandres, tissus de Damas de Taffetas, soie, satin, moire garnissant lits et
sièges, dentelle d'argent, velours cramoisi... Il y a une quantité
impressionnante de linge (116 nappes, 110 douzaines de serviettes, 358
draps), une centaine de flambeaux et bougeoirs. Elle apporte aussi la
culture; sur les 1981 volumes qui garnissent la bibliothèque en 1771, les
quatre cinquièmes sont aux armes de "la Dame Princesse". Jean Charles de
Talleyrand et sa femme n'eurent qu'une fille, Marie Françoise Marguerite qui
épousa en 1744, son cousin Gabriel Marie de Talleyrand. Celui-ci reprit le
titre de Prince de Chalais et Grand d'Espagne, à la mort de son beau père.
Ils n'émigrèrent pas, et le château eut peu à souffrir de la Révolution. Les
ornements de la chapelle et toute l'argenterie servant au culte furent
transportés à Angoulême. On réquisitionna aussi trente cinq à quarante
couvertures pour l'usage des armées. Le dernier Prince de Chalais, Hélie
Louis Roger de Talleyrand, arrière petit-fils des précédents avait perdu sa
femme et sa fille. Interprétant la devise familiale d'une toute autre
manière que ses ancêtres, il était très pieux et se consacra au service des
pauvres. Par testament, il légua ses biens (Chalais, Yviers, Mareuil,
Beauséjour, Excideuil) à l'hôpital de Chalais pour que le château serve
d'asile aux vieillards. Il mourut en 1883. En 1894, furent vendus à l'hôtel
Drouot à Paris, des objets venants du château de Chalais: 112 tableaux
(portraits de famille, portraits de Louis XIV jeune, de la reine d'Espagne)
plus une magnifique garniture de lit en broderie d'argent, des fauteuils en
bois sculpté et doré, tapis..., 1400 livres (poésie, philosophie, classiques
grecs, dictionnaires, anciens et nouveaux testaments). En 1896 au même lieu,
furent vendues 50 tapisseries anciennes des XVe, XVIe et XVIIe siècles
provenant également du château de Chalais.
La "forteresse" de Chalais s'élève à l'extrémité d'un éperon rocheux orienté
nord/sud, entre la Viveronne et la Tude. La tradition implante le château
primitif à l'extrême pointe de cet éperon, là où aujourd'hui se trouve une
grande esplanade. Une bonne partie du mur de soutènement de cette plate
forme a été réédifiée. On y trouve cependant un morceau de rempart du XIVe
siècle ainsi que plusieurs meurtrières et bouches à feu. L'ensemble des
bâtiments du château forme un grand quadrilatère autour d'une cour. Le
château proprement dit occupe le côté ouest du rectangle et possède une
petite aile en retour côté sud et une autre aile au nord joignant le
pavillon d'entrée. Une grosse tour carrée du XIVe siècle flanque l'angle
sud-ouest. Les communs occupent la partie Est de la plate forme. Le mur de
soutènement des écuries, une des parties les plus anciennes percée de
meurtrières et bouches à feu, est surmontée d'une sorte de chemin de ronde
couvert. Il est flanqué au nord d'un petit pavillon dans la base duquel
s'ouvrent également des bouches à feu. Un bâtiment bas allongé construit
suivant un axe nord-sud coupe la cour d'honneur en deux espaces inégaux, le
plus petit étant en contrebas vers les écuries. La façade ouest de ces
écuries possède deux niveaux d'ouvertures, avec au rez-de-chaussée deux
portes en plein cintre et cinq baies chanfreinées. Les bâtiments de chaque
côté du pavillon d'entrée, jusqu'au château d'une part, et jusqu'aux écuries
d'autre part ont été presque totalement reconstruits à la fin du XIXe
siècle, vers 1880.
L'entrée dans la cour se fait par un pavillon carré, muni d'un pont-levis à
flèches au niveau de la porte cochère. Un autre desservait la petite porte.
Ce pavillon est cantonné de deux tourelles carrées en encorbellement sur la
façade nord, chacune couverte d'un toit pyramidal. Les culots moulurés sont
ornés d'oves. Chaque tourelle prend la lumière par deux baies
quadrangulaires situées au-dessus de petites bouches à feu. Une grande
fenêtre à appui saillant mouluré, entre les rainures des flèches du
pont-levis éclaire "la chambre du corps de garde ". Elle est surmontée d'une
lucarne à chambranle mouluré cantonnée de pilastres supportant un fronton
triangulaire et d'un acrotère. L'écusson ornant le tympan a été martelé. Un
fort cordon souligne le haut du mur de soutènement sous le pont. Sous la
voûte en berceau du porche s'ouvre une petite porte chanfreinée donnant
accès à l'escalier en vis desservant les différents niveaux de ce pavillon.
Côté cour, la façade possède également deux baies, la plus haute amortie par
un fronton curviligne. Côté sud, un pavillon carré, fait le pendant à celui
de l'entrée. Il a été reconstruit sur des bases plus anciennes et un
sous-sol voûté. La tour carrée du XIVe siècle possède trois niveaux éclairés
par de grandes baies aménagées postérieurement dans la forte épaisseur des
maçonneries. Elle est couronnée d'un chemin de ronde crénelé sur
mâchicoulis. Chaque merlon est percé d'un trou pour couleuvrine. Cette tour,
comme le reste du château est couverte d'un toit d'ardoises à la Mansard.
L'aile en retour côté sud, à deux niveaux de grandes baies rectangulaires,
renferme la chapelle en son rez-de- chaussée. Elle a été rallongée par une
construction de même style mais légèrement plus basse. La façade sur cour de
cette aile, est percée d'une travée de deux grandes baies à chambranles et
appuis saillants moulurés. Ces baies sont cantonnées de pilastres cannelés
amortis par des consoles à glyphes ornées de feuilles de chêne. Un motif
végétal décore l'entablement. Une baie de même style est également visible
en pignon. Un cordon mouluré court en partie basse du mur. La façade
principale, très austère, est percée de cinq travées de baies, la porte
s'ouvrant au centre. Au rez-de-chaussée les ouvertures ont été aménagées à
l'emplacement d'une galerie dont on aperçoit les restes (surtout à
l'intérieur) des douze arcades en anse de panier. La façade côté ouest,
dominant toute la vallée, est percée de nombreuses baies qui ont conservé
leurs moulures prismatiques et croisées de meneaux. La partie la plus proche
de la tour carrée a été reconstruite il y a quelques années, après son
effondrement. Une tourelle en encorbellement, renfermant une petite vis, est
élevée dans l'angle formé par cette façade et la grosse tour. Des lucarnes
en charpente, sont aménagées dans le brisis de la couverture à la Mansard.
Si l'extérieur du château conserve une certaine austérité, l'intérieur lui
ajoute une infinie tristesse. En parcourant les salles aux boiseries
déchiquetées, aux cheminées tombées, aux peintures passées, ressurgissent
les fantômes de tous les grands personnages qui ont possédé ces lieux. (1)
Éléments protégés MH : l'ensemble des bâtiments bâtis (enceinte, logis,
pavillon, châtelet et communs), le décor intérieur à l'exclusion des parties
classées. Le châtelet d'entrée avec le pont-levis et le donjon, y compris
leur décor intérieur : classement par arrêté du 1er avril 2003.
château de Chalais 16210 Chalais, ouvert au public, visites de mai à
septembre le vendredi, samedi et dimanche de 14h30 à 17h30.
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous. Nous remercions chaleureusement les
régisseurs du château, Jacques et Liliane Rethers, pour les photos qu'ils
nous ont adressées pour illustrer cette page.
A voir sur cette page "châteaux
de la Charente" tous les châteaux répertoriés à ce
jour dans ce département. |
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