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Château de Thérac - Les Gonds
 
 

 Le nom de Thérac indique, à priori, un domaine gallo-romain. La situation le confirme : sur un plan légèrement incliné vers la rivière; ainsi que les débris trouvés dans le sol, notamment des tuiles à rebord. L'abbaye fondée à Saintes vers la fin du Vie siècle par St Pallais avait été dotée d'une partie de la terre de Thérac. Lorsque cette abbaye eut été ruinée, tous les biens qui en provenaient furent dévolus à la nouvelle abbaye que Geoffroy d'Anjou fonda en 1047 sous le nom d'Abbaye-des-Dames, notamment "une terre, divisée en plusieurs portions, située à Thérac, auprès du chemin des Arennes-de-Valay, laquelle s'appelle la terre de St-Pallais". Deux ans plus tard, en 1049, la nièce du comte d'Anjou, Marguerite, épouse de Guillaume Rudel, comte de Blaye, revendiquait au nom de certains articles de son contrat de mariage, certains des biens donnés à l'abbaye par son oncle et tuteur, notamment la moitié de la terre de Thérac. Le bon droit de Marguerite fut absolument reconnu. A la même époque, nous voyons à Saintes une famille de Thérac représentée par Guy deThérac, écuyer, et sa soeur Julienne, mariée à Hugues de Pontac. Ce dernier, quelques années seulement après la fondation de l'Abbaye-des-Dames par le comte d'Anjou, en 1055, fondait de son côté, en partie du moins, le monastère de Saint-Eutrope. Il décédait peu après et sa femme Julienne de Thérac, par son testament du 31 janvier 1056, faisait de grandes largesses à Saint-Eutrope où elle fut inhumée avec son mari. Le nom de cette famille de Thérac, nom de terre, mais sans patronyme, indique une des plus anciennes familles nobles, illustre en son temps. Mais en ce milieu du XIe siècle, il semble que la terre de Thérac fut déjà sortie de leurs mains. Plus tard, en 1156, nous voyons des membres de la très ancienne famille de Ballodes possessionnée en Thérac. Deux frères, Ramnulphe et Robert, contestent la donation faite par un chevalier nommé Audron, du moulin de Tairach à l'Abbaye-des-Dames, pour l'entretien du luminaire, alors que c'est d'eux qu'Audron tenait ce moulin. Il semblerait que cette terre,divisée en plusieurs portions, comprenait à l'intérieur de la seigneurie divers fiefs aux mains de seigneurs particuliers, et relevant de la seigneurie de Thérac. C'est ce que dit clairement l'aveu de l'Abbesse de Saintes, Jeanne de Villars en 1742 : "Item, un autre fieu asis enla paroisse d'Augons (des Gonds) en la seigneurie de l'Evêque de Saintes... Item une pièce de terre tenant aux terres du Prieur de Saint-Eutrope de Xaintes, en ladite paroisse d'Augons et seigneurie dudit Evêque". Ainsi, les terres données jadis à l'abbaye par le comte d'Anjou, restaient vassales de la seigneurie dont elles avaient été un démembrement. On eût pu penser que tous ces fiefs particuliers devaient relever tout naturellement de la seigneurie des Gonds, puisqu'ils se trouvaient assis en cette paroisse. Mais il apparaît en fait que les Gonds et Thérac étaient deux seigneuries différentes, sans lien de féodalité. Des aveux rendus par les évêques de Saintes indiquent que Thérac relevait directement du roi, qui en avait fait don aux évêques de Saintes, "De tout temps", se bornent à dire les textes. Mais ajoutent-ils, cette seigneurie est de fondation et dotation royalle. Il faut donc, pour cela, que le roi l'ait eue en sa main, ce qui n'a pu avoir lieu que lorsque la Saintonge a été réunie à la couronne après les victoires de Saint-Louis en 1242. Jusqu'à cette date,la Saintonge, après avoir été poitevine, était devenue angevine et anglaise ; et Thérac semble avoir été un fief personnel et direct des comtes de Poitou puis d'Anjou, puisque, dans la revendication faite par la nièce du comte d'Anjou, Marguerite comtesse de Blaye, la moitié de Thérac est mentionnée comme lui appartenant par le décès de ses père et mère. Après 1242, Thérac devint donc bien du roi, et il peut en disposer. Ce qu'il fit sans trop tarder en faveur des évêques de Saintes, puisque c'est en 1288 que l'évêque Gimer est installé à Thérac. En le donnant aux évêques de Saintes, le roi s'assurait en eux des alliés fidèles en un pays où les Plantagenets avaient encore de non moins fidèles partisans. Le calcul du roi était juste. On le vit bien pendant la guerre de Cent Ans. Le château fut assez fort et assez bien gardé pour déjouer toutes les tentatives anglaises.
La paix revenue, les évêques châtelains se préoccupèrent d'aménager leurs vieux château-fort en résidence plus habitable. François de Soderini, évêque de Volterra en même temps que de Saintes ne parut jamais dans cette dernière ville. Mais son neveu Julien y fut évêque pendant trente ans. C'est lui qui entreprit des constructions Renaissance à Thérac dont il ne reste que la chapelle en ruines, marquée de l'écusson des Soderini. A Julien de Soderini succéda Charles de Bourbon. Durant les cinq années de son administration, il ne parut jamais à Saintes. Dans le dernier tiers du XVIe siècle, de nouveaux troubles éclatent. Après le second sac de Saintes par les protestants en 1568, l'évêque Tristan de Bizet se réfugie à Bordeaux. Il n'y a plus d'évêque à Saintes. En 1585, c'est à Thérac que réside le successeur de Tristan de Bizet, Mgr. Nicolas Le Cornu de la Courbe de Brée. En effet, le palais épiscopal de Saintes attenant à la cathédrale,n'a pas été épargné dans le sac de celle-ci, en 1568, et dans la démolition systématique qui l'a suivi. Ce n'est qu'en 1580 que Mgr Le Cornu pourra entreprendre la reconstruction de la cathédrale. En1585 encore, il est question de marchés de couverture pour cette dernière et l'évêque donne pour cela une procuration, datée du château de Thérac, le 11 août 1585. C'est le même évêque, Nicolas Le Cornu qui, un an avant sa mort, résidait encore à Thérac, sinon encore de façon permanente, du moins par intermittence. Au milieu du XVIe siècle, on trouve à Thérac Arnaud de Prahec, maire de Saintes en 1554, conseiller du Roi, élus en Saintonge, en 1558, échevin de Saintes depuis 1555 jusque vers 1572 et qui est mentionné régulièrement parmi l'assemblée des conseils de la ville jusqu'en 1591. Arnaud est qualifié "sieur deThérac" en 1558 et à nouveau en 1565. Partisan de la religion réformée, comme son fils Antoine, également échevin, il est un des 579 protestants condamnés à mort par arrêté du Parlement de Bordeaux du 6 avril 1569. Au milieu du XVIIe siècle, ce sont les guerres de la Fronde qui empoisonnent la Saintonge, sous l'épiscopat de Mgr de Bassompierre.
Sans doute mal entretenu, le château de Thérac menaçait ruine à la fin du XVIIe siècle. En 1697, Guillaume de la Brunetière du Plessis de Geste, évêque de Saintes, après avoir fait constater l'état de vétusté de l'ensemble des bâtiments obtint l'autorisation du présidial de Saintes et du parlement de Bordeaux, de démolir le château pour en "empêcher la ruine totale", et de vendre les matériaux sur adjudication, exceptés ceux qui étaient nécessaires à la construction d'un "grenier etd'une chambre", car "il n'y avait point d'endroit audit Teraq pour pouvoir loger et mettre les fruits qui se recueillent dans les biens qui en dépendent". En 1700, tous les matériaux n'avaient pas encore trouvé preneur. Le château de Thérac détruit, les successeurs de Guillaume de La Brunetière durent passer les beaux jours dans d'autres demeures louées à des particuliers. En août 1741, Léon de Beaumont résidait au château de La Salle à Gémozac. Huit ans plus tard, Simon-Pierre de Lacoré louait le château de Vénérand, avant d'accepter, trois ans plus tard de louer celui du Douhet aux mêmes propriétaires. Lorsque survint la Révolution, Monseigneur de la Rochefoucauld louait Crazannes. Au XVIIIe siècle, ce qui reste de Thérac est alors affermé à différentes familles, connues par les registres paroissiaux. Ainsi, en 1764 naissent "à Térac" Pierre et Marie Phétis, peut-être les petits-enfants de Pierre Phétis et de Marie Pacaud. Cette dernière "demeurant à la seigneurie deThérac", décède en 1773 à l'âge de 72 ans. Un peu avant, en 1768, née "à la seigneurie de Thérac", Jeanne, "fille de Jean Chotard, garde de ladite seigneurie, et de Jeanne Tarin, y demeurant". Enfin, les archives départementales conservent un bail à ferme pour 9 ans, passé le 13 mars 1782 par Mgr Pierre Louis de la Rochefoucauld au "sieur François Bonifasse Viault, bourgeois demeurant paroisse Saint-Michel de Saintes" et touchant "les bâtiments et terres dépendant de la seigneurie deThérac". A l'époque Révolutionnaire, le domaine tombe dans le domaine national et il est vendu par adjudication, en 1791, à Pierre et Joseph BBlanvillain, "meuniers demeurant au village de Courpignac", pour la somme de 44.100 livres. L'acte décrit alors des "maisons, granges, bâtiments et autres servitudes en très mauvais état et menaçant une ruine prochaine". Le 21 août 1793, les deux frères procèdent à un partage de leurs biens par tirage au sort et c'est Pierre Blanvillain qui reçoit la totalité de Thérac. C'est à cette période ainsi qu'un peu plus tard dans le XIXe siècle, que doit être élevée la plus grande partie des bâtiments actuels. La date 1808 gravée sur la porte de la grange confirme des remaniements en ce début du XIXe siècle. Revenu à Marguerite Blanvillain, le domaine passe, par le mariage de cette dernière en 1826, à Beaurepaire Vanderquand, notaire à Saintes. Deux générations plus tard, l'ancienne seigneurie est morcelée entre différents héritiers. Thérac ne sera réuni dans la même main que grâce à l'effort de Jean Triou, fils de Suzanne Vanderquand et de Léon Triou, mariés en 1890.
Le château se composait semble-t-il de deux enceintes distinctes, séparées par un profond fossé qui pouvait être mis en eau puisqu'au sud, il s'allonge pour rejoindre la Seugne tandis qu'au nord, il est clos par un petit pont en pierre dont l'arche munie d'une feuillure pouvait être obturée. La première enceinte, à l'ouest, renfermait la basse-cour qui fait également office de cour d'entrée. Les courtines ont disparu mais le châtelet d'entrée a subsisté, intact. En pierre de taille de moyen appareil et grossièrement layée, il se compose de deux tours rondes à poivrières qui encadrent une unique porte cochère moulurée d'un cavet sur l'arc légèrement surbaissé. Pour élargir le passage, les piédroits ont été retaillés à une époque tardive et quelques pierres changées, ce qui explique la disparition de la feuillure intérieure. L'entrée est protégée, en partie supérieure, par un chemin de ronde à deux créneaux qui encadrent une bretèche soutenue par trois consoles à moulures alternant tores et double cavet. La défense active est également présente sur les deux tours, avec des archères-canonnières disposées en quinconce sur trois niveaux. Une bouche à feu au rez-de-chaussée de chaque tour permet en plus de défendre directement le passage par un tir croisé. Vu de la cour, le chemin de ronde reliant le deuxième étage des tours prend la forme d'une galerie, soutenue par un arc segmentaire plus relevé que celui de la porte. La rambarde, portée par une corniche chanfreinée, semble être d'origine avec son assemblage chevillé de vieux bois alternant poteaux et croix de Saint-André. Le poteau central est à arêtes biseautées dans la moitié supérieure et il participe à soutenir la charpente, également ancienne. Toujours du même côté, l'entrée est encadrée par les tours qui présentent un mur droit,ménagé chacun d'une travée de portes donnant un accès direct aux deux premiers niveaux. A l'intérieur des tours, les pièces sont petites, épousant le plan extérieur en fer à cheval, et l'ébrasement des archères-canonnières et surmonté d'un linteau parfois soutenu par des corbeaux en quart-de-rond. Les charpentes, à deux enrayures, semblent d'origine et n'ont guère été touchées, en dehors de planches clouées qui les consolident. La basse-cour est aujourd'hui étroite, allant en s'élargissant vers le nord-est. A l'origine, l'enceinte semble avoir eu une forme trapézoïdale plus prononcée, presque triangulaire. Le châtelet d'entrée constituait le sommet étroit tandis que la partie opposée, sur douves, représentait la base. De la courtine nord-ouest, il ne subsiste en élévation, à l'intérieur d'un commun XIXe, que l'amorce du mur en pierre de taille,parfaitement liée à la tour sud. La courtine sud-est a pour sa part était remplacée, peut-être au XVIIe siècle, par une façade, sur cour, de logis, semble-t-il encore existante sur le cadastre de 1808 et dont il ne subsiste de visible qu'une petite portion, arasée et accolée à la tour sud du châtelet d'entrée.
La seconde enceinte, vers le nord-est, est accessible depuis la cour précédente par un pont en pierre franchissant le fossé, en partie remblayé au nord-ouest et encore profond au sud-est. Il subsiste un important vestige de la courtine, sur le front nord. Assis sur le rocher calcaire, friable et qui a donc par endroits été consolidé par du petit moellonage, le mur présente un parement en moyen appareil peu allongé, similaire à celui du châtelet d'entrée, quoiqu'un peu plus petit. Son couronnement a été modifié, en moellon, mais une portion de corniche angulaire sur modillons en quart-de-rond est restée en place et pouvait porter un parapet de chemin de ronde. En 1793, une grande maison est accolée à ce mur d'enceinte, côté cour. Elle a deux étages carrés et un étage d'attique, sous combles, et sa façade en pierre de taille est ornée de pilastres plats et de bandeaux horizontaux et percée de travées régulières de baies rectangulaires. L'intérieur conserve un petit escalier en bois avec rampe à balustres élancés et, au rez-de-chaussée, sur le petit côté ouest, une cheminée accompagnée d'un potager qui ne manquent pas de charme avec leur sculptures traditionnelles de cannelures et de rosaces. Un autre vestige visible de courtine semble marquer l'angle sud de l'enceinte du château. Construit dans le même appareillage que le mur précédent, il conserve en plus, sur le pan méridional, à l'étage, une archère-canonnière en croix. La courtine, sur douves, est posée sur le rocher taillé en banquette au bords du fossé et elle comporte à peu près au niveau du sol de la plate-forme un léger rétrécissement adouci par un glacis. La construction d'origine a disparu dans sa partie centrale, où elle est remplacée par un mur moins large et donc en retrait par rapport à l'appareillage ancien.

Éléments protégés MH : le châtelet d'entrée : inscription par arrêté du 14 avril 1997.

château de Thérac 17100 Les Gonds, propriété privée, ne se visite pas.

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