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L'histoire du château de Pons, siège d'une sirerie dont relevaient quarante
deux paroisses, occupe une place primordiale en Saintonge. L'imposante masse
du donjon des sires de Pons, dominant la ville du haut de ses trente mètres
et la vallée de la Seugne depuis sa falaise, a souvent fait oublier les
autres bâtiments du château. Il est le symbole d'une des plus importantes
places fortes médiévales de Saintonge, située sur le site d'un oppidum et
contrôlant à la fois la vallée de la Seugne et un nœud de communications
formé de plusieurs voies gallo-romaines, dont une, venant de Saintes et
allant en direction de Bordeaux, était un des chemins qu'empruntaient les
pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Comme si l'importance du site et
des terres en relevant ne leur suffisaient pas, les sires de Pons faisaient
remonter la fondation de la ville à "un certain Oelius Pontius, neveu du
grand Pompée qui en a jetté les premiers fondements et lui a donné son nom",
comme l'écrivait, au début du XVIIIe siècle, Claude Masse. Il poursuivait en
racontant "que ce sentiment était fondé sur quelques médailles anciennes
trouvées parmy les ruines d'un pilier tombé qui servait de soutien au
château où on remarquait divers inscriptions dont Le tombeau d'Oelius
Pontius", neveu du Grand Pompée et "Cy Gisent Albin Cosseïus Pontinus, fils
d'Annibal du Pont et Heilbeide, sa femme". Un peu plus loin, Masse reconnaît
que même si la maison de Pons est très ancienne, il n'y a pas de preuves de
tout cela. Ces prétentions généalogiques sont à rapprocher de celles que
cette même famille avait fait raconter par une série de tapisseries, au
château de Thors. Dans son très sérieux ouvrage sur la Société laïque dans
les pays de la Charente, du Xe au XIIe siècle, André Debord rappelle que le
lignage de la maison de Pons avait fait "une si brillante fortune que les
généalogies qui lui étaient prêtées jusque là étaient fabuleuses"; que le
castrum de Pons était resté entre les mains des vicomtes d'Aulnay et des
ducs d'Aquitaine jusqu'au milieu du XIIe siècle et qu'ils y avaient un
châtelain héréditaire qui s'émancipa à cette époque et qui prit le titre de
Dominus.
La branche aînée des sires de Pons s'éteignit en la personne d'Antoine de
Pons, capitaine des Cent gentilshommes de la maison du Roi, gouverneur de
Montargis, mort à 76 ans, en 1586. La sirerie de Pons revint alors à sa
fille, Antoinette, mariée en 1591 à Henri d'Albert, baron de Miossens,
seigneur de Coarraze, souverain de Bédeil, chevalier du Saint-Esprit. Leur
fils, Henri II d'Albret, sire de Pons, laissa plusieurs enfants de son
mariage avec Anne de Gondrin de Pardaillan, fille du marquis de Montespan,
dont François-Alexandre, sire de Pons, mort au château en 1646, laissant
pour fille Marie d'Albret. Le château de Pons revint alors à son frère
cadet, César-Phoëbus d'Albret, fait maréchal par le cardinal Mazarin, en
1653, mort à Bordeaux en 1676, avec la charge de gouverneur de Guyenne. De
son mariage avec Madeleine de Guénégaud, fille de Gabriel, seigneur du
Plessis-Belleville, il eut un fils unique, Charles-Amanieu d'Albret, marié
avec dispense de consanguinité le 2 mars 1662, à sa cousine germaine, Marie
d'Albret, fille de François-Alexandre et d'Anne Poussard, pour des questions
d'héritage. Peu après, Marie d'Albret, épouse de Charles-Amanieu, seigneur
de Coarraze, Miossens, Haget, et autres lieux, demeurant en son hôtel de la
rue des Francs Bourgeois à Paris, parvint à se faire adjuger par décret de
la cour du parlement de Paris, la terre de Pons, pour 500000 livres, saisie
sur la tête de son grand-père et d'un de ses oncles. Marie, écrit
Saint-Simon était "franche héritière, c'est-a-dire riche, laide et maussade.
Le marquis d'Albret Charles-Amanieu, jeune, galant, bien fait, étourdi et
qui se croyait du sang des rois de Navarre, n'en fit pas grand cas et se fit
tuer malheureusement pour une galanterie, à la première fleur de son âge".
Marie d'Albret, dame de Pons et de nombreuses autres terres, se trouva donc
veuve de bonne heure, et se remaria à Charles de Lorraine, comte de Marsan.
Le comte de Marsan, "jeune, avide et gueux, qui avait accoutumé de vivre
d'industrie et qui avait ruiné la maréchale d'Aumont, fit si bien sa cour à
la marquise d'Albret, qui n'avait pas accoutumé d'être courtisée, qu'elle
l'épousa en lui donnant tout son bien par le contrat de mariage. M. de
Marsan la laissa dans un coin de sa maison, avec le dernier mépris et dans
la dernière indigence tandis qu'il se réjouissait de son bien. Elle mourut
dans le malheur, sans enfants, le 13 juin 1692, ayant apporté au comte de
Marsan ses terres de Pons, de Mortagne et d'Ambleville, en Saintonge et
Angoumois". Celui-ci se remaria en 1696, à Catherine Goyon de Matignon,
veuve de Jean-Baptiste Colbert, marquis de Seignelay, ministre et secrétaire
d'État, qui lui donna deux enfants, Jacques-Henri et Charles-Louis. Le
dernier de la lignée, Camille-Louis de Lorraine, prince de Marsan et de
Mortagne, sire de Pons, comte de Pontgibaud, marquis de Mirambeau, souverain
de Bédeil, chevalier des ordres du Roi, lieutenant général de ses armées,
gouverneur du pays et comté de Provence et ses villes d'Arles, de Marseille
et de Toulon, fils de Charles-Louis et d'Élisabeth de Roquelaure, mourut
sans postérité en 1787, laissant pour héritière sa seule sœur survivante,
Louise-Henriette-Gabrielle, duchesse de Bouillon, épouse de
Godefroy-Charles-Henry de La Tour d'Auvergne. Elle recueillit le marquisat
de Mirambeau et la terre de Saint-Léger, tandis que la sirerie de Pons
passait aux mains d'un de leurs lointains cousins, Charles-Eugène de
Lorraine, prince de Lambesc, duc d'Elbeuf, comte de Brionne, maréchal de
camp. Il fut le dernier des sires de Pons. Dès 1806, le château fut acquis
par la municipalité qui y installa l'hôtel de ville.
Actuellement, il ne reste de la forteresse que le puissant donjon qui aurait
été élevé vers 1187, après la destruction du château par Richard Cœur de
Lion, duc d'Aquitaine, en 1179. C'est un énorme bâtiment quadrangulaire à
contreforts plats de 25,80 m sur 14,40 m. Ses murailles ont plus de 2,50 m
d'épaisseur et atteignent 4,40 m sur le petit côté nord. L'édifice atteint
une hauteur de trente mètres. Une tourelle polygonale d'escalier a été
ajoutée au début du XXe siècle, au rez-de-chaussée. Initialement,
l'intérieur comprenait trois niveaux, avec rez-de-chaussée et niveau
supérieur voûtés. En 1904, Émile Combes, maire de Pons décida de faire
ajouter au sommet de la tour, un couronnement fantaisie de créneaux et de
merlons, avec échauguettes aux quatre angles, d'un aspect assez ridicule. On
s'inspirait pour cette restitution qui se voulait historique, d'une gravure,
du début du XVIIe siècle, de Claude Chastillon, représentant en réalité le
donjon de Tonnay-Boutonne ! Malgré cette restauration intempestive, le
donjon de Pons est l'un des plus beaux exemples de donjon-palais de style
roman des pays d'Ouest. La chemise qui l'entourait, encore visible sur un
plan de 1714, a été détruite. Auprès, s'élève l'ancien logis seigneurial,
abritant aujourd'hui les locaux de la mairie. Il s'agit d'un corps de
bâtiment, relativement modeste, qui se dresse sur la falaise dominant la
Seugne.
Côté cour, il vient s'appuyer sur une tour polygonale faisant la jonction
avec une aile en retour d'équerre aujourd'hui détruite. Dans son
prolongement, vers la chapelle Saint-Gilles, se remarquent encore des traces
d'anciens bâtiments et d'une tour d'escalier à vis. Sur sa façade
postérieure, il se dresse majestueusement sur une série d'arcades et est
flanqué d'un petit pavillon coiffé d'une toiture à l'Impériale. Dans le
prolongement, mais isolé de celui-ci, existe encore un grand corps de logis
dont les fenêtres et les angles sont marqués par des chaînes harpées. Il
était, à l'origine, relié au corps principal et doté d'une haute toiture
d'ardoise éclairée par des lucarnes à fronton triangulaire dans le
prolongement des baies. On attribue la construction de ce corps de logis au
maréchal d'Albret, vers le milieu du XVIIe siècle. Claude Masse rapporte
qu'il avait fait faire des terrasses au château et plusieurs autres
réparations, planter les quinconces d'arbres, et bâtir des écuries voûtées.
La famille d'Albret marqua le château car, toujours d'après Claude Masse, il
y avait dans une salle "qui gâte toute la décoration, les portraits grandeur
nature des seigneurs de la maison d'Albret habillés selon leur temps". Une
inscription rappelle qu'Henri II d'Albret et son épouse avaient déjà fait
moderniser le château, sans doute après le siège de 1621. Plus tard,
Camille-Louis de Lorraine y fit faire des travaux, comme le prouve un
mémoire conservé aux Archives Nationales. Les bâtiments, bien qu'ayant perdu
l'enceinte les protégeant de la ville, leurs jardins bas (lotis) et une
partie de leur importance, sont encore suffisamment imposants pour évoquer
la puissance des sires de Pons, tant au Moyen Age, qu'au siècle de Louis XIV.
(1)
Éléments protégés MH : le donjon : classement par arrêté du 8 octobre 1879.
Les façades et les toitures de l'Hôtel de Ville, ainsi que les arcatures
servant de soubassement à cet édifice : inscription par arrêté du 13 juin
1991. Les deux plafonds peints du XVIIe siècle de l'un des bâtiments de
l'ancien château, abritant l'Hôtel de Ville, situés le premier au
rez-de-chaussée de la tour Sud, le deuxième dans la grande salle du
rez-de-chaussée dite salle de réunion : classement par arrêté du 12 juin
1992.
château de Pons 17800 Pons, propriété de la commune, hôtel de ville.
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