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À l'emplacement actuel du château de Didonne
s'élevait, jusque dans la première moitié du XVIII siècle, un petit château
appelé La Touche. En 1471, Guillaume Gua rendit aveu et dénombrement de son
"hôtel de La Tousche" relevant de la seigneurie de Didonne à hommage lige et
au devoir de 10 sols à mutation de vassal. Charles de Coëtivy lui accorda,
en 1481, le droit de pêche dans l'étang de Chenaumoine, en raison de
services rendus et parce qu'il était marié à sa sœur naturelle, Julienne de
Coëtivy. Avant 1532, Savary de La Rochandry, l'un des héritiers de Guillaume
Gua, vendit la seigneurie de La Touche à Guillaume de Burlé, écuyer,
seigneur de Dercie. La famille Rabaine fit alors valoir son droit de retrait
lignager et ne put récupérer La Touche qu'à la suite d'un long procès. Par
le mariage de Jeanne de Rabaine et d'André d'Alloue, le château passa, à la
fin du XVIe siècle, entre les mains de la famille d'Alloue, originaire de
l'Angoumois. Leur fille, Esther d'Alloue, étant morte sans enfant de son
mariage avec Gaspard de Campet, titré baron de Saujon, La Touche revient à
ses nièces, Paule de Rabaine, demoiselle, et Jeanne de Rabaine, veuve de
Charles de Sennecterre, seigneur marquis de Saint-Victour et de Brillac,
malgré le procès que leur intenta Gaspard de Campet. En 1683, François de
Sennecterre, fils de Charles et de Jeanne de Rabaine, fit transformer le
château: il fit construire une partie neuve et recouvrir tous les bâtiments
par Pierre Baudin, maître recouvreur en ardoise.
C'est dans un château tout neuf que naquit, le 11 novembre 1685, son fils
unique, Jean-Charles, qui devint plus tard marquis de Sennecterre, brigadier
des armées du Roi, colonel d'infanterie, maréchal de camp et ambassadeur
auprès du roi de Sardaigne, chevalier des ordres du Roi, commandant puis
gouverneur des provinces d'Aunis et de Saintonge, et enfin maréchal de
France en 1757. En 1713, il avait acheté de Marie-Madeleine de La Fayette,
agissant au nom de son mari, Charles Bretagne, duc de La Trémoille, la
baronnie de Didonne qu'il réunit à sa terre de La Touche. Entre 1728 et
1732, le château de La Touche est sans doute transformé par sa mère, Marie
de Béchillon. Il devient dès lors le château de Didonne en Semussac. Son
fils, Jean-Charles de Sennecterre, décida à nouveau de le transformer entre
1754 et 1758, sans doute selon les plans de l'entrepreneur et architecte
bordelais Étienne Dardan qui s'était notamment illustré à l'entretien du
phare de Cordouan et à la construction de la place de la Bourse, à Bordeaux,
sous les ordres de Gabriel. Lorsque l'épouse du maréchal de Sennecterre
meurt, en 1757, l'inventaire après décès fait à Didonne montre un château en
voie d'achèvement. Jean-Charles de Sennecterre, très attaché à sa Saintonge
natale, vint mourir à Didonne, après s'être constitué un immense domaine
tout autour, ayant racheté le marquisat de Pisany (1749), la châtellenie de
Saint-Georges-des-Côteaux (1754), les baronnies d'Arvert et de Saujon, la
châtellenie du Chay (1758), les seigneuries de Chenaumoine et de Brézillas
(1764) et enfin le marquisat de Royan (1769).
Après lui, son fils, Henri Charles de Sennecterre, deviendra baron de
Didonne, de Saujon, d'Arvert, marquis de Pisany, de Royan et autres lieux.
Rendu aveugle par la petite vérole, il ne viendra que deux fois au château,
désormais fermé. En février 1784, une violente tempête endommagea ses
toitures. Le comte de Sennecterre mourut à Paris, dans son hôtel de la rue
de l'Université, l'année suivante, criblé de dettes. Son fils étant décédé
avant lui, c'est sa fille, Marie-Charlotte de Sennecterre, veuve de Louis de
Conflans, marquis d'Armentières, maréchal de France, qui recueillit sa
succession fort embrouillée. Restée à Paris pendant la Révolution, elle fut
arrêtée sous la terreur, jugée expéditivement, condamnée à mort et aussitôt
guillotinée. Le château de Didonne, comme toutes les propriétés
saintongeaises, fut alors confisqué puis adjugé, le 2 thermidor an IV, à
Étienne Raboteau, négociant à Bordeaux, moyennant 295339 livres 16 sols.
Mais celui-ci n'en prit pas possession et le château fut remis en vente. Le
6 nivôse an VI, il fut définitivement adjugé pour 1210000 francs au citoyen
Pierre Lambert déjà propriétaire du château des Touches, commune de
Champagnolles, agissant en son nom et pour Marie-Jean-François Cluzet,
propriétaire, demeurant à Saint-Fort-sur-Gironde, avec lequel il prévoyait
de faire un partage. Dès le 5 germinal de cette année, ce dernier vendait
une portion démembrée de la propriété et des bâtiments à
Sylvestre-Alexandre-Jean Bouyer, demeurant à Saintes, lequel ne pourra
réunir la totalité de la part provenant de Jean-François Cluzet que cinq ans
plus tard.
Par contrat du 7 juin 1809, Pierre Lambert et Sylvestre-Alexandre-Jean
Bouyer se partageaient les bâtiments de l'ancien château, l'un se gardant
l'aile gauche et l'autre l'aile droite. Le contrat prévoyait des
transformations. C'était le début d'une lente agonie pour le château du
maréchal dont certaines parties allaient être démolies pour pouvoir faire
deux corps d'habitation plus commodes à habiter. En 1832, Pierre Lambert
vendit l'aile qu'il possédait et ce qui l'entourait à Marie-Léon-Alfred de
La Grandière, qui venait d'épouser Marguerite-Françoise-Fany de Brossard,
fille du propriétaire du château de Favières. Deux ans plus tard, il parvint
à racheter l'autre partie démembrée en 1809, comprenant une centaine
d'hectares et consistant en "maisons d'habitations pour le fermier et les
colons partiaires et bâtiments de servitude de toute espèce, fuies, granges,
étables, toits, hangars et écuries, ensemble les avenues, cours, issues,
droits de passage et de clônage", de Sylvestre-Alexandre-Jean Bouyer et de
ses enfants, moyennant 78 000 francs. C'est sans doute au comte de La
Grandière, qui sera tour à tour maire de Semussac et de Royan, que l'on
doit, peu après 1834, la démolition de l'aile gauche des bâtiments et le
réaménagement de l'aile droite, autrefois la plus confortable, ayant
l'aspect d'une vaste maison de campagne, sans prétention, qui forme l'actuel
château de Didonne. Après lui, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe
siècle, le domaine passa aux mains de différentes familles, avant de devenir
la propriété de Paul Firino-Martell, en 1917.
Celui-ci consacra toute son énergie à faire de Didonne le centre d'une vaste
exploitation modèle à l'Américaine, y introduisant de nouvelles cultures,
comme le maïs, et faisant compléter l'ensemble par d'immenses bâtiments
auxiliaires et des maisons d'ouvriers. En même temps, il fit aménager le
corps de logis, le dotant d'une collection d'exceptionnels meubles
régionaux, aujourd'hui dispersée. Depuis 1979, la vocation de Didonne s'est
à nouveau transformée. Après avoir été racheté par la coopérative agricole
de Cozes-Saujon, le site admirable, ouvert au public, est devenu un outil de
promotion de produits locaux en même temps qu'un haut lieu d'histoire du
Pays Royannais. Après avoir traversé une immense basse-cour, franchi une
porte cochère à simples pilastres, on découvre, sur la droite, un long
bâtiment blanchi à la chaux, percé de nombreuses baies à arc segmentaire,
sans grande prétention, irrégulièrement rythmé et flanqué de deux
avant-corps latéraux d'inégales dimensions. Il s'agit là de l'ancienne aile
droite du château du maréchal de Sennecterre, convertie en habitation
principale après la destruction de l'aile qui lui faisait pendant et le
démembrement du corps de bâtiment central, plus ancien, autrefois en fond de
cour, aujourd'hui coupé en deux et privé de ses toitures d'origine. Le
remarquable parc à l'Anglaise entourant le tout semble l'œuvre du comte de
La Grandière, après 1854. On notera, à l'entrée du domaine, une vaste fuie
cylindrique couverte d'ardoise, seul élément encore intact symbolisant le
grand château de l'Ancien Régime. (1)
château de
Didonne, allée du Château, 17120 Semussac, tel. 05 46 02 75 12, hôtel
restaurant aujourdhui.
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