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Le donjon en ruine, bâti sur le promontoire
terminal d'une ancienne presqu'île, semble veiller sur la mer et les marais
qui l'entourent. Cette tour qui n'a conservé que la face occidentale, est le
témoin d'un passé historique qui commença au début du XIe siècle. Seul
vestige de la forteresse, ce donjon quadrangulaire, dont la date de
construction demeure incertaine, est mentionné pour la première fois dans
les textes en 1078. Entre 1040 et 1060, il semblerait que la terre de Broue
soit contrôlée par Engelbaud de Broue, établi en Saintonge par le comte
Geoffroy Martel. Le premier seigneur de la châtellenie de Broue qui relevait
du comté de Saintonge apparaît à la fin du XIe siècle: il s'agit d'Hugues de
Doué. Son fils Rainaud de Doué lui succède vers 1162. Jusqu'en 1242 la
généalogie de cette famille reste confuse. À cette date Geoffroy de Doué est
devenu le sieur des lieux. Puis la terre devient la possession de la famille
Rochefort : Chalon de Rochefort vers 1269, puis Guy en 1312. Par alliance,
la fille de ce dernier transmet Broue à Guy de Vaussay vers 1330. Sa petite
fille, Marguerite, apporte en dot la châtellenie de Broue à Simon Burleigh,
chevalier anglais, son second époux, vers 1367. Nous sommes alors en pleine
guerre de Cent Ans et la forteresse, refuge des troupes anglaises, est
assiégée par Bertrand du Guesclin en août 1372. Accusé de concussion,
Burleigh est emprisonné puis exécuté en Angleterre, en 1388. Sa veuve doit
alors rendre hommage à Charles V pour sa tour de Broue. Celle-ci étant morte
sans postérité, son neveu, Louis, le comte de Sancerre, hérite de ses biens
en 1391, qu'il cède à Jean, duc de Berry en 1392. Ce dernier échange avec
Regnaud de Pons, ses seigneuries de Broue, Chessous et Montaiglin, récemment
acquises contre la vicomté de Carlat en Auvergne. De 1427 à 1445, Jacques de
Pons, fils de Regnaud, devient le seigneur des lieux, mais pour avoir
participé à la Praguerie il se voit confisquer tous ses biens qui à cette
occasion reviennent à la Couronne de France.
Charles VII donnera la seigneurie de Broue en 1450 à André de Villequier,
gouverneur de La Rochelle et chambellan du Roi. Mais la famille de Pons,
rentrée en grâce, décida de reprendre ses terres. Après plusieurs heurts,
Guy de Pons, fils de Jacques, expulse Antoine de Villequier en 1481. En
1591, Anne de Pons fait passer la châtellenie de Broue à la famille Martel
par son mariage avec François Martel, seigneur de Lyndebeuf et de Torp.
Marie-Charlotte Martel, arrière-petite-fille de François, hérite de Broue (à
la mort de son frère aîné survenue en 1656) qui passe alors aux mains de la
famille La Cropte (Marie- Charlotte avait épousé François-Paul de La Cropte,
marquis de Beauvais). Leur fille Uranie de La Cropte de Beauvais, hérite de
la Châtellenie qu'elle transmet à son mari, le comte de Soissons, prince de
sang royal. Suite à une traîtrise d'Étienne, frère du comte, envers Louis
XIV, les époux doivent quitter la France. Les enfants du comte et de la
comtesse de Soissons, Emmanuel et Anne Victoire de Savoie, duchesse de Saxe,
vendirent leurs terres de Marennes, Broue, Chessous et Montaiglin, le 19
avril 1719, à un curieux personnage, François-Marie Fargès, qui n'en paya
pas le prix et se trouva "ensuite débiteur du Roi". Les terres furent
saisies en 1738, et, après réclamation de la duchesse de
Saxe-Hildesbourghausen, furent remises entre les mains de cette dernière.
Elle les remit en vente et trouva acquéreur, le 27 octobre 1744, en la
personne de Nicolas Vallet de La Touche, écuyer, conseiller secrétaire du
Roi maison couronne de France et de ses finances, fils d'un riche négociant
de Marennes et frère du seigneur de Mons-en-Royan. Aussitôt il entreprit de
faire réparer tous les bâtiments de la seigneurie, dont le "lieu appelé le
Vieux-Autel" à Marennes, où étaient situés "le parquet et les prisons de
ladite terre et seigneurie". Nicolas Vallet devenait par cette acquisition
un puissant personnage, ce que Louis-François-Armand de Plessis, duc de
Richelieu et de Fronsac, ne vit pas d'un bon œil. Étant seigneur de Brouage,
il parvint à obtenir un arrêt du parlement de Paris, du 2 août 1749, lui
permettant de retirer les terres de Broue et Montaiglin.
La tour fut alors laissée à l'abandon puis acquise au cours du XIXe siècle
par la comtesse Henry de Saint-Légier d'Orignac, membre de la commission des
Arts, afin d'en assurer sa conservation car disait-elle "il fallait
préserver des dévastations des hommes plus redoutables encore que les
ouvrages du temps les débris d'un monument les plus intéressants de la
Saintonge". Les efforts et la détermination de la comtesse pour la
protection du site n'auront pas été vains. Claude Masse qui vit la tour au
début du XVIIIe siècle, écrivait que l'on disait que la forteresse avait
"été bâtie par les anglais, et qu'on ne savait pas positivement en le temps
qu'elle a été rasée mais ce qui est très sur c'était que partie de ses
matériaux avait été transporté à Brouage par eau quand y fit ses
fortifications". Plus loin il ajoutait que les "bonnes gens disaient qu'au
dessus de la tour de Broue il y avait un fanal pour éclairer les vaisseaux
en mer". De la tour ne subsistent aujourd'hui que le mur ouest et une
portion des murs sud et nord. La face restante, bâtie en pierres de taille à
sa base pour lui assurer une meilleure stabilité puis en moellons sur les
deux autres tiers de la hauteur, est rythmée par cinq contreforts plats. Les
trous, visibles sur toute la surface du mur appelés trous de boulins,
servirent à fixer les poutres des échafaudages lors de la construction de
donjon. Atteignant en 1836 une hauteur de 25 mètres, il devait comporter
quatre niveaux éclairés par de larges fenêtres en plein cintre dont deux
d'entre elles subsistent encore. À la fois résidence de seigneur et réduit
défensif, les salles devaient être équipées de cheminées: l'une d'elles peut
toujours se voir. Bien que ruinée, la tour de Broue a su garder son allure
altière. Très longtemps, elle protégea un village avec son église
paroissiale et un port où l'on construisait encore des vaisseaux de 40
tonneaux en 1620, d'après Claude Masse. (1)
Éléments protégés MH : la tour de Broue : inscription par arrêté du 19 mai
1925.
donjon de Broue 17600 Saint-Sornin, propriété de la commune, visite libre
des extérieurs
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