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Dinan, comme toutes les villes d'une certaine importance au Moyen-âge, eut
son château-fort, qui fut élevé par les premiers vicomtes de Dinan, sur le
promontoire qui domine le Jersual et le Chemin-Neuf. L'aspect de la roche
escarpée où il était situé peut encore donner une juste idée de la force de
cette place, eu égard aux moyens d'attaque auxquels on était réduit dans les
guerres du moyen âge, au temps où l'artillerie était inconnue. Si l'on ouvre
les pages de l'histoire, on trouve une suite de vicomtes de Dinan, qui
l'habitaient dès le commencement du XIe siècle. D'où lui venait le surnom de
château Gaune, vieux mot qui veut dire trahison. Personne n'en sait rien, et
l'histoire en garde le silence, comme elle se tait sur l'époque de la
destruction de cette forteresse, ce qui dut avoir lieu dans la dernière
moitié du XIIe siècle. Pendant les guerres sanglantes que la Bretagne eut à
soutenir contre l'Angleterre, dans le cours des XIIe,XIIIe et XIVe siècles,
ni les ducs de Bretagne ni les vicomtes de Dinan ne durent songer à
reconstruire un autre château-fort, ce qui eut exigé de grandes dépenses et
beaucoup de temps, et par un autre motif encore plus puissant, c'est que
l'ennemi était à chaque instant sous les mu railles de la ville. Ce ne fut
donc qu'en 1380, lorsque la guerre s'apaisa quelque temps entre la Bretagne
et l'Angleterre, que Jean IV, duc de Bretagne, conçut le projet de
construire un autre Château, celui que nous avons sous les yeux. On
s'étonnera, peut-être, de ce que le second château ne fut pas construit sur
l'emplacement de l'ancien, lieu si convenable à cet effet: la chose nous
semble facile à comprendre; cette partie de la ville se trouvant
suffisamment fortifiée par ses hautes et épaisses murailles joint à cela les
accidents du terrain qui lui donnaient un double renfort, et à cette époque
où l'on commençait à se servir du canon, la position offrant une redoute
naturelle, il n'était besoin de tours ni de murailles pour placer quelques
pièces d'artillerie qui eussent vigoureusement repoussé l'ennemi à son
arrivée vers le pont de la Rance.
Sous le point de vue de fortification, il était bien plus convenable de
placer la nouvelle forteresse dans la partie de la ville la moins fortifiée,
à côté d'une porte la plus exposée aux attaques de l'en nemi, puis d'un
accès facile et à l'embouchure d'une route très fréquentée, par laquelle
l'ennemi devait nécessairement déboucher après l'attaque des deux
principales villes de la province, Nantes et Rennes. Il est bon de savoir
que l'ancienne route de Rennes à Dinan, avant sa jonction avec celle de
Saint-Malo, ce qui eut lieu en 1781, tournait au village des Loges et
passait par Saint-James (Saint-Jacques), Léhon, le Bas-Bourgneuf, puis
arrivait en ville par la porte du Guichet, et plus tard, lorsque celle-ci
fut anéantie, par la porte Saint-Louis, qui fut ouverte en 1620. La porte du
Guichet se trouvait située dans la courtine qui lie le château avec la tour
Coëtquen: on en remarque encore toutes les formes du côté de l'entrée, en
dehors de la muraille.
Le duc de Mercœur, qui trônait en souverain au nom de la Ligue, sur le siège
de Bretagne, voulant mettre sa bonne ville de Dinan en état de repousser
toute attaque de l'ennemi, fit exécuter de grands travaux dans les
fortifications de la ville. Entre autres, il fit murer la porte du Guichet
et les portes du château, et fit ouvrir une autre porte au château, dans la
fenêtre de la chapelle qui se trouvait à la hauteur de la courtine et des
hautes cours, pour donner une communication plus facile entre la ville et le
château; puis il fit faire la porte d'entrée dans les hautes cours et y jeta
un pont-levis du côté de la ville; au-dessus de cette porte, il fit placer
les armes de la ville; dans la révolution de 1789, elles ont disparu sous le
marteau du démolisseur, il ne reste aujourd'hui que l'encadrement. Il fit
raser les maisons et jardins se trouvant aux abords du château et de la
porte du Guichet, en dedans et en dehors de la ville: en dehors des murs,
pour avoir la facilité de dresser des glacis, en dedans de la ville, pour
faire creuser le large et profond fossé qui est aujourd'hui transformé en un
délicieux jardin. De plus, il fit pratiquer,, dans toute la longueur de la
courtine qui unit la tour Coëtquen avec le château, une galerie en casemates
pour la défense du château du côté de la ville, en cas de siège: le château
étant dans cette circonstance la dernière redoute des assiégés et le
palladium des fortifications, il était prudent de pourvoir à sa sûreté. On
peut s'assurer de l'époque de ces derniers travaux, en examinant dans le mur
de la courtine, du côté de la ville, une pierre qui porte la date de 1593.
Il est reconnu que les maisons et terrains situés dans cette partie de la
ville étaient tributaires de rentes annuelles envers la fabrique de
Saint-Sauveur, et même le terrain où est situé le château. Après la
destruction de toutes les propriétés situées dans ce lieu, la fabrique de
Saint-Sauveur adressa une requête au duc de Mercœur, pour obtenir une
indemnité du préjudice causé au trésor de l'église; ce qui fut loin d'être
réglé par le duc.
Plus tard, les fabriciens adressèrent une autre requête à Henri IV, et voici
ce que rapportent les titres de Saint-Sauveur, relativement à la réclamation
faite au roi le 27 avril 1599: "Pour être la dite fabrique reparée des torts
et préjudices de la perdition de renies au nombre de plusieurs qui étaient
delles sur les maisons, cours et jardrins sus les le chateau et la porte du
Guichet à Dinan, lesquels terrains ont été prins pour les fortifications du
château et pourpris, par les capitaines et gens de guerre du duc de Mercœur.
Lesdites maisons jardrins et coulombier à pigeons volants sous la
juridiction de la Trinité et à devoir de rente et obéissance". Lorsqu'on
examine avec attention tous les changements qui ont été faits aux alentours
du château et qui en ont dénaturé le plan, il est réellement difficile de
rien résumer sur son état primitif, sous le point de vue de force militaire.
Ce qu'il y a de positif, c'est que le château proprement dit n'existe pas
dans son entier. A-t-il jamais été achevé ou a-t-il été ruiné dans quelque
siège? Nous ne pouvons le dire, ni le prouver avec assurance, mais il est
constant que l'édifice que nous appelons le château n'est qu'une partie du
château, c'est-à-dire le donjon, qui, suivant le système de fortification du
temps, devait se trou ver au milieu de la place d'armes, environnée
elle-même de forts remparts crénelés, et flanqués de plusieurs grosses
tours; tel dut être le plan primitif qui devait constituer cette forteresse.
Du reste, la nature de l'édifice existant suffit pour lever toute espèce de
doute à cet égard, pour peu qu'on y fasse attention, et l'on pourra aisé
ment se persuader que la première conception de l'auteur ou fondateur n'a
jamais été celle de jeter là isolément cet édifice sans aucune défense de
circonvallation, environné seulement de douves sèches, l'entrée principale
exposée à tout venant, sans pont-levis, ayant pour toute défense une double
porte en coulisse qu'on nommait porte de fer.
Pour sortir de telles conjectures, que l'on jette un coup d'œil dans la
partie ouest, on remarquera une porte murée qui s'élève à plus de vingt-cinq
pieds au-dessus du sol de la basse cour. Cette porte se trouvait sans doute
percée à hauteur des remparts du rond-point pour y communiquer par un pont
volant ou passerelle. Pour ne point douter que ce fut une porte, il faut la
visiter par l'intérieur, et l'on remarquera au-dessus une large meurtrière
qui effleure l'entrée; la voûte en pierre du corridor correspondant est
également percée de plusieurs meurtrières d'où l'on pouvait sans peine
assommer les assiégeants avec des quartiers de pierre, ou les incommoder
grièvement en leur jetant de l'eau bouillantes, sortes de défenses qui
étaient en grand usage avant l'invention de la poudre. Dans l'angle
méridional, on aperçoit aussi les enrainures d'une petite passerelle de
surveillance; la hauteur où elle est placée dans l'édifice ne pouvait lui
laisser d'autre usage que la communication avec les remparts du château.
Enfin, tout atteste qu'il a dû exister dans le pourtour du donjon une
enceinte de fortifications, chose, du reste, indispensable à sa sûreté,
surtout dans ces temps où la guerre était permanente. En avant de la porte
du Guichet, il se trouvait une seconde porte avec barbacane et pont-levis.
Nous avons jugé plus convenable de comprendre tous ces documents dans une
introduction, pour ne pas fatiguer la plupart de nos lecteurs, peu familiers
avec l'archéologie, que de l'introduire dans l'historique du monument. C'est
donc assez dire sur les abords et alentours du château que nous cherchons à
traiter spécialement; maintenant visitons-le dans toute son étendue: sa
fondation, son architecture, sa distribution intérieure, ses détaits
historiques et ses points de vue.
Tout près du Champ, cette place historique que décorent plusieurs rangs
d'arbres verdoyants et touffus dont le feuillage semble se complaire à
former un berceau frais et ombreux à la statue en pied du plus grand
capitaine qu'enfanta le XIVe siècle, l'immortel du Guesclin, s'élève fier et
grandiose le donjon superbe du château de Dinan. Ce monument, par son aspect
guerrier, était digne de l'époque du héros et digne de veiller, comme une
sentinelle puissante et vigilante, à la sûreté de cet autre monument élevé à
la mémoire de ce grand homme dont le nom et les hauts faits vieilliront avec
le monde, sans jamais s'effacer des pages de l'histoire. Le château de Dinan
s'annonce au loin par une impression de force et de grandeur qui lui donne
un caractère de supériorité sur tous les édifices qui l'environnent.
N'était-ce pas aussi au temps des guerres une puissante vigie affrontant les
vexations belliqueuses de l'ennemi, et un tutélaire veillant au salut de la
ville rangée à ses pieds. Jamais enceinte de murailles ne fut munie d'un
contour plus gracieux; jamais les mâchicoulis d'un donjon ne furent
supportés par des contreforts plus étranges à la fois et plus élégants;
jamais, enfin, les regards des guerriers ne furent enchantés par un paysage
plus ravissant; admirable architecture militaire, et que l'on pourrait dire
sans exemple et sans imitation dans notre vieille et héroïque Bretagne. En
somme, ce monument, d'une très belle construction et d'une conservation
entière, semble être destiné à résister encore pendant des siècles à
l'effort du temps. Quelques soins de l'administration, quelques sommes
convenablement employées à son entretien, le maintiendront dans toute sa
beauté. Il restera le témoin muet des événements passés, pour les
générations qui se succéderont aux pieds de ses murailles. Les fenêtres,
partagées par une croix de pierre, la forme des créneaux, des mâchicoulis,
le plan même de l'édifice, tout annonce cette architecture mauresque née
dans des climats plus doux, et qui paraît comme étrangère sous notre ciel
humide.
C'est là qu'étaient les habitations de ces guerriers qui faisaient une
prison de leur demeure, et qui ne se croyaient en sûreté que lorsqu'ils
étaient inaccessibles. Nous recommandons surtout aux étrangers et aux
voyageurs de monter sur le point élevé de la forteresse, le soir, quand la
nuit commence à envelopper l'horizon d'un voile mystérieux, et le matin, au
moment où l'orient jette ses premiers feux sur le vaste tableau qui s'étale
auprès et au loin dans toute sa magnificence. Si l'architecture de ce
monument est curieuse dans ses détails, son principal intérêt est dans les
traditions qui se rattachent à ses antiques murailles et dans les souvenirs
historiques dont il a été le théâtre: séjour des gouverneurs de la ville,
demeure des ducs et princes de Bretagne pendant leurs voyages, forteresse de
la ville contre l'ennemi étranger, prison d'Etat; enfin au XIXe siècle,
maison d'arrêt. Malgré tous ces drames, un château qui a possédé un
personnage comme Anne de Bretagne est un château illustre, et ce n'est pas
sans intérêt que l'on visite la résidence d'une femme aussi célèbre,
duchesse de Bretagne et deux fois reine de France. Anne de Bretagne, ce nom
doux comme un rêve céleste, frais comme la verdure des champs, reste
toujours attaché à ces murailles. Ne vous semble-t-il pas la voir encore,
dans la grande pièce dite la Salle au Duc, après un sommeil doux et
tranquille, quitter son lit de satin rouge étoilé d'hermines, orné de
franges d'or, faisant sa parure, ensuite, franchissant avec une démarche
pleine de grandeur, de noblesse et de modestie, les degrés de la chapelle,
pour aller s'agenouiller dans son oratoire; puis, assise dans le fauteuil de
ses pères, cette chaise inamovible, vieillissant avec le monument, vous la
voyez fixer ses yeux d'ange vers l'autel, unissant sa prière à celle du
prêtre vénérable offrant le sacrifice suprême. L'esprit est plein d'émotion
et de souvenirs, l'âme la plus froide y éprouve des sentiments d'admiration.
Qu'ils sont glorieux ces souvenirs, pour le monument, et pour les
générations qui s'en transmettront la possession.
Nous citerons quelques-uns des événements les plus importants dont le
château de Dinan fut le théâtre, et les personnages les plus notables qui
l'ont habité ou visité. Jean IV, duc de Bretagne, et sa seconde femme,
Jeanne de Navarre, visitèrent, en avril 1387, le château de Dinan, d'où ils
partirent pour le château de l'Hermine, à Vannes. En 1406, le comte de
Richement, frère de Jean V, duc de Bretagne, venant de Saint-Brieuc, fut
reçu au château de Dinan. Deux personnages illustres et bien connus dans
l'histoire ont dû aussi visiter cette résidence, nous voulons dire le
malheureux prince Gilles de Bretagne, et sa douce et belle compagne,
Françoise de Dinan. Si l'on doit croire les annales de l'histoire, ce
château fut la première prison du prince Gilles, après que ce prince eut été
saisi à son château du Guildo par les ordres de son frère, l'inexorable
François I, duc de Bretagne (en 1446). En 1469, le duc de Bretagne François
I, étant en voyage, vint passer deux jours à Dinan et fut fêté au château.
La duchesse Anne, dans ses voyages, a résidé plusieurs fois au château de
Dinan, notamment en 1507, lorsqu'elle vint nommer la cloche de l'horloge
dont elle avait fait présent à Messieurs de la communauté de ville de Dinan:
c'est cette même cloche qui sonne encore les heures maintenant. En 1570,
Charles IX, roi de France, arrive au château de Dinan, et se rend le
lendemain à Saint Malo, par une jolie barque préparée pour la circonstance.
Le duc de Mercœur a longtemps siégé à Dinan durant les troubles de la Ligue.
Il fit sa première entrée en 1590, le 6 mars, après midi. Les habitants, qui
le considéraient comme leur souverain, à son approche, sortirent au-devant
de lui, pour lui présenter les clefs de la ville, et dévouèrent leur vie et
leurs armes à son service. Le duc accueillit en prince débonnaire leurs
offres, promet tant de les bien sauvegarder dans leur ville close. Il se
rendit au château et y reçut les seigneurs bretons qui vinrent reconnaître
son autorité et lui proposèrent de se charger de la garde de la place. Il
était accompagné de cinq cents arquebusiers, de trois cents lances, et d'une
illustre escorte, toute brillante de belles armures, et remplie de nobles
seigneurs et d'écuyers portant des pennons armoriés, et montés sur des
palefrois bardés de fer et richement harnachés.
Le château de Dinan a été occupé par une suite de gouverneurs très
distingués, entre autres les sires de Châteaugiron, de Coëtquen, de Rohan,
d'Avaugour, seigneur de Saint-Laurent et du Bois de la Motte; Guillaume
Marot, comte de La Garais, baron de Blaison, seigneur deTaden, etc. Nous ne
pouvons aussi passer sous le silence les fréquentes visites au château de
Dinan de deux personnages illustres, dont le souvenir restera immortel, M.
le comte de la Garais et sa digne compagne, ne respirant le jour que pour
s'occuper à soulager l'infortune et la misère; leur devise était
caractérisée sur leurs lèvres par ces mots: Bienfaisance et charité. Chaque
jour ils portaient des consolations et des secours aux prisonniers de guerre
anglais qui furent entassés dans le château à la suite de la guerre de 1744.
A plusieurs reprises, le château de Dinan a servi à renfermer des
prisonniers anglais; du reste, les murs l'attestent encore par les noms et
monogrammes de familles anglaises que l'on voit gravés sur les pierres dans
toutes les salles de l'édifice. Pendant la révolution de 1793, le château de
Dinan fut une prison d'Etat, particulièrement affectée aux prêtres non
assermentés ou trop infirmes pour être déportés. Des marins anglais
prisonniers de guerre y furent aussi enfermés. Dans la nuit du 18 juillet
1793, trois d'entre eux parvinrent à s'évader. L'évasion ayant jeté quelque
soupçon sur leur interprète, le sieur Barrer, prêtre irlandais, on
l'incarcéra lui-même provisoirement.
Abordons maintenant le château pour le voir et l'examiner dans ses détails.
Bien des gens, dans leurs recherches scientifiques, bien des amateurs se
bornent à un coup d'œil superficiel en présence des monuments, mais beaucoup
d'autres prennent plaisir à se rendre compte des moindres détails qui se
rattachent à leur histoire. C'est dans le but de complaire à tous que nous
réunissons ici tous les documents que nous avons pu dé couvrir. Avant
d'arriver au portail du château, vous trouvez quelques rares tilleuls
précédant une longue et haute rampe en pierre, qui vous prive d'aspecter les
anciennes douves et un beau pont en pierres de taille de trois arches que
vous ignorez être sous vos pieds, jolie construction pourtant, qui date de
la fin du XVIIe siècle. Arrivé au portail, vous n'avez plus le pont-levis à
franchir, vous entrez dans la première cour; à droite se trouve un long
corps de logis qui était anciennement affecté partie en caserne et partie à
l'infirmerie du château; au-devant, s'ouvrent deux cours divisées par une
rampe en pierre, surmontée d'une grille. A la gauche du portail, en entrant,
vous avez l'ancien corps de garde suivi de la courtine qui conduit à la tour
Coëtquen. Cette tour, l'une des plus fameuses de l'enceinte de la ville,
renferme de vastes et belles salles, dans l'une desquelles on remarque
encore des traces de peintures et quelques signes symboliques de la première
loge franc-maçonnique qui s'établit à Dinan dans le XVIIIe siècle. Au fond
de la tour, dans une salle à moitié remplie d'eau, on découvre l'embouchure
d'un souterrain que la tradition populaire fait communiquer avec le château
de Léhon; tout le monde doute de la chronique, mais personne n'a encore osé
s'assurer de la véracité du fait. Revenant vers le château, vous passez un
joli pont d'une seule arche, qui a été échangé il y a quelques années contre
un pont de bois qui était à moitié pourri, puis vous entrez dans le château.
Descendez dans la basse cour, vous vous trouvez environné d'une haute
murette qui a été élevée en 1822, lorsque le château fut constitué en maison
d'arrêt; à côté de vous le puits, au fond duquel est une chambrette voûtée
en ogive, dans laquelle se trouve l'orifice d'un second puits plus étroit
que le premier, c'était celui qui alimentait d'eau vive la grande cuisine du
château. Devant vous se trouve l'ancienne porte d'entrée du château, qui se
distingue par des moulures et quelques rinceaux de feuillage que le ciseau
de l'artiste a passablement exécutés; dans le fronton est un encadrement où
figuraient anciennement les armes de Bretagne; le marteau du vandalisme les
a entièrement fait disparaître. En levant la tête, vous apercevez, au-dessus
de l'entrée de la porte principale, une large meurtrière qui était destinée
à faire pleuvoir sur les assiégeants une grêle de pierres. En outre de la
porte massive fermant cette entrée, se trouvait la porte de fer qui
s'engrenait dans les coulisses pratiquées dans les côtés du mur; en dedans
règne encore une meurtrière moins grande que la précédente. En face de vous
est le corridor correspondant à l'autre porte du château; la voûte en pierre
est percée de plusieurs meurtrières; à gauche, une petite chambre à feu
voûtée en pierre était affectée aux factionnaires chargés de la garde des
portes; sous le corridor, au bas de l'escalier, est une chambre obscure qui
était la prison du château; en remontant, avant de prendre l'escalier
principal, vous avez sur la gauche une salle basse, voûtée en pierre; elle
est tellement obscure qu'on a peine à distinguer une énorme cheminée;
c'était là l'une des principales cuisines du château, où l'eau du puits s'y
rendait par un aqueduc situé dans la muraille. De cette profondeur, pour
atteindre le sommet du donjon, on a 148 marches à gravir, ou autrement une
hauteur de 110 pieds. Montant l'escalier en spirale, au premier, se trouve
sur la gauche une chambre voûtée en pierre, où se tenait la sentinelle
d'observation pour l'entrée principale; dans le corridor, à droite, la salle
d'office, munie d'une belle cheminée: c'est là que se préparaient les mets
pour les hauts personnages du château; à l'autre extrémité du corridor était
la grande salle du service de table.
C'est dans cette vaste salle que se donnèrent ces fêtes et banquets
splendides aux passages des ducs, où ils comptaient leurs formidables
vassaux de la contrée, tels que les sires de la Hunaudais, Montafilant, du
Guildo, du Bois de la Motte, de Coëtquen, de Montmuran, de Tinténiac, de la
Hardouinais, etc. Au second, sur la gauche, est la salle au Duc, très vaste
et bien éclairée; on y remarque, dans l'embrasure des fenêtres, l'épaisseur
des murs, qui n'a pas moins de dix pieds; la hauteur de l'étage est
d'environ vingt pieds; une énorme cheminée qui a près de quinze pieds de
largeur. Toutes ces proportions grandioses semblent avoir été destinées à
une habitation de géants. Les murailles de cette salle des grandes
solennités ont reçu successivement la confidence de la gloire et de la
crainte, de la joie et de la douleur, mais nul ne verra, nul n'entendra ce
qu'elles ont entendu. Entre cette chambre et la chapelle se trouve la salle
des Gardes, dont le poste était dans une petite pièce à feu voûtée en
pierre, qui se trouve à l'autre extrémité, sur la gauche; montez quelques
degrés, et vous entrez dans la salle du Serment, qui était la chapelle:
c'est là que les ducs de Bretagne recevaient de leurs grands vassaux du pays
Dinannais le serment de foi et hommage. Cette chapelle était sous le vocable
de Saint-Martin. Elle est petite, mais d'un bel effet; son plafond en
pierre, supporté par des arrêtes en ogives, est admirablement exécuté; les
encaissements formés par les arrêtes ont dû anciennement être enduits et
ornés de peintures à fresque représentant des sujets religieux ou
allégoriques. Pendant que vous êtes dans la chapelle, on ne manquera pas de
vous montrer la pièce curieuse: l'oratoire des ducs de Bretagne et le siège
(dit le fauteuil de la duchesse Anne) où ils se plaçaient pour entendre la
messe. Cette petite pièce, voûtée en pierre, est munie d'un foyer qui devait
entretenir une température assez chaude, eu égard aux saisons.
Reprenant le grand escalier, vous arrivez au troisième étage; vous avez la
grande salle, dite chambre du Connétable, qui était occupée par le
gouverneur du château et de la ville; aux deux côtés de cette salle sont
deux petites chambres voûtées en pierre, servant de postes d'observation.
Continuant l'escalier, au quatrième étage, vous avez sur votre gauche le
poste du Guet (servant au XIXe siècle de chapelle); il correspondait avec la
sentinelle de la galerie par un judas qui est percé dans le mur donnant sur
l'escalier. A quelques pas au-delà, sur la gauche, est la salle d'Armes,
très spacieuse et couverte d'une belle voûte en pierre sans arrêtes. Encore
quelques degrés, et vous atteignez la galerie du donjon: là vous commencez à
respirer, un air pur et frais vient ranimer vos sens; faisant le tour de la
galerie, vous regardez au-dessus de vous ces énormes gargouilles qui
déversent les eaux pluviales de la plateforme; sous vos pieds sont ces
terribles mâchicoulis faits par la main de l'homme pour exterminer l'homme;
à côté de vous, dans la muraille, sont les guérites des factionnaires qui
faisaient le guet jour et nuit pour la sûreté de la place. On vous ouvre
enfin la porte d'un étroit escalier qui vous conduit sur la plateforme, le
plus haut point du donjon. Aucune description ne peut donner une idée de
l'admirable pompe du paysage qui s'offre aux regards, du haut de cette
montagne de pierre élevée par la main de l'homme. Sous vos premiers regards
se présente la ville, cette héroïque cité qui vieillit depuis dix siècles
dans son épaisse cuirasse de remparts. Au pied de l'édifice qui vous élève
sont ces vieilles tours et murailles d'enceinte qui vous montrent leurs
flancs déchirés par les traits de l'ennemi, et leur tête découronnée et
cicatrisée par les rigueurs du temps. Maintenant, tournez-vous vers la ville
et portez vos regards dans le lointain jusqu'aux dernières limites de
l'horizon; si le temps est favorable vous découvrirez le Mont-Dol, puis le
Mont-Saint-Michel. (1)
Éléments protégés MH : le château de la Duchesse Anne en totalité :
classement par arrêté du 12 juillet 1886. (2)
château de la Duchesse Anne 22100 Dinan, tel. 02 96 39 45 20, musée
ouvert au public tous les jours. L’histoire du pays de Dinan y est retracée
à travers meubles, peintures, sculptures, etc.
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