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En remontant le cours du Gardon, à partir du Pont du Gard, on suit pendant
une demi lieue, le fond d'une vallée étroite dont l'aspect, au dire des
artistes et des voyageurs, offre une ressemblance frappante avec les plus
beaux sites du Péloponèse. Cette vallée débouche vis-à-vis du château de
Saint-Privat, vieille construction dans laquelle on retrouve des vestiges de
toutes les époques. Le château est situé dans une position romantique, sur
la rive droite de la rivière. En face, sur le bord opposé, se dresse une
sorte de falaise de deux cents pieds de haut, splendidement colorée des
teintes du couchant, falaise qui porte le nom de Roque-Soumagne ou Mal-Pas.
Le château de Saint-Privat, construit sur les ruines de l'abbaye du même
nom, a été de tout temps renommé pour les agréments et la beauté de sa
situation. Ce lieu a dû même être habité par des familles romaines, ainsi
que le témoignent l'existence de quatre pierres sépulcrales et d'une pierre
votive, dispersées autour de l'habitation, et plusieurs colonnes provenant
d'un édifice romain; ces dernières furent employées, par les fondateurs de
l'abbaye, à l'ornementation de leur église, dont il ne reste que la crypte
qui sert aujourd'hui de cave. Deux de ces colonnes sont actuellement placées
à droite et à gauche de la grille d'entrée; deux autres sont gisantes dans
la cour, et leurs chapiteaux ont été dispersés dans le jardin. S'il fallait
en croire M. Rivoire, le poète Sidoine Apollinaire, qui fut évêque de
Clermont dans la seconde moitié du Ve siècle, aurait dans ses lettres, fait
mention de Vers et de Saint-Privat, en ajoutant que ces lieux faisaient de
son temps, les délices des familles romaines qui les habitaient. Cette
affirmation ne repose sur aucune preuve. Sidoine Apollinaire, dans sa
correspondance, cite en effet, pour l'avoir vue et habitée, une maison de
plaisance que son parent, Tonance Ferréol, préfet des Gaules de 450 à 453,
possédait sur les bords du Gardon. Cette maison de campagne, appelée
Prusianum, était située sur la grande voie de Nîmes à Clermont, au pied des
Cévennes, à l'endroit désigné aujourd'hui sous le nom de Brésis, sur le
territoire et dans le voisinage d'Alais.
Un diplôme de l'année 1156, concédé à Raymond de Sabran ou de Posquières,
évêque d'Uzès, par le roi de France Louis VII le Jeune, confirme les
possessions de l'évêché d'Uzès, en les désignant nominativement. Dans cette
énumération sont compris le domaine ou tènement de l'Estel; tout le lieu de
Valliguières et celui de Melmont et ses dépendances; l'abbaye de
Saint-Privat du Gard; le prieuré de Saint-Nicolas de Campagnaco; le lieu ou
hameau de Saint-Eugène; etc. Dans le même diplôme, Louis VII confirme les
concessions faites par ses prédécesseurs, Raoul et Louis IV, à l'église
d'Uzès et reconnaît à ses évêques des droits d'usage et seigneuriaux sur le
lieu de Vers. Les évêques d'Uzès ont conservé la seigneurie de Vers jusqu'à
la fin du XVIIIe siècle, mais le domaine de Saint Privat ne tarda pas à
tomber en des mains séculières. Nous trouvons, en effet, un Raymond de
Saint-Privat parmi les vassaux que Raymond V, comte de Toulouse, donna pour
caution de sa promesse le 1er juin 1163, lorsqu'il prit sous sa protection
le jeune Bernard Athon VI, vicomte de Nîmes, et qu'il conclut la paix avec
Trencavol, oncle paternel du vicomte. Le marquis d'Aubais cite pourtant un
Raymond, abbé de Saint-Privat en 1164. On trouve encore dans les chartes
Pons de Saint-Privat, le 1er octobre 1180; Rostaing de Saint-Privat, au mois
de mars 1190, le 12 juillet 1210 et le 15 des kalendes d'août de la même
année; et un autre Pons de Saint-Privat, au mois de mars 1243. Au reste,
l'existence d'une famille noble du nom de Saint Privat, occupant le château
et ses dépendances sous la suzeraineté des évêques d'Uzès, s'explique
parfaitement et ne présente aucune contradiction. On lit dans la Statistique
du Gard, que vers 1187, les chrétiens ayant été chassés de Jérusalem par les
musulmans, les chevaliers du Temple se répandirent en France, qu'ils y
reçurent de Bertrand, évêque d'Uzès, plusieurs dotations, entre autres celle
de Saint-Privat et qu'ils conservèrent ce domaine jusqu'au commencement du
XIVe siècle, où leur ordre fut supprimé.
M. Rivoire est, à ce que nous croyons, le seul auteur qui soutienne cette
opinion, et il ne cite pas les documents sur lesquels il s'appuie pour
avancer ce fait. Nous devons avouer que toutes nos recherches nous ont
conduit à admettre, au contraire, que, dans le courant du XIIIe siècle, le
domaine de Saint-Privat fut régi par des seigneurs laïques, et Ménard,
lui-même, garde le plus profond silence sur l'occupation de Saint-Privat par
les Templiers. Quelques-uns croient pouvoir se fonder, pour accepter cette
version comme vraie, sur ce que Saint-Privat était un des patrons des
chevaliers du Temple. Les faits qui suivent démentent cette opinion. Le 13
janvier 1205, Odol et Ponce de Gaujac, fils de Guilhorme de Gaujac,
chevalier du château ou fort de Remoulins, font hommage à Bormond, seigneur
d'Uzès et d'Aimargues, du château de Saint Privat, de ses dépendances et de
l'île Garonie ou Coasse, située au-dessous du Pont-du-Gard. Par un acte de
reconnaissance daté des ides de mars 1248, Arnauld de Saint-Privat confesse
tenir de Decan, seigneur d'Uzès, tout ce qu'il possède dans la ville de Vers
et son tènement, sous l'albergue de deux chevaliers et ce qu'il tient à
titre de fief franc et honoré dans le lieu de Saint Privat. Aux ides de mars
1258, Raymond de Masmolène fait aussi hommage à Decan de tout ce qu'il
possède à Saint Privat. Le 6 octobre 1273, Amalric de la Roche, au nom de
dame Raymonde, sa femme, reconnaît tenir du même Decan, à titre de fief
franc et honoré, la ville de Saint-Privat et ses appartenances. Le 7 des
ides de juin 1289, Raymond de la Roche, fils d'Amalric, fait à Jean de la
Roche, son frère, donation de la moitié du château de Saint-Privat, sauf
réserve des droits du vicomte d'Uzès, suzerain dudit château. Le 16 des
kalendes de juillet 1293, Raymond Milon, seigneur de Saint-Privat, baille à
titre de nouvel achat ou emphytéose perpétuelle, à Raymond d'Aramon,
damoisel, consul des nobles, et Guillaume Auriol, consul des non nobles de
Remoulins, agissant au nom de la communauté, une montagne et plaine
contiguës appelées la Coasse et situées au-dessous du Pont du Gard.
Ce qui selon nous, confirme le plus l'opinion que Saint Privat n'a jamais
été occupé par les Templiers, c'est que le 3 janvier 1303, à la mort de
Milon, sans doute, et six ans avant la suppression de l'ordre du Temple, le
tènement de la Coasse tomba en main-morte, fut saisi et passa entre les
mains du roi; de sorte que les consuls de Remoulins voulant, plus tard, en
obtenir main-levée, durent le 24 mai 1371, payer au sénéchal la somme de
cinquante livres pour droit d'amortissement. Cinq ans après la saisie du
tènement de la Coasse, nous retrouvons la famille de la Roche investie de la
seigneurie de Saint-Privat. En effet, le 19 octobre 1308, certains
particuliers de Remoulins et de Vers font, au profit de Brémond de la Roche,
seigneur de Saint-Privat, diverses reconnaissances pour quelques pièces de
terre situées la plupart dans l'île Garonie ou Coasse. Le 10 octobre 1324,
Hermengaud, damoisel et coseigneur de Saint-Privat, fait hommage à Robert,
vicomte d'Uzès, de tout ce qu'il possède à Vers sous l'albergue de deux
chevaliers et de tout ce qu'il tient à fief franc et honoré dans le lieu de
Saint-Privat et dans l'île Garogne (Garoyna), autrement appelée Coasse.
Hermengaud avait dû sans doute, après la mort de Brémond de la Roche,
épouser Peyronne Raimbaud, veuve de Brémond, car il intervint, avec cette
dernière, comme administrateur des biens de Borland de la Roche, damoisel,
fils de feu Brémond, dans l'acte de fiançailles de Raymonde de la Roche,
soeur dudit Bertrand, avec Guillaume Rabasse, damoisel de Remoulins.
Bertrand de la Roche, beau-frère de Guillaume Rabasse eut par la suite une
fille, Delphine de la Roche, qui épousa Alzias (Auzias ou Eléazar), vicomte
d'Uzès. Le domaine de Saint-Privat devint ainsi la propriété de la maison
d'Uzès, qui l'inféoda à Guy de Prohins vers le milieu du XIVe siècle. Guy de
Prohins, seigneur de Saint-Privat, était sénéchal de Beaucaire en 1366. Il
fut employé contre les Grandes Compagnies et prit part à une action contre
les Routiers, le 14 août 1366, près de Montauban. Les troupes royales furent
défaites et Guy de Prohins blessé et fait prisonnier.
Amédée des Baux remplaça Guy dans sa charge de sénéchal de Beaucaire. Guy de
Prohins dut rester prisonnier pendant plusieurs années, puisque nous voyons
que le 4 octobre 1369, les consuls de Remoulins présentèrent pour bannier de
la Coasse, à dame Gailharde de Durfort, épouse de Guy de Prohins, le nommé
Jean Christol de Castillou, "ne pouvant le présenter audit seigneur Guy à
cause de son absence". La dame de Saint-Privat ayant consulté messire
Durand, abbé d'Aniane, et messire Guy de Sarraguac, chevalier de l'ordre de
Saint Jean de Jérusalem, accepta ledit bannier. Il fut convenu dans l'acte
que le mas de la Coasse étant détruit, il n'était pas sûr, à cause des
troubles du royaume et des hasards de la guerre, de déposer dans ledit mas
le montant des gages ou bans perçus par le garde, et que l'argent qui en
proviendrait serait porté à Remoulins. Guy de Prohins était de retour à
Saint-Privat en 1375, puisqu'il y reçut le 30 octobre de cette année, le
serment d'un autre bannier nommé Jean Jacot. Vers l'année 1380, Raymond de
Prohins, fils de Guy de Prohins et de Gailharde de Durfort, avait succédé à
son père comme seigneur de Saint-Privat. Raymond de Prohins était un pauvre
gentilhomme campagnard, n'ayant pour tous revenus que ceux de quelques
maigres terres à Remoulins et du domaine de Saint-Privat, qui devait alors
être bien minime. Ruiné comme la plupart de ses pareils, tant par de folles
dépenses que par les extorsions des mandataires de la royauté, il se mit à
la tête d'une bande de révoltés, désignés sous le nom de Tuchins. Au
printemps de 1383, Raymond de Prohins, que Ménard appelle Mondon de Prohins,
prit de force et par escalade le village de Lédenon et y mit cent lances de
garnison, après avoir commis dans ce lieu toutes sortes d'inhumanité, de
violences et de pilleries. Maître de cette position, il faisait enlever tout
ce qui lui tombait sous la main sur la route de Nîmes, jusqu'aux portes de
cette ville et, soutenu par les vicomtes de Turenne et d'Uzès et le bâtard
du Cailar, faisait transporter son butin à Beaucaire.
Les consuls de Lédenon en donnèrent avis à la Cour du Pape. Raymond fut
excommunié. Au commencement de décembre de la même année, la bande que
dirigeait Raymond et qui s'était établie dans le château de Saint-Quintin
près d'Uzès, vint faire des courses dans le territoire de Nîmes, et passa au
pied du prieuré de Saint-Nicolas-de-Campagnac, sans en faire le siège. Le
pillage et les rapines ne contribuèrent pas à enrichir le seigneur de
Saint-Privat, car on le voit à diverses reprises, avoir recours à des
expédients pour se procurer les ressources indispensables. En 1383 il
intente un misérable procès à la commune de Remoulins, au sujet des limites
du droit de pêche sur le Gardon. Le 4 mars 1392, un arrêt du siège présidial
de Nîmes le condamne pour avoir enfreint l'acte emphytéotique de 1293, en
vendant à divers particuliers de Bezouce les herbages du tènement de la
Coasse. Le 20 décembre 1392, Raymond convertit en vente définitive, au
profit des habitants de Remoulins, moyennant une somme de 60 livres
tournois, le bail perpétuel consenti par Raymond Milon en 1293. Cependant la
détresse du seigneur de Saint-Privat était loin de s'amoindrir, car nous le
trouvons, le 6 mai 1396, occupé de nouveau à arracher un lambeau de son
domaine au profit des habitants de Vers, comme il l'avait fait quatre ans
auparavant, au profit de ceux de Remoulins. Les faibles ressources que ces
diverses ventes avaient procurées à Raymond furent bientôt absorbées et le
mauvais drôle, poursuivi à l'instance de Hugues de Laudun, seigneur de
Montfaucon, et de Blanche d'Uzès, sa femme, dont il était le principal
débiteur, fut condamné par sentence de la Cour apostolique du Camérier de
Rome, de la Cour du petit scel de Montpellier, du Parlement de Languedoc et
du Châtelet de Paris, à payer aux époux de Laudun la somme de 212 florins
d'or. Poussé jusque dans ses derniers retranchements, Raymond promit, par
acte du 6 juillet 1399, de s'exécuter dans un délai fixé; mais le terme
arriva, les jours et les mois se passèrent et le seigneur de Saint-Privat
trouvait toujours quelque prétexte dilatoire pour éluder les sentences qui
pesaient sur lui et retarder le paiement exigé par sa condamnation, et
répondait par des insolences aux sommations du Saint-Siège.
Le chambellan de la Cour apostolique se vit donc obligé, par une ordonnance
du 16 février 1400, appuyée par des lettres du sénéchal de Nîmes en date du
même jour, de faire procéder à la vente à l'encan de tous les biens que le
condamné possédait dans la juridiction de Remoulins. Cette vente eut lieu le
24 mai suivant; Robin de Laye, sergent d'armes de Bezouce, se porta
acquéreur des biens de Raymond, pour le compte sans doute, de Jean
Folcherand, seigneur de Lussan et lieutenant du sénéchal, car il les lui
remit immédiatement après, et ce seigneur se trouva ainsi possesseur, à
Remoulins, des biens qui avaient autre fois appartenu à la famille d'Aigremont,
et de quelques menus droits sur le port et la juridiction de Remoulins,
cédés ensuite aux Rabasse, et qui de là passèrent à la seigneurie de Fournès.
La condamnation de Raymond entraîne la confiscation de la terre de
Saint-Privat, laquelle retourne à la maison d'Uzès, de qui Raymond et son
père la tenaient en fief; Raymond de Prohins, Gailharde de Durfort, sa mère,
qui vivait encore, et Guillaume de Prohins, son fils, disparaissent du pays,
et dès la première année du XVe siècle, nous trouvons Robert d'Uzès portant,
avec ses autres titres, celui de seigneur de Saint-Privat. La terre de
Saint-Privat fut l'objet de plusieurs mutations dans le courant du XVe
siècle. Robert d'Uzès la vendit le 14 mai 1411 à noble dame Isabelle
Reynaud, fille de feu noble Arnaud Reynaud de Montpellier et épouse de
Guillaume Sachet, chambellan de très illustre prince le duc de Berry et
d'Auvergne, pour le prix de 1.200 écus d'or, chaque écu valant 22 sols 6
deniers tournois, monnaie courante du royaume de France, et sous réserve de
l'hommage et serment de fidélité et du baiser de paix dû au seigneur d'Uzès.
On mit aussi pour condition que la dame Isabelle ou ses successeurs
pourraient céder et bailler, à titre de nouvel achat ou emphytéose, les
terres situées dans la juridiction de Saint-Privat, excepté à des clercs,
chevaliers, personnes religieuses ou communautés.
Cette vente fut ratifiée le 16 mai 1411 par Delphine de la Roche, mère de
Robert, par Egidia (Gilette) de Présimac, sa femme, et Pierre d'Uzès, son
frère. Raymond de Campis, damoisel de Remoulins, châtelain et bailli de
Saint-Privat pour le vicomte d'Uzès, fut remplacé dans ses fonctions par
Raymond de la Combelle, qui en prit possession au nom de la dame Isabelle
Reynaud. Le domaine ne tarda pas à passer en d'autres mains: le 5 septembre
1423, la dame Sachet, devenue veuve et représentée par noble Jean de
Saint-Michel, son procureur fondé, revendit la terre de Saint-Privat à Jean
Planterose, vicomte de Pont-Audemer, en Normandie, et à Jean Henry, receveur
de Bayeux, moyennant la somme de neuf cents florins, monnaie courante
d'Avignon. Le domaine fut partagé entre les deux acquéreurs, qui le
possédèrent de concert jusqu'au 13 mars 1451, époque à laquelle Jean Henry,
l'un des coseigneurs, fit à Jacques Faret, héritier substitué de noble
Perrette de Langres, veuve de noble Jean Jus, donation de la moitié du fief
de Saint-Privat, sous réserve de l'usufruit et à la condition que ledit
Jacques Faret habiterait, avec sa femme, le château de Saint Privat et
aurait pour le donateur les égards et les soins qu'un fils doit à son père.
L'acte qui contient cette donation fut dressé dans l'ermitage de la
Vallaurière, près de la chapelle. A la mort de Jean Planterose, la
succession de ce seigneur, comprenant la moitié du domaine de Saint-Privat,
revint faute d'héritier, à la maison suzeraine d'Uzès et fut attribuée en
dot à Guiote, soeur du vicomte Jean d'Uzès, lors de son mariage avec Michel
de Valpergas, seigneur de Caumont. Le 10 mai 1459 fut passé entre les deux
coseigneuresses de Saint-Privat, Guiote d'Uzès et Adélaïde Soyberte, veuve
de Jacques Faret, un acte de délimitation duquel il résulte que la dame de
Caumont possède, entre autres choses, dans le territoire de Saint-Privat:
une terre au quartier de l'Abadye; un casal situé du côté de la chapelle ou
église Notre-Dame; une aire contiguë à ladite église, s'étendant jusqu'au
Gardon et comprenant tout ce qui existe à partir de l'église du côté de
l'orient, jusqu'au grand fossé qui bordait l'ancien mur des fortifications;
une certaine motte située près du château, à l'occident, et contiguë à la
terre de l'Abadye. Il est en outre stipulé que la partie des fossés du
château comprise à l'extrémité du tinal de la dame de Caumont et s'étendant
du côté du vent droit (le nord), jusqu'à l'église de Saint-Vérédème,
appartient à ladite dame.
A la fin du XVe siècle, on trouve pour châtelain et co-seigneur de
Saint-Privat, comme tenancier de la portion du domaine appartenant à Guiote
d'Uzès, un certain Jean des Isles. Guiote d'Uzès dut mourir sans enfants,
car nous retrouvons au XVIe siècle la famille de Crussol investie de la
portion du domaine de Saint-Privat attribuée en dot à cette dame. Au
commencement du XVIe siècle, vivait au château de Saint-Privat, Pierre
Faret, fils de ce Jacques Faret qui, en 1451, avait reçu en donation de Jean
Henry, coseigneur de Saint-Privat, la moitié du domaine. Devenu veuf, Pierre
Faret avait épousé en 1506 et dans un âge déjà avancé, Simonne Blanchon,
fille d'un bourgeois d'Uzès; il en eut deux fils et deux filles et mourut
dans sa maison de Remoulins, au mois de décembre 1511. Il fit son héritier
universel Jacques, son fils aîné; Honorat, son fils cadet, ne reçut, pour sa
part, qu'une somme de trois cents florins; mais le père stipula à l'égard de
ce dernier, que si parvenu à l'âge convenable, il voulait se destiner à
suivre les cours des écoles, son frère Jacques serait obligé de l'y
entretenir, nourrir et vêtir selon son rang, jusqu'à ce qu'il eût terminé
ses études et qu'il fût pourvu d'une charge qui assurât son existence.
Honorat dut être envoyé par son tuteur et son oncle, Jean Blanchon,
jurisconsulte d'Uzès, soit à l'université de Montpellier, soit à celle de
Toulouse, et c'est là, sans doute, qu'il puisa les principes des nouvelles
doctrines qu'il introduisit ensuite dans Remoulins. En 1538, Honorat Faret
était parvenu à sa trentième année. Depuis quatre ou cinq ans déjà, il
devait avoir terminé ses études et était de retour à Remoulins, y apportant
la fougue et l'ardeur de la jeunesse et l'enthousiasme qui anime les
partisans des nouveautés. Il se lia étroitement avec le notaire, Loys Colet,
qui partageait ses convictions, et ces deux hommes, usant tour à tour de
l'ascendant de leur instruction et de l'influence qu'ils devaient à leur
position relativement élevée, formèrent dans la commune un noyau d'hérésie
qui se développa rapidement. Il est prouvé, par des informations que, vers
ce temps là le château de Saint-Privat était devenu l'asile des partisans de
la nouvelle religion.
Par sa position isolée, ce lieu était éminemment propice aux réunions
clandestines. Aussi, n'y avait-il pas de ministre venant de Genève qui n'y
prit sa retraite et l'on y tenait de fréquentes assemblées. C'était, à ce
qu'il parait, une forteresse très sûre à cette époque, et on y avait même,
par la suite, ajouté un ravelin. Durant les troubles qui suivirent, les
portes en furent toutes murées, à l'exception d'une seule, très petite, qui
servait d'entrée au château, mais que l'on ne pouvait franchir qu'avec
beaucoup de difficultés, en s'effaçant et pliant les genoux. Le château
était en outre constamment gardé par des sentinelles, et les troupes
protestantes allaient et venaient sans cesse dans ce lieu. Divers capitaines
religionnaires, d'Acier lui-même, et le sénéchal de Grille, y résidèrent
souvent. Les témoins ajoutent que le château de Saint-Privat était si fort,
qu'il aurait fallu deux mille coups de canon pour l'abattre; et que, d'après
le bruit public, la plupart des entreprises et conspirations des partisans
de la nouvelle religion s'y étaient tramées et projetées. Vers 1551 les
religionnaires des environs, excités par Honorat Faret, démolirent la maison
claustrale de Remoulins. Le 23 juin 1555, Antoine de Crussol, vicomte
d'Uzès, cède à Jacques Faret, petit-fils de Jacques 1er, "pour le prix et
somme de mille escus d'or au soleil et de bon poids, la valeur de chascun
escu estant de deux livres six sols, que revient à la somme totale de 2.300
livres tournois, la moitié du château de Saint-Privat et ses dépendances, y
compris terroir, place, seigneurie et juridiction haute, moyenne et basse
que ledit vicomte a en partage avec ledit Jacques Faret. A partir de cette
époque et jusqu'à l'année 1865, la totalité du domaine de Saint-Privat n'a
pas cessé d'appartenir à la famille Faret.
Au printemps de 1564, Catherine de Médicis entreprit, avec son fils Charles
IX, alors âgé de quatorze ans, un voyage à travers la France, pour se rendre
compte de l'état du royaume et chercher à le pacifier. Ce voyage dura deux
ans. Charles IX et sa mère, accompagnés du duc d'Anjou (depuis, Henri III),
de Henri de Navarre (depuis, Henri IV), des cardinaux de Bourbon et de
Guise, du duc de Longueville, du connétable de Montmorency, du chancelier de
Lhospital et de plusieurs autres seigneurs, fit son entrée à Avignon le 24
septembre 1564, et parcourut la Provence. Abel Jouan, dans sa relation du
voyage de Charles IX, rapporte que ce roi alla le 12 décembre 1564, visiter
le Pont du Gard et dîner à Saint-Privat, où il fut hébergé par le comte de
Crussol, seigneur suzerain du domaine. Après le dîner, le roi et sa suite
visitèrent le Pont du Gard, puis le roi alla le même soir, coucher à Nîmes.
Au mois d'avril 1570, les troupes protestantes, au nombre de quatre à cinq
mille hommes, ayant à leur tête l'amiral de Coligny et Henri de Bourbon ou
de Navarre, âgé seulement de seize ans, ravagèrent le diocèse d'Uzès. Ils
emportèrent d'assaut le château de Saint-Privat, Castillon, Saint-Hilaire et
Théziers, qui se rendirent à discrétion. Coligny y fit faire un massacre
général des habitants, en sorte que ces villages resteront tout à fait
déserts. Jacques II Faret avait épousé en premières noces, le 28 décombre
1550, Sibylle de Forli, dont il eut un fils unique, Pierre, deuxième du nom,
qui lui succéda. Pierre II eut de son premier mariage avec Jeanne de Contour
un fils du nom de Henri, sieur de Cabanon, qui mourut sans enfants. Pierre
II épousa en secondes noces, le 16 mai 1590, Sara de Guerry; c'est par ce
mariage que la seigneurie de Fournès et Jalons échut à la famille Faret. Les
guerres avec l'Italie et les alliances de la maison de France avec des
princesses italiennes avaient, à partir du règne de François 1er, introduit
dans la nation française une passion effrénée de luxe, qui ne fit que
s'accroître sous les derniers Valois. La simplicité de Henri IV ne modifia
en rien l'entraînement général, et le souvenir de l'entrevue du Camp du drap
d'or où, tels seigneurs "portèrent leurs moulins, leurs forests et leurs
prés sur leurs espaules", fut pendant longtemps l'idéal de la noblesse.
Pierre Faret et son fils Henri furent du nombre de ceux qui subirent ces
changements ruineux, ce sont eux qui firent abattre la plupart des anciennes
constructions du château de Saint-Privat, pour l'approprier au goût de leur
époque et qui firent élever les bâtiments actuellement existants, compris
entre la porte orientale dite Porte Michel-Ange, laquelle fut, dès lors,
l'entrée principale, et la petite cour qui, au couchant, précède les
cuisines. Grâce à ces modifications importantes, l'air circula plus
librement dans les hautes salles voûtées, à travers les larges escaliers et
les vastes corridors, et l'habitation de Saint-Privat prit à l'intérieur
surtout, un cachet de distinction qui ne l'a point abandonné. Mais les
dépenses faites par les Faret père et fils, avaient épuisé leurs capitaux;
ils se virent obligés de recourir à des emprunts dont les intérêts ne
tardèrent pas à diminuer notablement leurs revenus. Ils furent pendant
longtemps et à diverses reprises en butte aux poursuites de leurs
créanciers. Après la soumission de Rohan, lors de sa dernière rébellion,
sous le ministère de Richelieu en 1629, la paix fut signée à Alais le 28
juin, et mit fin aux dernières guerres de religion. Le roi Louis XIII,
victorieux de tous ses ennemis, se dirigea sur Nîmes, à travers le diocèse
d'Uzès. Le 30 juin, une ordonnance royale datée de Saint-Chaptes, décidait
que la paix accordée aux religionnaires serait publiée à Nîmes. Le 1er
juillet, le roi recevait la soumission de la ville d'Uzès et venait coucher
à Collias le lendemain. Parti de Collias le 3, il fit passer le Pont du Gard
à son armée, vint à minuit coucher à Bezouce, où il établit son camp, y
séjourna le 4, fit rédiger le 5 l'acte de proclamation de la pacification
qui fut publiée à Nîmes le lendemain 6 juillet, et vint, avec sa suite,
prendre son logement au château de Saint-Privat, où tout avait été préparé
pour le recevoir. Le 7 juillet il reçut, à Saint-Privat, la soumission des
habitants de Nîmes. Le traité de paix fût signé par les religionnaires dans
la grande salle du château et l'on procéda au règlement des otages qui
furent cédés au roi, au nombre de douze, comme garantie de la foi promise.
Les noms de ces otages furent inscrits au bas de la minute de l'ordonnance
de Saint-Chaptes du 30 juin, suivie de la proclamation de Bezouce du 5
juillet: "Trescol, advocat. Carlot. Gonoyer. Jacques Rozel. Bastido, advocat.
Crégut. Petit, advocat. Fabrot, marchand. Jacques Bonnal. Carbonnel,
bourgeois. Sayard, marchand. Bonhomme, advocat. Les nommés cy dessus sont
les ostages de la ville de Nismes que le Roy veult avoir. Faict à
Saint-Privat, le 7 juillet 1629. Le cardinal de Richelieu". Le roi retourna
à Uzès le 10 juillet, y séjourna jusqu'au 14 et fit ce jour-là, son entrée
dans Nîmes, où il fut reçu avec de grandes acclamations. Il ne resta qu'un
jour dans cette ville, vint coucher le 15 à Montfrin; prit pendant quelques
jours les eaux de la fontaine de Moynes et poursuivit ensuite son chemin par
Lyon, pour retourner à Paris. A dater de cette époque, la destinée du
château de Saint-Privat ne présente plus aucun intérêt historique; les
seigneurs qui s'y succèdent sont Pierre II, qui eut de son mariage avec Sara
de Guerry, deux enfants dont Charles 1er, qui suit; et Bernardine. Pierre II
mourut en 1622. Charles 1er son fils, qualifié des titres de seigneur de
Saint-Privat, Fournès et Jalons, épousa le 9 novembre 1619, Jeanne de
Launay, de Picheran, d'Entraigues, dont il eut huit enfants et mourut en
1638. Il eut pour successeur son fils Alexandre, qui épousa Isabeau Dupuy de
Montbrun, et fut décapité à Paris le 5 novembre 1680, laissant une fille
unique, Isabeau-Marguerite, morte empoisonnée le 13 novembre 1681, à l'âge
de vingt-deux ans. Alexandre est le premier seigneur de Saint-Privat qui se
qualifie des titres de marquis de Saint-Privat, Fournès, Jalons et Montfrin.
Charles II succéda par substitution à son frère Alexandre. Il épousa en
1683, Anne de Ginestous, dame de Moissac, et mourut le 13 août 1714. Comme
nouvellement converti, les prêtres catholiques lui refusèrent les sacrements
et la mise en terre sainte. Jean, son fils, lui succéda.
Jean Faret, seigneur de Saint-Privat et de Fournès, comte de Faret par
l'érection de la terre de Moissac, en vertu de lettres patentes de l'année
1744, autorisant mutation du nom de la seigneurie de Moissac en celui de
comté de Faret, épouse, en 1749, au château de Candiac, Hervée Macrine de
Montcalm-Saint-Véran, et meurt à Montpellier le 6 novembre 1749, laissant
une fille posthume, née le 21 novembre 1749 et morte le 5 juillet 1751. Son
frère Jean Henri lui succède. Jean Henri, auteur de la branche bâtarde,
épouse Marie Louise-Elisabeth de Gabriac, du Bourg Saint Andéol. De ce
mariage naît une fille unique, Marie-Anne Faret, qui épouse en 1773,
Jean-Louis-Charles-François de Marsane Saint Geniès, de Montélimart. Jean
Henri meurt à Toulouse le 16 juillet 1762, père de quatre enfants
illégitimes, dont trois filles et un fils qui fut adopté par sa veuve, sous
le nom de Jules Marie Henri Faret. Jules Marie Henri Faret, comte de Faret,
marquis de Fournès, colonel du régiment royal de Champagne-cavalerie,
maréchal de camp, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis,
seigneur de Saint-Prifat-du-Gard, Saint-Jean-de-Maruéjols et autres places,
conseiller du roi en ses conseils, 90e et dernier sénéchal de Beaucaire et
de Nîmes, député de la noblesse de Nîmes aux États-Généraux de 1789; né à
Toulouse le 13 janvier 1752, mort au château de Saint-Privat le 22 décembre
1826 et inhumé dans le caveau de la chapelle, avait épousé Philippine de
Broglie, qui lui donna deux enfants dont Alexandre; et Fulvie qui épousa M.
le marquis de Rennepont. Alexandre-Auguste-Louis-Philippe-Jules Faret,
marquis de Fournès, seigneur de Saint-Privat, membre du conseil général du
Gard, né à Paris en 1786, mort le 21 août 1844 à Saint-Privat, épousa
Ambroisine-Amanda d'Héricy. Il en eut trois enfants dont Arthur-Henri Faret,
marquis de Fournès, né à Saint-Privat le 27 novembre 1823 et qui a épousé
Mademoiselle Riquet de Caraman; 2° Robert-Ambroise Faret, comte de Fournès,
né à Montpellier en décembre 1826 et qui a épousé Mademoiselle de Mathan,
fille de M. le comte de Mathan, ancien pair de France; 3° Ferdinand-Philippe,
mort en 1845 en Normandie, à l'âge d'environ dix ans. Le domaine de
Saint-Privat, qui avait échu en partage à M. le comte Robert de Fournès, est
devenu, en 1865, la propriété de M. Calderon au milieu du XIXe siècle. (1)
De la rive droite du Gardon, il suffit de dépasser d'un kilomètre le Pont du
Gard vers l'amont pour, franchie une grille, trouver un chemin qui bientôt
bifurque à gauche vers le château. Devant l'entrée du château, au sud de ce
dernier, à gauche d'une esplanade ombragée, la chapelle Saint-Vérédème
rappellerait la dédicace de l'ancienne église disparue, mais cette chapelle
est entièrement moderne. En pénétrant dans la cour, on laisse à gauche une
construction de plan triangulaire, abritant des communs dont la forme
singulière est peut-être due à la conservation de soubassements anciens,
vestiges de la chemise fortifiée. A droite, c'est une tour isolée, dite
"tour de guet". L'étage supérieur de cette tour barlongue est muni d'une
série de corbeaux quadruples supportant des arcatures. Au-dessus de ces
mâchicoulis, les murs du chemin de ronde sont percés de petites ouvertures à
mousquets ou arquebuses. Au pied de la façade sud-ouest, une partie en
saillie présente des parements à bossages rectangulaires. Le reste de la
construction est visiblement plaqué contre cette partie ancienne. Près de la
base d'un bâtiment adjacent a été scellé un autel, d'époque gallo-romaine.
La salle basse de la tour est voûtée d'un berceau brisé, d'axe nord-ouest
sud-est. A sept mètres au nord, se trouve la courte façade d'une aile (bâtie
du temps de M. Rouché) destinée à l'habitation et limitant la cour à l'est.
Au pied de cette façade se trouve un autre autel ou cippe. Pour prendre
connaissance de la façade orientale de cette aile, il convient de revenir en
arrière, de ressortir de la cour et de s'engager, en contrebas, sur le
chemin de la ferme. Ce chemin est bordé par un mur de soutènement avec des
arcades successives, d'âges divers, murées pour la plupart. Au-dessus de ce
mur on voit l'ensemble des façades Est, lesquelles englobent une ancienne
tour carrée, dont les encorbellements sont restés dégagés. Comme à la tour
de guet, ce sont des corbeaux quadruples (mais aux listels très peu
saillants) supportant de petits arcs à mâchicoulis; au-dessus, le mur du
chemin de ronde est fendu de longues archères à étriers médians; l'arasement
des parties supérieures des merlons a fait disparaître le haut de ces
archères.
Revenant à la cour intérieure, l'aile Est se trouve séparée par un passage
de 6m,20 des bâtiments formant le corps central, que l'on aborde par une
autre tour carrée, dite "donjon". Posée de biais par rapport aux bâtiments
adjacents, cette tour présente une base fortement talutée et mesure cinq
mètres de côté, les encorbellements de son couronnement sont composés de
corbeaux quadruples, sur lesquels les petits arcs des mâchicoulis ne
reposent pas directement, mais par l'intermédiaire d'une pierre taillée en
forme d'imposte, biseautée latéralement. L'étage situé au-dessous a été
aménagé en pigeonnier. A la base de cette tour, du côté Est, un arc en forme
d'enfeu abrite une coquille. Un peu plus haut, la façade est percée d'une
fenêtre étroite, encadrée de pilastres nus à chapiteaux ioniques ornés
d'oves, architrave et frise bombée supportant un fronton triangulaire. A
droite, s'élèvent des bâtiments disparates, mais anciens, dont les murs de
retour, face au sud et à l'est, supportent une guette d'angle, dont ne
subsistent que les encadrements, quadruples également, supportant deux arcs;
ce petit ouvrage se trouve à peu près de niveau avec la fenêtre à fronton,
c'est-à-dire à mi-hauteur de la tour. Les autres façades méridionales sur
cour n'offrant que peu d'intérêt, en raison des remaniements subis. Le
passage découvert situé entre le corps central et l'aile Est, là près de
l'angle avec le bâtiment transversal, on découvre une magnifique porte
d'entrée à bossages, accostée d'une fenêtre identiquement décorée. Ces
ouvertures ne sont pas de plain-pied, soit que le niveau de la cour eût été
abaissé. Actuellement, la porte n'est pas inaccessible, mais on n'y parvient
que par un étroit escalier, débouchant sur une minuscule galerie. Le fronton
circulaire rompu, au-dessus de la porte, encadre un petit tabernacle à
fronton arrondi; le blason qui en occupait le centre a disparu. Sur la même
façade, les étages supérieurs possédaient aussi des fenêtres décorées, l'une
visible, quoique murée, au premier étage et, au deuxième étage, une autre
bien conservée, les pilastres d'encadrements bagués et décorés de feuillages
découpés rappelant encore le flamboyant, d'entrelacs géométriques, de
volutes, les chapiteaux ioniques dont le gorgerin et l'échine sont ornés
d'oves, le balustre cannelé. Au-dessus, la haute frise, divisée en
compartiments par des diglyphes, présente rosaces et feuillages; l'allège
elle-même chargée d'entrelacs, entre deux consoles d'acanthe soulignées de
gouttes. Sur cette façade, il faut signaler la mitre de cheminée, en pierre,
s'élevant un peu en arrière, coiffure conique sur un cylindre ajouré de six
arcs.
Les mutilations résultant des constructions plus récentes, ne se sont pas
bornées à l'extérieur; au-dedans aussi, derrière la grande porte à bossages,
on constate que des murs et cloisons ont "mangé" ce qui correspondait au
piédroit nord; toutefois, face à cette entrée délaissée, ont été conservées
deux travées d'un passage voûté sous coupoles, dont les arcs doubleaux
présentent aussi des bossages en trémie. Autres témoins du même style, mais
moins sûrs parce que dans une partie très habilement restaurée, des arcs à
bossages divisent en compartiments voûtés d'arêtes un couloir
perpendiculaire au précédant, situé face à l'entrée actuelle sud et donnant
accès au grand escalier. Même si ces arcs sont d'époque, ceux de l'escalier
ne le sont certainement pas, étant hors d'échelle, d'autant plus que ce bel
escalier sur arcs et piliers a été exécuté dans le style encastré et muni
d'une agréable, mais récente, ferronnerie. S'il subsistait quelques doutes,
ils disparaîtraient à l'étage supérieur, ou l'on retrouve une volée
ancienne, étroite, construite sous berceau rampant appareillé, débouchant
sous les mêmes arcs à bossages, demeurés de proportions normales. Bien qu'il
ne reste que quelques témoins : une grande porte, une croisée, quelques
fenêtres, des arcs et une volée rampante d'escalier, de ce style homogène,
la beauté de ces éléments épars permet d'imaginer ce que devait être la
résidence seigneuriale que fit construire l'opulent Pierre II de Faret dans
les dernières années du XVIe siècle, car l'aspect de la façade orientale se
restitue assez aisément dans son ensemble, grâce aux traces laissées par les
baies murées, l'étage de base séparé du premier étage par un double bandeau
continu, très larege, des fenêtres très décorées quoique étroites, un décor
intérieur parfaitement adapté. Mais il reste au sud très peu de traces de
cette campagne, aucune au nord où tout a été repris plus tard, rien de
visible du dehors à l'ouest, mais peut-être de ce côté la résidence
s'appuyait-elle contre le mur fortifié très épais, existant là depuis le
moyen âge.
Après avoir constaté les oblitérations apportées par le bâtiment
transversal, il faut remarquer que cette construction du XVIIIe siècle
présente d'agréables proportions et complète, heureusement, au moins du côté
des jardins, l'ensemble des façades nord. C'est de ce côté en effet que
s'est porté tout l'effort de cette importante campagne, ayant abouti à
créer, à côté d'un parc boisé, un grand jardin fleuri en contre-bas, le parc
au-devant de la façade principale, le jardin devant l'aile latérale de
hauteur moindre. On peut accéder directement au jardin du bas en partant de
la cour et descendant un degré en arc de cercle, pour traverser le bâtiment
par un passage voûté d'arêtes. C'est tout au fond de ce jardin que M. Rouché
a fait construire une orangerie. Le bâtiment latéral, de même que la façade
principale sont délimités verticalement par des chaînes à refends, percés de
hautes fenêtres, les niveaux soulignés par des bandeaux. L'étage supérieur
de la grande façade, établi en retraite, aurait été ajouté assez récemment,
dit-on, quoique rien dans l'aspect et la patine de la pierre ne montre une
différence. L'angle nord-ouest est calé contre une tour carrée, dont les
superstructures et les créneaux sont manifestement modernes, aucun indice
visible ne permettant de présumer de l'ancienneté des bases, ancienneté
possible, en raison de la situation de la tour. Située à 300 mètres au nord
du château et accessible par le chemin, la ferme enserre une longue cour
étroite entre deux bâtiments que relie une construction transversale, à
usage de grenier à fourrage. Dans l'angle nord-est, s'élève une tour carrée
couronnée de merlons d'âge incertain. Les étages sont éclairés par des
fenêtres simples, chacune divisée en deux par un meneau vertical sans décor.
Éléments protégés MH: le château, à l'exception des pièces classées;
la tour isolée; la cour d'honneur avec son sous-sol et l'aile est en
contrebas, dite des caves: inscription par arrêté du 1er septembre 1992.
Dans le château, les trois pièces décorées de boiseries du XVIIIe siècle: le
salon des échos, la salle des Gardes ouvrant sur la façade nord, le salon de
la Paix (ou salon des quatre cheminées); la chapelle avec son décor;
l'enclos muré situé derrière la chapelle; l'avant-parc avec les douves; le
parc ou terrasse haute avec les douves, les murs de soutènement ainsi que le
bassin et l'ensemble de la statuaire; le jardin ou terrasse basse avec sa
porte d'entrée dite porte des fleurs, les murs de soutènement, la statuaire
ainsi que l'orangerie et le nymphée; le moulin et son bief; la ferme
fortifiée; l'ancienne magnanerie accolée à un bâtiment de logements dit
l'ancienne métairie et la serre située face au potager, ainsi que le
potager; la glacière; le sol de l'ensemble des parcelles du domaine:
classement par arrêté du 17 février 1995. (2)
château de Saint Privat 30210 Vers-Pont-du-Gard, propriété privée, visite
des extérieurs uniquement.
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