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Plus élevé, plus vaste, plus imposant que le château de
Tauzia, se profile à l'horizon occidental de Valence-sur-Baïse le château de
Massencôme ou Mansencomme (Mas, hauteur; Coume, combe, vallée). Bien que,
malgré nos très actives recherches, nous n'ayons pu découvrir la date
précise de sa construction, il n'est point téméraire d'affirmer qu'il doit
son origine à ce grand mouvement patriotique et militaire de la fin du XIIIe
siècle, qui précéda la terrible guerre de Cent ans. Tel qu'il est demeuré
jusqu'à nos jours, il se présente encore comme un des plus beaux types de ce
que nous somme convenu d'appeler un château gascon. Le plan de Masencôme
est, dans ses grandes lignes, identique à celui de toutes ces forteresses
gasconnes échelonnées le long de la frontière de l'Armagnac et du Condomois.
C'est un rectangle de 18 mètres de long sur 15 de large, terminé à ses deux
extrémités est et ouest par deux tours carrées, de dimensions inégales,
diagonalement opposées l'une à l'autre, et plus élevées que le corps de
logis principal. Son appareil est l'appareil moyen généralement employé à
cette époque, et qui s'est conservé intact jusqu'à nos jours. Ses murs
varient entre 1,30 à 1,40 mètre d'épaisseur. Quant à ses défenses
extérieures, elles présentent une particularité qu'il importe dès à présent
de signaler. En principe il était fort rare que ces châteaux gascons fussent
protégés par des palissades, fossés, ou première enceinte quelconque.
Masencôme fait exception à cette règle. Le tertre escarpé et assez étroit,
sur lequel il est campé, le met dans l'impossibilité d'avoir des fossés
creusés autour de lui. Mais son assiette a permis néanmoins à l'architecte
de le défendre, des côtés est et sud, par lesquels il est plus facilement
accessible, au moyen d'une enceinte polygonale extérieure. Il faut dire que
cette enceinte avait été élevée bien plutôt pour servir d'enclave aux
remises, écuries, etc, que pour repousser la première attaque de l'ennemi.
Le but de tous ces châteaux était à l'origine de servir de postes
d'observation, capables d'abriter une garnison, destinée à surveiller
l'autre côté de la frontière.
Toutefois, même sous ce rapport, le château de Masencôme est encore un des
plus considérables que nous connaissions, et sa vaste ossature atteste
l'importance du rôle que dans l'esprit de ses constructeurs il était destiné
à jouer. Nous ne craignons pas d'affirmer que, sans murs de refend à
l'intérieur (de simples piliers supportant seuls probablement au début les
planchers supérieurs), sans escalier fixe, capable de desservir les
différents étages, sans ouvertures au rez-de-chaussée et au premier étage,
suffisantes non seulement pour l'ajourer mais même pour l'aérer, il ne
pouvait offrir à ses seigneurs et à leur nombreuse famille aucune condition
possible d'habitabilité, même à cette époque de luttes incessantes où la
plus élémentaire prudence voulait qu'on s'abritât derrière de fortes et
solides murailles. Si l'on se reporte au plan cadastral, on voit qu'à l'est
de la forteresse, et lui faisant suite, se trouvent deux corps de logis, à
eux deux sinon plus élevés, du moins presque aussi spacieux que le château
proprement dit. Écrasées par la masse du sombre édifice, ces constructions
tout d'abord n'attirent point l'attention. En les examinant de près, on est
tout étonné de voir qu'elles ne sont guère plus jeunes que le château lui
même, et que, si la date de construction de celui-ci se rattache à la fin du
XIIIe siècle, on peut, sans risquer de se tromper, leur assigner comme
origine le milieu du siècle suivant. A l'extérieur, sur la façade nord,
encore bien conservée jusqu'à la hauteur du premier étage, on retrouve le
même appareil moyen. De plus, deux fenêtres à meneaux, à moulures
prismatiques, l'une au nord, l'autre à l'extrémité est du corps de logis,
accusent bien le style du XIVe siècle. Enfin, à l'intérieur, deux grandes
cheminées au rez-de-chaussée, dont lune en belles pierres de taille ne
mesure pas moins de 3,20 mètres de long, et deux plus petites au premier
étage, sans parler de celle que l'on voit encore dans la cuisine et qui a
été descendue du premier étage de a courtine, attestent suffisamment que
tout ce corps de logis date du milieu du XIVe siècle, et que, dès cette
époque, il était habité, alors que dans le château, antérieur de 50 ou 60
ans seulement, on ne retrouve à aucun étage trace quelconque d'aucune
ancienne cheminée.
Ce corps de logis, si intéressant à étudier, était relié au corps principal
par une longue galerie couverte, simple courtine à l'origine, qui partait
d'une belle porte en arc d'ogive du XIVe siècle pour venir correspondre au
premier palier de l'escalier extérieur. Peut-être même cet escalier, qui
n'existait certainement pas au début, ne fut-il adossé qu'à ce moment à la
façade est de la forteresse, afin de servir aussi bien à pénétrer, par la
porte, au premier étage, qu'à accéder à celui du corps de logis annexe. On
le prolongea dans la suite, en l'exhaussant jusqu'à la Porte du second
étage, et il remplaça ainsi le pont mobile ou l'échelle en bois primitifs,
seuls moyens d'atteindre les étages supérieurs. De toutes ces observations,
il est donc permis de conclure que le château de Masencôme ne fut, à
l'origine, qu'un simple corps de garde, destiné à abriter une garnison,
composée d'une ou deux compagnies de gens d'armes, et que ses maîtres, les
seigneurs de Lasseran, qui possédaient ailleurs d'autres résidences plus
somptueuses, ne firent construire qu'en vue de leur convenance personnelle,
et pour les moments assez courts où ils étaient obligés de venir dans le
pays, ce corps de logis annexe, beaucoup plus commode et agréable à habiter
que la sombre forteresse. En passant postérieurement dans de puissantes
mains étrangères, il fut entièrement remanié. On eut alors la prétention de
le rendre habitable. C'est ainsi que s'élevèrent à l'intérieur les murs de
refend actuels et que les pièces du rez-de-chaussée furent recouvertes de
ces voûtes surbaissées que l'on y voit encore. Alors seulement on perça ces
sombres murailles qu'ajouraient à peine quelques fenêtres géminées, et l'on
ouvrit ces fenêtres à meneaux que l'on voit sur les façades méridionale et
septentrionale. Alors enfin on adossa dans chaque salle des étages
supérieurs ces cheminées massives et mal bâties, qui ne servirent jamais.
Car on dut, peu après, arrêter tout-à-coup cet essai de restauration; si
bien que le château est resté dans cet état inachevé de grossière
transformation. Il en résulte qu'à première vue de nombreux et violents
contrastes sautent aux yeux des visiteurs, et peuvent les dérouter
entièrement.
Néanmoins, avec un peu d'attention, il est facile de se rendre compte des
dispositions premières et de reconstituer ce beau spécimen d'architecture
militaire gasconne à la fin du XIIIe siècle. Enclavé du côté du levant et du
midi dans une cour polygonale, qui renfermait les décharges et les communs,
le château de Masencôme avait son rez-de-chaussée hermétiquement clos de
tous côtés, sauf au pied de la petite tour où se trouvait et se trouve
encore sa seule porte d'entrée. Deux baies, l'une très élevée et
contemporaine de la construction du château, l'autre, beaucoup plus basse,
et qui était la vraie porte d'entrée du rez-de-chaussée, étaient percées
dans les deux murs de cette tour, et protégées par un large mâchicoulis,
creusé au sommet du premier cintre, dans l'intérieur de la tour. En cas
d'attaque, le grand porche pouvait être facilement muré. Quant à la porte,
également de la fondation du château, elle ne pouvait que difficilement
permettre à un chariot de pénétrer au rez-de-chaussée de la tour. De très
rares ouvertures ajouraient ce rez-de-chaussée. C'était, au midi, deux
étroites meurtrières, aujourd'hui rem placées par de plus vastes croisées,
et au nord trois archères, dont une arbalétrière, visible encore de nos
jours. Le premier étage, composé d'une unique pièce, servait probablement de
dortoir à la garnison. Il ne contenait guère plus d'ouvertures: au midi,
deux arbalétrières, non encore fermées, et sans doute quelques autres
semblables,aux autres expositions, dont on ne voit plus les traces. Seul
était ajouré le deuxième étage. Au midi, on remarque encore une fort jolie
fenêtre géminée, dont les architectes du XIXe siècle n'ont point voulu,
comme à une semblable à côté, faire disparaître les deux arcatures
trilobées, soutenues par une colonnette médiane. A l'est, une autre fenêtre
géminée en partie détruite. Au nord on voit les restes d'une troisième
arcature, qui, jointe aux trois autres, éclairait ainsi de trois côtés la
salle d'armes, où le chef assemblait ses soldats.
Quant à la façade ouest, et toujours à la même hauteur, une quatrième
fenêtre trilobée, mais non géminée, aujourd'hui murée, ajourait un réduit,
qui plus tard fut destiné à des lieux d'aisance. Toujours à l'extérieur, la
grosse tour carrée de l'ouest, d'aspect si sombre, n'était éclairée que par
de rares et étroites archères. Elle a conservé son caractère primitif. On en
compte deux au premier étage, tandis que le second et le troisième
recevaient le jour de trois arbalétrières, ouvertes de chaque côté. Un
quatrième et dernier étage, élevé d'au moins trois mètres au-dessus du corps
de logis, se dressait encore au sommet de cette tour. Il laisse entrevoir
les portes fort basses qui communiquaient avec le chemin de ronde, dont la
ceinture entourait tout le château, et d'où la vue s'étendait au loin dans
toutes les directions. La tour carrée de l'est, destinée à défendre la porte
d'entrée, atteignait une hauteur d'environ vingt mètres. Des arbalétrières,
dont on voit encore la trace, ajouraient seules ses divers étages. A ses
pieds avait été adossé et se dresse encore, quoique rongé par le temps, cet
escalier extérieur à pans coupés, dont nous avons parlé, et qui ne fut
construit qu'un demi-siècle environ après le château primitif, au moment de
l'élévation de la courtine et de l'annexe. La première rampe compte 31
marches; la seconde, beaucoup plus étroite, n'en compte que 22. Elle aboutit
à la porte sur une espèce de terrasse, au-dessous de laquelle était ouvert
un mâchicoulis chargé de défendre les premières marches de l'escalier. Cet
escalier qui dut remplacer l'escalier volant en bois ou échelle mobile
primitive, aboutissant soit à la porte du premier étage, soit à la porte du
second, et dont on ne retrouve le semblable dans aucune autre construction
de cette époque, constitue une des particularités les plus remarquables du
château de Masencôme.
L'intérieur du château de Masencôme ne présente, tel qu'il s'offre à nous
actuellement, qu'un intérêt fort restreint. Toutes ses divisions sont en
effet modernes, datant du siècle dernier seulement. Les murs de refend, les
voûtes en arc brisé, semblables à celles du château du Busca, des deux
principales salles au rez-de-chaussée; au premier étage, les dispositions
des salles correspondantes, les cheminées grossièrement taillées, à peine
encastrées dans la muraille,les fenêtres à meneaux communes, dépourvues de
corniches et de moulures et sans ornement aucun, nous éloignent de beaucoup
de cette belle époque de la Renaissance, qui présida à l'agencement si
élégant du château de Tauzia. Elles attestent, en tous cas, par leur
lourdeur, le mauvais goût et le manque absolu de soins du siècle dernier.
Elles sont du reste en contradiction formelle avec le style primitif du
château. Aussi n'y insisterons-nous pas autrement. Seul nous retiendra un
instant l'intérieur de la tour, dont la clef de voûte du premier étage a été
remplacée par une ouverture rectangulaire, d'où les défenseurs pouvaient
jeter sur les assaillants toutes sortes de projectiles. Un système de
trappes et d'échelles mobiles, identique à celui du château de Tauzia, était
l'unique moyen d'accéder aux différents étages des deux tours de Masencôme.
Leurs planchers n'existent plus depuis longtemps. Une charpente à deux eaux,
plus basse que la charpente primitive, recouvre aujourd'hui ce vaste corps
de logis, dont la hauteur actuelle est environ de quinze mètres, celle des
tours atteignant vingt mètres. Encore en assez bon état de conservation, le
château de Masencôme peut rendre à ses nouveaux propriétaires plus d'un
service usuel, auquel toutefois ne l'avaient pas destiné ses premiers
seigneurs. Il nous rappelle en tous cas, et malgré la marche des siècles, le
souvenir de l'illustre famille dont le nom, comme nous allons le voir dans
l'historique, reste attaché à tous les hauts faits des annales du pays
gascon.
On trouve, depuis les temps les plus reculés, les Lasseran, plus tard
seigneurs de Masencôme, mêlés à toutes les affaires les plus importantes du
pays gascon. Bien avant l'époque où s'éleva leur château, on les voit
combler de dons et de bienfaits les monastères voisins de leurs nombreuses
résidences, et notamment ceux de Berdoues et de Condom. Le cartulaire de
cette première abbaye contient durant tout le XIIe siècle, une très longue
liste de donations, qui lui sont octroyées par les premiers seigneurs de
Lasseran. Quelques-uns d'entre eux se font même enterrer, au début du siècle
suivant, dans le choeur de l'église de Berdoues. Ce n'est qu'à la fin du
XIIIe siècle, époque qui concorde avec la date de construction du château,
que nous voyons les Lasseran qualifiés de seigneurs de Masencôme. Le premier
acte d'hommage "pour la terre et seigneurie de Mansencome en Fezensac", qui
nous soit connu, est celui qui fut rendu en l'année 1319 par Vital de
Lasseran au comte d'Armagnac. Le frère de ce Vital, Garcie-Arnaud de
Lasseran, seigneur de Puch de Gontaud, Masencôme, Labit, Monluc, etc, eut
une fille, Aude, qui épousa, le 15 mai 1318, Odet de Montesquiou, fils puîné
de Raymond Aymeric, baron de Montesquieu, et de Longue de Montaut. Les
clauses du contrat portent que les enfants à naître de ce mariage prendront
le nom et les armes du père de la mariée, c'est-à-dire de Lasseran Masencôme.
En l'année 1338, l'archevêque d'Auch transigea pour les dîmes de Polignac,
annexe de Gondrin, et pour celles de Masencôme, avec Garcie-Arnaud de
Lasseran, seigneur de Masencôme, et son frère Pierre. Aude de Lasseran, dame
de Masencôme, Labit, Puch de Gontaud, Monluc, Camarade, fut l'unique
héritière de son père Garcie-Arnaud. Elle testa le 3 août 1351 en faveur de
son fils aîné Guillem, à qui elle donna la terre de Masencôme avec ses
dépendances, laissant celles de Monluc à sou fils puîné Guillem-Arnaud. Ce
dernier devint ainsi le chef de la branche cadette des Lasseran-Monluc, d'où
sortit le célèbre maréchal Blaise de Monluc. Guillem de Lasseran, seigneur
de Masencôme "au comté de Fezensac", par le partage qu'il fit avec son
frère, le 4 août 1354, testa le 9 octobre 1361.
Guillem de Lasseran avait épousé Aude de Verduzan, dame de Lagarde, près de
Vic. Dans son testament, véritable monument féodal, dont la copie nous a été
transmise par MM. Laplagne-Barris et J. de Carsalade du Pont, Arnaud de
Lasseran s'intitule "seigneur de Masencôme et de San Yors, in Auglis". Il
fait de nombreux legs aux maisons religieuses de la contrée, notamment six
florins d'or "ad reparandam et faciendam ecclesiam de Massencomis", et "du
pain et de l'eau dans son hospitalité de Massencoma". Il lègue en outre à
son fils Arnaud-Guillaume "une salle de Lagarda, près de la rue de
Fezensacii", qu'il lient de son épouse Aude de Verduzan, et à son autre fils
Vital l'usufruit de la moitié du territoire de Polignac. Enfin il institue
son héritier universel Guillaume de Lasseran, son fils aîné, lui léguant
spécialement "le château de Massencôme". L'acte est passé le 9 octobre 1361
au château de Saint-Yors, qui semble être la résidence habituelle des
Lasseran. Guillaume de Lasseran, seigneur de Masencôme, succéda donc à son
père, après 1361. Son fils aîné, Manaud de Lasseran, joua un rôle très
important en Gascogne durant les troubles des dernières années du XIVe
siècle. Nous rappellerons sommairement quelques-uns de ses faits d'armes.
Dès 1356 et tout jeune encore, il commande dans la ville de Valence, pour sa
défense contre le parti anglais, une troupe de quinze écuyers et trente
sergents. Puis, en 1377, lors de la prise de cette ville par les troupes
anglaises commandées par Pierre de Galard, Manaud de Lasseran cautionne avec
trois seigneurs du voisinage, pour 120 livres, Géraud de Verduzan, fait
prisonnier pendant l'affaire et détenu dans les prisons du château de
Lourdes. Le 10 octobre 1392, il reconnaît tenir en fief du comte d'Armagnac,
à cause du comté de Fezensac, la terre et seigneurie de Masencôme. Enfin, le
15 juillet 1395, il passe un bail relatif à un fief de Mouchan, comme
procureur "notabilium dominarum Delphine et Matone de Tinherio". Ce seigneur
de Masencôme dut mourir vers la fin de 1408; car, l'année suivante, le 20
mars 1409, sa veuve, noble dame Mathone de Thiner (de Thinerio), demande et
obtient la restitution de mille florins d'or qui lui avaient été constitués
par sa mère et garantis par Jean de Roquelaure.
Manaud de Lasseran mourut, croyons-nous, sans postérité. Ce fut son frère,
Louis de Lasseran, qui continua sa race et qui devint propriétaire du
château de Masencôme. En 1415, noble et puissant seigneur Louis de Lasseran,
seigneur de Masencôme, donne bail à nouveau fief d'une terre sise à Gondrin.
Louis de Lasseran, seigneur de Masencôme, Labit, Camarade, etc, épousa, le
26 janvier 1422, Catherine de Massat, fille d'Amanieu de Massat, seigneur de
l'Estang et de Cardonne de Manas, dame d'Aulans. Il en eut deux enfants. Sa
femme étant morte, il se maria en secondes noces avec Mirande de la Tour.
Dans son testament du 1er juin 1462, il institue pour son héritier son fils
aîné, Jean de Lasseran, auquel il substitue, à défaut de postérité
masculine, son fils cadet Odet; "et si ledit Odet venait aussi à mourir sans
enfants mâles, il lui substitue Pierre de Lasseran-Masencôme, seigneur de
Monluc, son neveu éloigné". Cette substitution fut cause, dans la suite, de
deux procès: l'un vers 1480, et l'autre en 1720. Louis de Lasseran fut père
de Jean et d'Odet de Lasseran, chef de la branche des seigneurs de Labit. De
son second mariage, il eut une fille, Agnète, qui épousa le 10 juin 1484
Manaud de Cassagnet. Jean de Lasseran fut le dernier seigneur de Masencôme,
de cette illustre famille des Lasseran qui prit une part si active à toutes
les luttes des XIVe et XVe siècles entre la France et l'Angleterre. Il se
maria fort jeune, âgé de 14 ans, dit son contrat de mariage, à la date du 6
décembre 1455, avec noble demoiselle Catherine d'Astarac, âgée de 12 ans
seulement, dame de Moncla et de Villeneuve. Le marié était assisté de son
père, noble Louis de Lasseran, seigneur de Masencôme, et la mariée de son
oncle, "égrège et puissant seigneur messire Jehan, comte d'Astarac, seigneur
de Barbarens et de la baronnie dudit lieu, etc". Par ce contrat, la future
épouse se constitua les lieux de Villeneuve et de Moncla, et tous les autres
biens qui lui revenaient de la succession de son père, Jean d'Astarac, sauf
le territoire de Valentès.
Les deux jeunes époux eurent trois enfants: François; Isabelle et Françoise,
qui mourut sans avoir contracté mariage. Le 5 décembre 1486, Jean de
Lasseran fit son testament au château de Masencôme, en présence d'Antoine de
Monlezun, seigneur de Preissac, de Pierre François de Montesquiou, seigneur
de Saint-Jean, de Pierre de Lantirand, et de Pierre de Belloc, prêtre et
vicaire dudit lieu de Masencôme. Il institua pour son héritier son fils
François, lui substituant sa fille Isabelle. Ce fils François mourut peu de
temps après sans laisser d'enfants. Toute la fortune des Lasseran-Masencôme
revenait donc à la fille aînée, Isabelle, qui fut instituée héritière de
tous ses biens par sa mère Catherine d'Astarac. Isabeau de Lasseran demeura
donc paisible propriétaire de toutes les terres de ses ancêtres, et
notamment de la terre et du château de Masencôme. Elle les apporta dans la
famille de Poyanne, par son mariage avec Charles de Baylenx de Poyanne,
seigneur de Nousse, Gamarde et autres lieux, chambellan de Charles VIII et
de Louis XII, et gouverneur des ville et château de Dax. La clause
principale de ce contrat de mariage fut que les enfants qui en naîtraient
prendraient les noms et les armes de Lasseran-Masencôme. Malgré deux
alliances qui auraient dû le faire disparaître, l'une avec les Montesquiou,
l'autre avec les Poyanne, ce nom subsistera, à côté de celui de ses nouveaux
seigneurs, jusqu'à la Révolution. Le châteaude Massencôme, forteresseou
annexe, fut souvent habité par ses seigneurs au cours des XIVe et XVe
siècles. Mais du jour où il échut à la famille de Poyanne, qui formait une
branche cadette de la grande maison de Baylenx de Poyanne, il fut de plus en
plus délaissé. Originaires des Landes, où se trouve encore l'imposant
château de Poyanne, à la tête de la première noblesse du pays, les nouveaux
seigneurs de Masencôme préférèrent consacrer aux différentes résidences
qu'ils possédaient un peu partout en Gascogne, et notamment aux châteaux de
Monclar et plus tard de Monbardon, le peu de temps que leur laissaient soit
leurs obligations militaires, soit leur service à la cour.
Nous voyons toutefois qu'à cette époque les seigneurs de Masencôme ont
toujours droit de haute, moyenne et basse justice, "qu'ils peuvent élire
tout juge, lieutenant, procureur fiscal et greffier qui leur plairont", et
qu'ils jouissent en ce lieu "d'une dîme inféodée en quatre parsans, savoir:
celui de Masencôme, de Teous, d'Ampeils et de Coupet, en outre des nombreux
privilèges et autres droits de champart, lods et ventes, qu'ils possédaient
dans la plupart des juridictions avoisinantes". Le nouveau seigneur de
Masencôme, Charles de Poyanne, servit avec éclat dans les armées du roi de
France pendant les guerres d'Italie. De son mariage avec Isabelle de
Lasseran, il eut deux enfants qui, d'après les notes généalogiques portèrent
tous deux le nom de François. L'aîné, François de Lasseran-Massencôme,
épousa, le 29 décembre 1513, Agnès ou Anne de Verduzan, fille d'Odet de
Verduzan, seigneur dudit lieu. Mais il dut mourir sans postérité, et très
probablement sur les champs de bataille. Par son testament daté du 2 mai
1521 François de Lasseran stipule expressément "qu'étant sur le point de
partir pour le service du roi, il dispose de ses biens ainsi qu'il suit: il
laisse d'abord 100 écus pour ses honneurs funèbres; item, aux religieux de
Saint-Pierre de Condom, à charge de dire pour lui et le repos des âmes de
ses parents une messe anniversaire. Il lègue à sa femme Anne de Verduzan la
somme de 3,300 livres tournois, plus l'usufruit de la seigneurie de Nousse
et de Gamarde. Dans le cas où sa femme serait grosse le jour de son décès,
il entend que son fils ou sa fille posthume soient son héritier universel.
En même temps, il institue pour son héritier universel son frère François de
Poyanne, seigneur de Masencôme, etc". Ce dernier en effet devint, dès 1521,
possesseur de tous les biens des Lasseran et des Poyanne. Il vendit le 28
janvier 1522, la baronnie de Gamarde à son parent Guillaume de Baylenx de
Poyanne. Mais il garda la terre noble de Masencôme.
Il eut plusieurs enfants, dont l'aîné, Odet de Poyanne, seigneur de
Masencôme, épousa, le29 novembre 1543, dans le château de Castillon, au
diocèse de Lombez, Gabrielle d'Astarac, de la branche des d'Astarac
Fontrailles. Jean-Alexandre de Lasseran, fils d'Odet, seigneur de Masencôme,
épousa, le 20 avril 1563, Raymonde de Martres, assistée de son frère,
François de Martres, seigneur de Gensac, et de son oncle maternel, Jean d'Orbessan.
Ce seigneur de Masencôme joua un rôle non dépourvu d'éclat dans toutes les
guerres religieuses qui, en ces tristes époques, ruinèrent la Gascogne. De
son mariage avec Raymonde de Martres, Jean-Alexandre eut trois enfants:
François; Pierre-André, qui devint le chef de la branche des
Lasseran-Lagarde; et Gabrielle, dame de Dours, qui testa en faveur de son
frère Pierre-André, qualifié de baron de Masencôme. François de
Poyanne-Lasseran-Masencôme hérita, à la mort de son père, de tous les biens
des Lasseran. Le 1er novembre 1597, il épousa Jeanne de Bezolles, fille de
noble Jean de Bezolles, seigneur de Bezolles, Beaumont, Lagraulas, etc, et
de Paule de Narbonne. Etaient présents tous les Maseucôme et la plupart des
membres de la famille de Narbonne et de Grossolles de Flamarens. Jeanne de
Bezolles dut mourir peu de temps après, car nous voyons son mari, épouser en
secondes noces Isabeau de Durfort de Castelbajac, dont il eut trois enfants:
Ber nard; Louis et Marguerite, mariée le 23 février 1618 à Jean-Antoine de
Béon d'Armentien, seigneur de la Palu. En l'absence de son mari, retenu à
l'armée pour le service du roi, Isabeau de Castelbajac, dame de Lasseran,
résida quelque temps à cette époque au château de Masencôme. Le 4 septembre
1625, s'était marié son fils aîné, noble Bernard de Lasseran-Masencôme,
seigneur de Masencôme, avec demoiselle Paule de Massés de Lamezan, fille de
feu noble Pierre de Béon, seigneur de Massés, lieutenant en la compagnie du
duc d'Epernon, et de dame Catherine de Lamezan.
Au mois de juillet 1637, le roi Louis XIII, en considération des nombreux
services rendus par la famille de Masencôme, furent érigées en baronnie la
terre et seigneurie de Masencôme. Le 2 février 1649, François de Lasseran
épousa demoiselle Marie de Baliros, fille unique de messire Jean de Baliros,
seigneur et baron de Montbardon, et de Geneviève de Commenges de Péguillem.
Par suite d'un accord, passé le 4 décembre 1674, entre messire Jean Guy de
Maniban, marquis de Maniban, et messire François de Lasseran-Masencôme,
comte de Monluc et seigneur de Masencôme, Bernard de Sarniguet,
prêtre-chapelain du Busca et ancien curé de Masencôme, aurait fait exécuter
certaines réparations, convenues entre ces deux seigneurs, au château,
métairie et moulin, dépendant de la seigneurie de Masencôme et qu'il aurait
reçu à cet effet du président de Maniban ou de ses fermiers la somme de 1072
livres, 9 sols. Or, le seigneur de Masencôme étant mort, son fils Alexandre
de Lasseran, se refuse à payer une partie de ladite somme. Alexandre de
Poyanne-Lasseran-Masencôme,marquis de Masencôme et Monluc, fut le dernier
seigneur de Masencôme de la branche directe des Lasseran-Poyanne. De ses
deux mariages, Alexandre-François de Lasseran n'eut pas d'enfants. Par son
testament, fait avant 1727, il laissa sa femme usufruitière de tous ses
biens; mais il fit deux parts de ses vastes domaines. Aussitôt après sa
mort, un procès s'engagea entre sa veuve et Jeanne Catherine de Lasseran de
Labit, qui revendiquait tous les biens provenant de la maison de Lasseran,
et notamment la terre de Masencôme. Mais cette dernière fut déboutée de sa
demande et la dame de Rechigne voisin maintenue dans tous ses droits
d'usufruit. Ainsi le château et la seigneurie de Masencôme revinrent au
marquis de Lagarde. La branche cadette des Lasseran-Lagarde est non moins
illustre que la branche aînée des seigneurs de Massencôme.
Le marquis de Lagarde avait épousé Renée de Fleur, dont il eut deux enfants:
Denis-François, et une fille morte sans avoir été mariée. Il mourut lui-même
en 1746, laissant sa fortune gravement compromise et sa succession
entièrement grevée de dettes. Il fut procédé, le 16 avril 1755, après midi,
à la saisie de la terre et seigneurie de Maencôme. L'arrêt du Parlement
décrit minutieusement la contenance et les limites de ladite seigneurie à
cette époque. Cette pièce est trop importante pour l'histoire qui nous
occupe pour que nous n'en reproduisions pas ici, malgré leur longueur, les
principaux extraits: "Ladite seigneurie de Masencôme est sise et située dans
la séné chaussée d'Auch. Elle consiste en fonds, fruits et revenus, justice
haute, moyenne et basse, directes, censives et autres rentes et droits réels
et honorifiques. Elle consiste en outre en un château délabré, bâti à chaux
et sable, couvert de tuiles à canal, granges, écuries et offices, le tout
enclavé dans la cour...". Après plusieurs mois de procédure, de séquestre de
ladite terre, et devant l'impossibilité du marquis de Lagarde de payer au
duc d'Antin la somme due, la seigneurie de Masencôme fut vendue aux
enchères; la mise à prix était de 16,100 livres. Le château de Masencôme
passa dans la famille de Maniban, dont les membres, présidents de père en
fils au Parlement de Toulouse depuis plus d'un siècle, et à la tête d'une
immense fortune, étaient devenus successivement seigneurs des terres du
Busca, Ampeils, Lagardère, Mouchan, etc, c'est-à-dire de toute la contrée
avoisinante. Mis en possession du château de Masencôme, le marquis Gaspard
de Maniban, premier président au Parlement de Toulouse, commença aussitôt à
le restaurer. Mais le vieux manoir ne resta pas longtemps entre ses mains.
Dans les actes des années 1743, 1748, 1753 et 1763, nous voyons, en effet,
que "pour la seigneurie de Masencôme rend hommage M. le marquis de Lagarde".
Ce dernier donna le 22 janvier 1765, une procuration spéciale "pour
effectuer divers travaux urgents de réparation au château de Masencôme" et
ce, pour la somme de 639 livres. Le marquis de Lagarde demeurait à Paris,
rue Poissonnière, paroisse Saint-Eustache.
Il était advenu, en effet, une fois la seigneurie saisie, que le marquis de
Monluc, Denis-François de Lasseran-Masencôme, fils aîné du marquis de
Lagarde, mort en 1746, s'était procuré la somme de 17,000 livres, et qu'il
l'employa aussitôt à racheter le vieux fief patronymique de ses ancêtres. Il
emprunta à cet effet cette somme à "haute et puissante dame Louise de
Serignac de Belmon, dame de Ponsan-Soubiran et épouse de messire Jean du
Haget de Vernon, mais à la condition qu'il affecterait l'usufruit et tous
les revenus de la seigneurie de Masencôme, par hypothèque, à ladite dame de
Belmon". Il en résulta donc que, durant de longues années encore, jusqu'en
1781, le véritable seigneur de Masencôme, tant comme titre que comme
nu-propriétaire, fut le marquis de Lagarde. Cet état de choses dura jusqu'en
1781, année où un arrangement intervint entre les deux familles, d'après
lequel, "le 18 avril, Jacques-Philippe du Haget de Vernon, comte de
Péguillan étant absent, sa femme, Louise Victoire de Gontaut-Biron, prit
possession pleine et entière de la terre et seigneurie de Masencôme".
Denis-François de Lasseran-Masencôme, qui n'avait pu garder le vieux berceau
de sa famille, mourut à Paris, quelques années après, le 28 février 1786. De
son mariage avec Catherine Douart, il n'eut qu'un fils, qui mourut un mois
après lui. Les nouveaux propriétaires du château de Masencôme n'étaient pas
les premiers venus. La maison du Haget, au pays de Magnoac en Gascogne,
remontait au XIVe siècle. Un des derniers descendants de cette famille,
illustre à plus d'un titre, Jean du Haget, avait épousé, le 8 juillet 1732,
dame Louise Françoise de Serignac de Belmon, fille de Philippe de Serignac
et de dame Marie de Ponsan. Sa grande fortune fut cause que cette dame de
Belmon prêta au marquis de Monluc la somme pour racheter le château de
Masencôme, qu'elle hypothéqua en même temps celte terre, puis en demeura
propriétaire.
Devenue veuve en 1772, ce fut son fils Jacques-Philippe du Hagel de Vernon,
comte de Péguillan, premier baron de Comminges, marié avec la fille du
marquis de Saint-Blancard, qui, à partir de 1781, devint seigneur de
Masencôme. Ce gentilhomme habitait Toulouse ainsi que son château de
Pèguillan, en Languedoc. Il ne vint que très rarement à Masencôme, dont il
nomma, le 25 novembre 1783, le sieur Jean Ducos régisseur. La Révolution le
trouva possesseur de l'ancienne seigneurie des Lasseran, qui eut la bonne
fortune de devoir à la fermeté de son nouveau maître de ne pas être vendue
comme bien national. Néanmoins, le 24 février 1793, à la requête du sieur
Lago, le district de Condom ordonna la saisie des biens "du citoyen Vernon,
au lieu de Masencôme, attendu, dit l'arrêté, qu'on ignore sa résidence et
qu'il n'a fourni aucun certificat". Mais M. du Haget n'avait pas voulu
émigrer. Averti du séquestre que l'on avait mis sur ses biens de l'Armagnac,
il se présenta aussitôt, le 17 mars 1793, devant la municipalité de cette
ville, et il se fit donner un certificat constatant "qu'il était âgé de 57
ans et qu'il habitait la paroisse Saint-Etienne, section troisième". Le 25
frimaire an III (15 décembre 1794), Jean-Philippe du Haget rentrait, en
vertu d'un arrêt du district de Condom, en pleine et entière possession de
sa terre de Masencôme, non sans avoir vu l'année précédente, le 15 septembre
1793, tous ses revenus saisis. La tourmente passée, put enfin jouir
tranquillement de sa terre de Masencôme. Il ne la visitait du reste qu'à de
longs intervalles, et lorsqu'il y était absolument forcé. C'est donc dans un
état complet de délabrement, sans charpente, sans planchers, sans toiture,
que fut vendu à sa mort par ses nombreux héritiers, demeurés indivis, le
château de Masencôme. Il fut vendu par les filles de M. du Haget, le 28
avril 1840, à M. Joseph Bordeneuve, cultivateur, demeurant au lieu de
Masencôme. La fille unique de ce dernier, épouse de M. Lagardère, était au
début du XXe siècle propriétaire. Depuis cette dernière mutation, les
charpentes ont été rétablies, les planchers remis à neuf et les murs
consolidés. (1)
Éléments protégés MH : le château de Mansencôme en totalité : inscription
par arrêté du 5 novembre 1927. (2)
château de
Mansencôme 32310 Mansencôme, propriété privée, ne se visite pas.
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