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Château de Ferrette (Haut-Rhin)
 
 

  Pendant les périodes celtique et romaine, la monarchie des Francs et celle des empereurs d'Allemagne, dont l'autorité semble avoir été plus que fictive, l'histoire du pays de Ferrette demeure fort obscure. Au démembrement de l'ancien royaume de la Bourgogne transjurane, Frédéric IV de Montbéliard, souche de la maison de Ferrette, fonda ou restaura, dit-on, le château, bâti sur l'emplacement d'une ancienne tour d'observation romaine qui avec le pays lui était échue en partage en l'année 1032. Retenons bien que les comtes se regardaient toujours comme indépendants. Il n'existe aucun acte constatant une vassalité quelconque; ils jouissaient de toutes les prérogatives des souverains et faisaient avec leurs gens la guerre dans leur propre intérêt et pour leur compte, sans s'occuper nullement de la puissance impériale, ils battaient monnaie et s'intitulaient "Comte par la grâce de Dieu". La puissante famille des comtes de Ferrette s'éteignit par la mort d'Ulrich II le 10 mars 1324. Le 26 du même mois, sa fille, la célébre Jeanne de Ferrette, épouse l'archiduc d'Autriche, comte de Habsbourg, Albert II, dit le Sage. Par ce mariage le comté, fief de l'évêché de Bâle depuis le 15 janvier 1271, passe dans les mains de la maison d'Autriche, qui le fait administrer par des baillis. A l'apogée de leur puissance, l'autorité des comtes de Ferrette s'étendait aussi loin que leur oeil pouvait embrasser de pays du haut de leur manoir, et comprenait les baillages d'Altkirch, de Thann, Belfort, Delle, Landser, Délémont, Rougemont, Massevaux et Cernay. Sigismond, duc d'Autriche, embellit le château, et par un traité conclu à Saint-Omer le 2 mai 1469, engagea le pays à Charles, duc de Bourgogne; mais le 6 avril 1474 le dégagea avec le concours des villes d'Alsace. Ce fut là l'origine de la guerre de Bourgogne. Vers l'année 1500 l'empereur Maximilien 1er fait agrandir par des constructions importantes le château, dans lequel on remarque la chapelle Sainte-Catherine avec un caveau et un puits taillé dans le roc d'une profondeur de 115 toises.

En 1504 Maximilien, à court d'argent, engage le comté à Marc Reich de Reichenstein. Frédéric 1er son successeur, le rachète, et plus tard, toujours faute d'écus, l'engage à son tour au comte Jean-Jacques de Fugger. Celui-ci, ingénieur et artiste à la fois, dépense de fortes sommes d'argent pour embellir et consolider le château et le mettre à même de résister au canon. Enfin, par le traité de Westphalie, conclu à Munster le 24 Octobre 1648, le comté de Ferrette est incorporé à la France. En récompense de services rendus, Louis XIV, par lettres patentes du 17 janvier 1659, donne au cardinal de Mazarin toutes, les possessions de la Haute-Alsace ayant appartenu aux archiducs d'Autriche. Le château et ses dépendances restèrent jusque vers la fin du XVIIe siècle la possession des héritiers de Mazarin, représentés en dernier lieu par les princes de Monaco. Les 23 et 24 Juillet 1789, le château, abandonné, fut saccagé par la populace en révolte. On dit que peu après Antoine Vogelweid acquit la montagne nue et dégarnie avec le château ruiné de M. Gérard, dernier bailli de Ferrette, qui devait en être en possession depuis nombre d'années, du chef des héritiers Mazarin. Vogelweid, selon l'esprit du temps, acheva de démolir ce qui lors du sac avait été laissé debout. Pour faire des écus, il revendit sous main les différents matériaux de construction, charpente, menuiserie, fers et autres objets. Suivant actes notariés en date du 13 septembre 1836 et du 4 septembre 1838, il revendit la propriété, telle quelle, à. M. Jean Zuber, de Rixheim, dont la famille était encore en possession à la fin du XIXe siècle.

Après cet aperçu historique, nous ne pouvons nous empêcher de présenter au lecteur la description du château et de ses ruines que M. Hartmàn, professeur agrégé au lycée de Nancy, a fait dans le Passe-Temps d'Alsace-Lorraine (1891). "Si vous voulez bien me suivre nous monterons sur le massif qui porte les vestiges de l'ancienne demeure des comtes de Ferrette. En sortant de la ville par la porte sud, nous tournons à gauche. Passons d'abord sous la vieille porte cintrée qui est pratiquée dans l'ancienne enceinte, juste en face du roc où perchait la tour la plus élevée. C'était là l'entrée principale. Elle était fermée autrefois par une herse dont il reste encore quelques traces. Sous cette voûte passaient autrefois les hommes d'armes, qui, conduits par les vassaux du comte, formaient en cas de guerre les défenseurs de la forteresse. Armés de lances, de sabres, munis d'arcs et de flèches, plus tard d'arbalètes et d'arquebuses, ces soldats gravissaient au pas de course le chemin encore pavé en partie qui est devant nous et qui les conduisait dans l'enceinte du château. Nous voici dans l'enceinte du château. Elle occupe une surface de près d'un demi hectare. Du côté sud et du côté ouest elle est flanquée de quatre tours. Jadis ces murs étaient surmontés de créneaux derrière lesquels les gens de la garnison trouvaient un abri sûr. De distance en distance des mâchicoulis permettaient aux assiégés d'inonder les assaillants d'eau bouillante. Toutes ces murailles étaient percées, aux endroits convenables, d'archères ou de meurtrières d'où l'on lançait sur l'ennemi des flèches. Au XVIe siècle ces ouvertures furent agrandies pour livrer passage aux arquebuses et aux canons. Dans l'intérieur de cette enceinte se trouvaient les casernes pour loger les hommes, les écuries pour les chevaux, les remises, pour le matériel de guerre et les provisions du siège. Une chapelle, parfaitement reconnaissable, dont le choeur était tourné du côté de l'Orient, suivant un antique usage, servait aux besoins du culte.

Ces constructions, qui occupaient le premier plan, étaient dominées par le château proprement dit, solidement bâti sur une roche siliceuse d'une étendue respectable et d'une hauteur énorme. Les pans de murs démantelés, déchiquetés, à moitié écroulés, percés de grandes ouvertures, attestent bien l'usage de cette partie de la forteresse. C'était la tour d'observation, d'où l'on guettait l'approche de l'ennemi et d'où on le découvrait à temps, de quelque côté qu'il vînt. De cette hauteur, accessible encore par un escalier en bois qu'on y a installé, et qui conduit à une solide plate-forme en planches, le spectateur peut plonger son regard dans toute la contrée environnante. Par un temps favorable on y jouit d'une vue admirable sur la vallée de l'Ill, celle du Rhin, les Vosges. Avec une bonne longue-vue on lit les moindres détails du ballon de Guebwiller, du Rossberg, du ballon d'Alsace. Descendons de la plate-forme et allons visiter les restes des appartements seigneuriaux au pied de la tour. Le sol en est encore pavé de larges briques; les murs recouverts de leur crépis nous montrent encore les trous où étaient encastrées les poutres du plafond; voyez aussi une cheminée assez bien conservée. Un peu plus loin se trouve un puits, taillé dans le roc et qui avait 150 toises de profondeur. Cette énorme cavité est presque bouchée actuellement jusqu'au niveau du sol. Chaque touriste a cru bien faire en y jetant sa pierre. Les intempéries de l'air ont fait le reste. Ce puits est encore recouvert d'une voûte en briques sous laquelle était installé le treuil qui servait à monter l'eau dans des seaux. Malheureusement elle se désagrège de jour en jour davantage et le moment n'est pas éloigné où elle s'effondrera pour combler totalement le puits.

Ce château, outre les dispositions militaires dont nous avons dit un mot, renfermait les appartements de la famille noble. La salle d'armes, avec ses boiseries sculptées, avait l'aspect d'un arsenal. Aux murs étaient pendues les armures des ancêtres; des heaumes, des cuirasses, des brassards, des cuissards, des genouillères, des jambières, des souliers de fer avec leurs éperons, des hauberts, etc; quelques trophées provenant du butin fait sur quelque vaillant rival; des lances, des arbalètes, des boucliers, des dagues et des épées. La salle d'honneur était meublée simplement de tables, de bancs, d'escabelles en bois de chêne. C'est là que la châtelaine recevait le troubadour qui venait chanter devant la famille réunie les exploits de quelque héros célèbre, ou le pèlerin venant faire au manoir le récit de ses longues et périlleuses pérégrinations et présenter à la dame, en même temps que ses hommages, quelque souvenir, un objet de piété, rapporté des lieux saints qu'il avait visités. C'est dans cette salle aussi que le pieux chapelain présidait à la prière en commun et lisait la légende des saints particulièrement honorés. Là aussi se donnaient des festins plus abondants que somptueux, aux jours où l'on célébrait une victoire chèrement acquise, un assaut vaillamment repoussé, le retour d'une expédition où le seigneur et ses gens s'étaient battus comme des lions. Nous parlons du moyen-âge proprement dit, car après les croisades, il se fît une transformation radicale dans le costume, l'ameublement et le service de la table. Cet âge, les seigneurs de Ferrette ne le connurent presque point, leur race s'étant éteinte en 1324. Simples également étaient les chambres à coucher. Nos rudes seigneurs, même les nobles dames, couchaient dans les lits étroits, remplis de paille. Des coffres de bois leur servaient d'armoires pour y serrer les vêtements et les objets de luxe.

En ces siècles de foi robuste, la chapelle était souvent le lieu de pieuses réunions et de touchantes cérémonies. Le fils du châtelain avait-il atteint sa vingt et unième année, on l'armait chevalier. Il se préparait à cet acte solennel qui lui ouvrait les rangs de la grande confrérie militaire, par une veille passée dans le lieu saint, en prières, en compagnie de ses parrains et de ses marraines. Après la confession et la communion, armé de pied en cap, le seigneur désigné à cet effet lui donnait l'accolade, lui frappait sur l'épaule du plat de son épée en lui disant: Au nom de saint Georges, je t'arme chevalier. Sois preux, hardi et loyal. Là aussi les jeunes époux prononçaient devant les autels le oui matrimonial, entourés de nombreuses familles amies, accourues au château pour prendre part à la fête. Un dignitaire ecclésiastique, évêque ou abbé mitré, bénissait le jeune couple et lui faisait les exhortations d'usage. C'est encore dans la chapelle du château que l'on célébrait les cérémonies funèbres en cas de décès d'un membre de la famille: du seigneur, dont la réputation de bravoure s'étendait au loin; de la dame, dont l'esprit de charité, la piété, les solides vertus n'étaient pas moins notoires; d'un enfant, garçon ou fille, l'espoir des parents, moissonné à la fleur de l'âge au moment où il donnait les plus belles espérances. Après la cérémonie, le corps du défunt était porté au milieu d'une longue procession de moines et de religieuses dans quelque couvent qui avait été l'objet de sa générosité. On descendait le corps dans un caveau de famille, en le confiant à la garde des habitants du lieu et en le recommandant à leurs prières. Que reste-t-il aujourd'hui du château? Que reste-t-il de ses anciens habitants! Des ruines! Des cendres! Ainsi passent les splendeurs de la vie. Ainsi s'enfuit la chimère d'une vaine puissance! Ainsi disparaît avec le cours rapide des temps. Ce que porte la terre, et s'enfonce dans la nuit du silence". (1)

Éléments protégés MH : le château de Ferrette (ruines) : classement par journal officiel du 16 février 1930. (2)

château fort de Ferrette 68480 Ferrette, propriété privée, visite des extérieurs uniquement, vestiges.

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(1)       Ferrette avec des notices historiques sur le château, la ville de Ferrette: Hippolyte Vogelweid. Éditeur: librairie Camille Gault à Ferrette (1892)
(2)   
     source :  https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/

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