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Le château de Bonneau a été construit par Eugène Trégnier entre 1889 et
1892, dans le vallon de la Tronne de Diziers. Le propriétaire des lieux est
un personnage marquant du Loir-et-Cher, bien implanté dans la région, autant
qu’à Paris où il est député pendant trois législatures à l'Assemblée
Nationale (1906-1919), qu’en région où il est maire de Suèvres de 1900 à
1919. Élu sous les couleurs radicales-socialistes avec des positions
clairement anticléricales, il est également Président du Conseil général du
Loir-et-Cher. Personnage politique influent et entrepreneur de travaux
publics avisé, il se tourne naturellement vers un architecte célèbre pour
concevoir une résidence qui correspondrait à sa nouvelle surface sociale. Il
demande ainsi à Charles-Joseph Pinsard, l’architecte de la maison de Jules
Verne à Amiens et de nombreux châteaux de la bourgeoisie industrielle du
Nord, de lui construire une demeure à la mesure de sa réussite, dans le goût
néo-Renaissance, entouré d’un vaste parc où coule la Petite Tronne. La
signature de l’architecte est restée gravée sur une plaque de ciment encore
visible dans l’une des caves du château. Un an avant sa mort, Pinsard a
effectué en 1910 un ultime remaniement de la façade est, certainement pour
agrandir les espaces de service et condamner une terrasse au premier étage.
Comme la plupart de ses réalisations, Bonneau s’orne d’un appareil de
briques rouges au tracé en losanges sur chacune de ses faces. Deux tourelles
latérales, dont une poivrière à gauche, apportent à la façade principale un
aspect "Louis XII" que soulignent encore des fenêtres à meneaux et une
imposte héraldique de fantaisie au-dessus de la porte principale. Le
caractère Renaissance des éléments décoratifs est par ailleurs solidement
adossé aux techniques de pointe utilisées à la fin du XIXe siècle: tout le
bâti repose en effet sur des arcades de fer des fonderies Haumont (Nord)
visibles depuis les caves semi-enterrées et qui viennent ainsi soutenir le
plancher d’un rez-de-chaussée surélevé. On retrouve d’ailleurs l’utilisation
du fer dans les arcs qui supportent un pont de briques au-dessus de la
Petite Tronne.
La disposition intérieure de la demeure reste classique; la distribution des
pièces s’organise autour d’un escalier à double volée qui relie le premier
étage au rez-de-chaussée. Le second étage, accessible par un escalier de
service en colimaçon, était celui des chambres de bonnes mais il réserve une
surprise en son centre; le propriétaire et commanditaire des lieux s’est en
effet réservé un cabinet octogonal aux boiseries travaillées, éclairé par
une verrière zénithale en verre dépoli dont la lumière vient de deux
ouvertures percées au-dessus, sur la toiture. Ce système ingénieux permet de
tamiser la lumière en un éclairage harmonieux, propice au travail ou à la
lecture. Le parc se déroule sur cinq hectares; il se compose d’une partie
boisée et d’une partie paysagère à l’anglaise plantée des essences en vogue
au XIXe siècle (séquoia, tulipier, marronniers et platanes). La Petite
Tronne et ses bras bornent les limites de la propriété et alimentent une
pièce d’eau ainsi qu’un bassin empierré à la mode des Buttes-Chaumont.
Partout, l’artifice doit paraître naturel; un bras de rivière en U, détourné
de la Petite Tronne, a été créé pour longer les allées du bois comme si son
lit avait toujours existé. Il forme ainsi, avec ses coudes à angle droit,
comme un petit labyrinthe d’eau. Sur la partie sud du jardin, à l’avant du
château, se dessine un parcours de buis aujourd’hui centenaires; ceux-ci
délimitent d’anciennes parcelles de potagers fleuris qui, avec un verger
dont il reste encore quelques arbres, permettaient au domaine un certain
seuil d’autosuffisance alimentaire. Ces buis de belle taille, initialement
conçus comme des petits buis de bordure, forment le tracé d’un jardin à la
française qu’agrémente encore un pigeonnier édifié à la fin du XVIIIe
siècle. À droite de cette partie sud, se trouve une maison annexe au toit
pentu, certainement destinée au palefrenier chargé de prendre soin des deux
chevaux dont les stalles s’y trouvent encore aujourd’hui. Un charme
bucolique se dégage de ce château ciselé et coloré, serti dans son parc
centenaire, ses bois et ses ruisseaux. (1)
château de Bonneau, rue des Choiseaux, 41500 Suèvres, tel. 06 15 19 11 84,
trois chambres en location saisonnière, propriété privée, ne se visite pas.
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