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Château de Clisson (Loire-Atlantique)
 
 

  L'an 1223, Olivier II, sire de Clisson, bâtit le château sur un rocher fort élevé, en face duquel se fait le confluent de la Moine et de la Sèvre. Il ne lui donna qu'une seule entrée du côté de la ville; mais il pratiqua plusieurs poternes et issues masquées ouvertes sur la campagne par de nombreux souterrains qui dans ces temps barbares, entraient comme une partie principale dans le système de défense des places fortes. Au XVe siècle, le manoir de Clisson était célèbre en ce genre, au même degré que les châteaux d'Auray, de Josselin, de la Roche Derrien, de Craon, de Chantocé, de Derval, de Châteaubriant, illustrés aux âges chevaleresques par tant de faits d'armes. Ce même Olivier II fit aussi fermer la ville de murailles. Clisson devint dès lors une place régulière: elle arrêtait des armées formidables; et celles même de nos jours ne l'eussent pas méprisée. Outre la double. enceinte de murailles et de fossés qui entouraient le château du côté de la campagne, on y ajouta encore vers la fin du XVIe siècle, des remparts, des bastions, un large fossé extérieur, avec une contrescarpe et des glacis ce qui rendait cette place susceptible d'être avantageusement défendue avec de l'artillerie; mais un abandon de près de deux siècles, avait considérablement ruiné ces fortifications, et en 1793, l'armée de Mayence s'en étant emparée de vive force, acheva de les détruire. La moitié du donjon s'écroula verticalement vers le milieu du XVIIe siècle; on ignore si cette chute fut l'effet d'un tremblement de terre ou d'un vice de construction; mais la partie qui est restée debout, doit longtemps encore par sa solidité, défier le tems et ses outrages. D'anciennes traditions assurent qu'il existait autrefois, sur la plateforme de ce donjon, un fanal que l'on allumait toutes les nuits pour guider les voyageurs, exposés à s'égarer dans un pays excessivement couvert et où il n'y avait point de grande route. Ce fanal pouvait aussi servir dans les tems de guerre, à donner des signaux, à diriger les troupes qui venaient au secours de la place, et même à la garnison, lorsqu'elle faisait des sorties, ou des excursions dans ce pays, que l'on peut même aujourd'hui comparer à un labyrinthe inextricable.

En 1257, époque de la guerre civile de Jean 1er, dit le Roux ou le duc Mauvais, contre les barons de Bretagne, ce prince fit raser plusieurs châteaux des domaines du sire de Clisson, surnommé le Vieux, fils du fondateur de ce manoir principal de la seigneurie et il échoua honteusement devant cette petite capitale. Mais en 1260, le Duc obtint, sous la protection du roi de France Louis IX, son suzerain, un arrêt du parlement de Paris, qui lui donna la saisine du manoir de Clisson et dépendances; ce duc, appuyé des troupes royales, chassa le sire de Clisson, se fit prêter l'hommage-lige et s'empara de la seigneurie. Elle fut rendue au jeune Clisson son fils, par un traité fait en présence de Saint-Louis au mois de février 1262. En 1320 eut lieu le mariage d'Olivier IV, petit-fils de celui qui fut dépossédé par Jean 1er, avec Blanche de Bouville. Cette union donna naissance à Olivier de Clisson, père du connétable, et à Garnier de Clisson, l'un des plus vaillants chevaliers de son tems et des plus "preudhommes", disent les chroniques. Dans la fameuse guerre de la succession de Bretagne, Olivier tenait le parti de Charles de Blois, contre Jean de Monfort, qui disputait à ce dernier la couronne ducale, et il défendait, en 1343, la ville de Tannes, assiégée par les Anglais. Robert d'Artois qui commandait ces étrangers, avait donné plusieurs assauts sans aucun succès, lorsqu'on lui indiqua un endroit de la ville où on ne faisait point de garde; ayant pénétré de ce côté, il prit à dos les assiégés qui combattaient sur les remparts. Dans la confusion de cette attaque imprévue, Clisson, ne pouvant regagner le château, parvint cependant à s'échapper; mais furieux de s'être laissé ainsi surprendre, désespéré des soupçons que l'on pouvait concevoir contre son honneur et son courage, il rassembla des troupes, tomba sur Vannes et l'emporta au premier assaut. Robert d'Artois y fut blessé mortellement, et Philippe de Valois se vit délivré de ce prince transfuge, son plus cruel ennemi.

Edouard III, roi d'Angleterre, en eut un tel déplaisir, que pour venger la mort de ce prince, il passa de suite en Bretagne avec une puissante armée, et vint assiéger Vannes en personne. Olivier de Clisson défendait vaillamment cette place, lorsque, dans une sortie, s'étant laissé emporter trop loin par sa valeur, il fut fait prisonnier. Après son échange, il se rendit à Paris, attiré par les fêtes d'un tournois magnifique; Philippe qui l'accusait de s'être engagé secrètement avec le roi d'Angleterre à servir le parti du comte de Monfort, le fit arrêter, juger et condamner à la décapitation. Ce jugement inique, rendu sans aucunes formalités, fut exécuté aux Halles, à Paris, la veille de Saint André, 29 novembre 1344; sa tête fut envoyée à Nantes et arborée sur une lance à l'une des portes de la ville; quatorze chevaliers Bretons et Normands qui l'accompagnaient, eurent le même sort; mais leur mort fut cruellement vengée par Geoffroy d'Harcourt, qui, accusé de la même défection, parvint cependant à se sauver en Angleterre. Dès qu'Edouard eut connaissance de cet événement, il rompit la trêve qu'il avait précédemment faite avec Philippe, et, vivement sollicité et conduit par Geoffroy, il débarqua en Normandie avec une nombreuse armée, et commença cette guerre, qui fut si funeste à la France, par le ravage de ses plus belles provinces et la désastreuse journée de Crécy. De cet infortuné seigneur et de Jeanne de Belleville, son épouse, naquit, au château de Clisson, en 1356, le héros de cette maison, l'illustre Olivier de Clisson, le frère d'armes de Duguesclin, et son successeur dans la haute dignité de Connétable de France, Il avait à peine sept ans, lorsque sa mère apprit, en Bretagne, la mort tragique de son époux. C'était le siècle des femmes courageuses; loin de s'abandonner à la douleur et aux larmes, elle ne respira que la vengeance.

Elle rassembla aussitôt ses amis, leva des troupes, se mit à leur tête, attaqua et surprit plusieurs châteaux qui tenaient pour Charles de Blois, et, n'écoutant plus que la rage qui l'animait, elle ne fit aucun quartier aux vaincus. Bientôt ses bannières sanglantes répandirent au loin la terreur, tout fuyait devant elle; et Charles de Blois fut obligé de réunir toutes ses for ces pour arrêter les progrès d'un ennemi aussi dangereux. Cette femme extraordinaire, voyant sa troupe trop faible pour résister à l'armée nombreuse que l'on faisait marcher contre elle, prit l'étonnante résolution d'armer des vaisseaux, elle combattit sur l'Océan avec la même intrépidité, coula à fond tout ce qu'elle rencontra de vaisseaux français, effectua plusieurs descentes sur les côtes, et partout où elle se montra, elle porta l'effroi et la mort. Le jeune Olivier, quoique d'un âge fort tendre, ne quittait point sa mère dans les combats. Elle le voulait ainsi, pour habituer ses jeunes esprits au danger et aux horreurs de la mêlée. On peut dire qu'il reçut d'elle, dans ces leçons de carnage, ce caractère fier et implacable, cette bravoure surnaturelle, mais souvent féroce, qui en fit le guerrier le plus redoutable de son tems. Le Roi, pour mettre un terme aux fureurs de cette héroïne, fut contraint de confisquer ses biens et de la bannir du royaume. N'ayant plus alors de ressources pour faire la guerre, car elle avait vendu tous ses bijoux pour la continuer, elle se retira à Hennehont, auprès de la comtesse de Montfort, qui l'accueillit avec l'intérêt et la distinction qu'inspiraient ses malheurs et son grand courage. La Comtesse prévoyant que le jeune Clisson serait un jour d'un grand secours à son fils, qui était du même âge, eut soin de les tenir ensemble, et de leur faire donner la même éducation. Clisson et sa mère se ressentirent des bienfaits de cette princesse, et se trouvèrent bientôt en état d'oublier la perte de leurs biens. Le roi d'Angleterre témoigna aussi sa générosité à leur égard, et les remit en possession de plusieurs places.

En 1349, le comte de Monfort, devenu duc de Bretagne, par la mort de son père, passa en Angleterre avec Clisson. Edouard combla de richesses ce dernier, et le renvoya en Bretagne, en 1357, dans un brillant équipage. Il s'y fit bientôt remarquer par de beaux exploits; il eut la plus grande part à la gloire de la fameuse journée d'Auray, où le brave et malheureux comte de Blois perdit le duché avec la vie. Au commencement de l'action, Clisson reçut un coup de lance qui lui creva un œil, ce qui ne l'empêcha point de continuer le combat. Le brave Duguesclin, qui combattait dans l'armée de Charles, fut fait prisonnier dans cette bataille donnée contre son avis, après avoir seul et longtemps soutenu tous les efforts de l'armée victorieuse. Le roi Jean, par suite d'un traité fait avec le roi d'Angleterre, restitua à Clisson les biens qui lui avaient été confisqués. Edouard III lui donna également, en 1359, main-levée de tous ceux qui lui étaient échus par la mort de Jeanne de Belleville, sa mère. Le 2 mai 1389, le Connétable partit du château de Clisson, pour se trouver le 7 du même mois à Saint-Denis, aux obsèques que Charles VI fit faire pour le Connétable Duguesclin. Le deuil fut mené par Clisson, en sa double qualité de Connétable et de frère d'armes de l'illustre défunt. En 1392, le roi étant à Tours, le duc de Bretagne s'y rendit pour donner des explications sur sa conduite, relativement à ses liaisons avec les Anglais; et, dans le traité qu'il conclut avec le roi, ses différents avec le Connétable furent définitivement réglés et accommodés. Il donna à Clisson plusieurs seigneurs en otage, jusqu'à parfait remboursement des sommes qu'il lui avait extorquées par la violence. Le 11 mars 1401, Jean V, duc de Bretagne, âgé de douze ans, fit son entrée solennelle dans la ville de Rennes et fut fait chevalier par Olivier Clisson. Le 5 février 1407, le Connétable fonda, par son testament, un chapitre de chanoines dans l'église de Notre-Dame de Clisson, et dota cette petite collégiale de sa terre et baronnie de Montfaucon, ne se réservant pour lui et ses successeurs, que la collation des prébendes et bénéfices; il fonda aussi à Clisson, par un codicille en date du 6, le couvent des Cordeliers.

Le 21 avril 1407, Olivier de Clisson, l'homme de son tems qui avait joui de la plus grande célébrité et possédé les plus grandes richesses, termina, dans son château de Josselin en Bretagne, sa vie agitée et laborieuse. Il était alors brouillé avec le duc Jean V, comme il l'avait été avec son père. Ce ne fut que par l'entremise de plusieurs seigneurs et une forte contribution, que ce duc, qui venait l'assiéger dans Josselin, se détermina à le laisser mourir en paix. Il fut sincèrement regretté de toute la France qu'il avait protégée et sauvée, en continuant l'ouvrage de Duguesclin. Le 30 juillet 1431, le duc de Bretagne, étant au château de Clisson, conclut avec la dame de Thouars, qui s'y était rendue, le mariage de Pierre, son second fils, avec Françoise d'Amboise, La même année, le Duc, qui craignait les entreprises du duc d'Alençon, donna ordre à Jean Labbé, gouverneur des places que le comte d'Estampes possédait dans le Poitou, d'aller avec ses troupes renforcer la garnison de Clisson. En 1435, la comtesse d'Estampes partit de Clisson pour aller visiter le roi Charles VII, qui se trouvait à Poitiers. Peu de jours après, elle revint dans ce château qui était sa résidence ordinaire: car elle et son époux affectionnaient beaucoup cette habitation et ce pays. Le 15 février 1438, Richard de Bretagne, comte d'Estampes, avait célébré à Clisson les noces de sa fille Marguerite avec Guillaume de Châlons, fils de Louis, prince d'Orange; et le 5 juin de la même année, ce seigneur mourut dans ce château. Le Duc lui fit faire des obsèques magnifiques. En 1442, Jean V étant mort, le duc François, son fils, réunit la seigneurie de Clisson au domaine de la couronne ducale. Ce Prince, déchiré par les remords, pour avoir fait périr son frère, Gilles de Bretagne, mourut de chagrin et sans postérité. Le 19 juillet 1450, Pierre, son frère, deuxième du nom, lui ayant succédé, décéda également sans ellfants, le 11 septembre 1457, et le trône échut à son oncle, le célèbre Artur, comte de Richemont, connétable de France, âgé de soixante quatre ans: le règne de ce grand homme ne fut pas long, car il fut empoisonné et mourut le jour de Noël 1458.

François II, comte d'Estampes et de Vertus, son neveu, lui succéda. Ce prince, qui fut le dernier duc souverain de Bretagne, était né au château de Clisson en 1435; il était fils aîné de Richard, comte d'Estampes, frère de Jean V et d'Artur III. Dès qu'il eut apprit la mort d'Artur, il vint en Bretagne, accompagné de Marguerite d'Orléans, sa mère, et fit son entrée solennelle à Rennes, le 3 février 1459. La même année il donna à sa mère la terre de Clisson. En 1463, la reine douairière de France, Marie d'Anjou, mère de Louis XI, envoya à Clisson plusieurs reliques que le Duc lui avait demandées, dans l'intention de favoriser la délivrance de la Duchesse son épouse; elle accoucha heureusement dans ce château, le 29 juin, d'un fils qui fut appelé comte de Montfort, et qui mourut le 25 août suivant. Le duc fit saisir, en 1464, les deniers qu'un certain abbé Chauvet, délégué du pape Pie II, avait levés en Bretagne, en vendant, d'une manière sordide et scandaleuse, des indulgences pour la croisade; il lui fit défense de prêcher davantage, et employa cet argent à réparer le boulevard de Nantes et les fortifications de Clisson. François II se plaisait beaucoup à Clisson, il est probable que l'amour entrait pour quelque chose dans cet attrait; car il avait conçu la plus forte passion pour Antoinette de Villequier, dam de Chollet; c'est sans doute le voisinage de cette ville, et l'espoir de voir, plus facilement l'objet de sa tendresse, qui le ramenèrent si souvent, et tant qu'elle vécut, sur les bords de la Sèvre, à l'extrémité de son duché. Il donna de superbes tournois à Chollet et à Clisson. Les amours du duc étaient trop publiques pour que la Duchesse pût les ignorer; et voyant que sa rivale faisait toujours les plus chères délices de son époux, elle s'abandonna au désespoir et mourut au mois de septembre 1469, accablée des chagrins que lui causa cette injuste préférence. Le duc consentit à contracter un second mariage, et, le 27 juin 1472, on célébra dans la chapelle du château de Clisson, ses fiançailles avec la belle Marguerite de Foix, fille de Gaston le Bon, roi de Navarre, prince de Béarn et comte de Foix.

La dame de Villequier étant morte en 1474, le duc donna la seigneurie de Clisson à François, l'aîné des quatre enfants qu'il avait eu d'elle. Les Etats, assemblés à Vannes, en 1480, voulant faire une chose agréable à leur souverain, lui envoyèrent une députation pour le supplier de créer baron d'Avaugour, première baronnie de Bretagne, François, son fils naturel, seigneur de Clisson, et, en 1485, le duc donna encore au baron d'Avaugour le comté de Vertus. Le duc, pour déjouer les projets de la cour de France sur sa succession, assembla les Etats à Rennes, au mois de février 1485, pour leur déclarer que, s'il venait à décéder sans enfants mâles, il entendait que ses filles, Anne et Isabelle, lui succédas sent au duché, comme à toutes les autres seigneuries qu'il possédait. Les Etats l'adoptèrent et jurèrent de respecter, à cet égard, les intentions du duc François II. Au mois d'octobre de la même année, Charles VIII, ayant appris que le duc était très malade, s'approcha de la Bretagne, dans l'intention de recueillir cet héritage; mais le duc guérit et fut si choqué de la démarche du Roi, que, dès qu'il fut en état d'être transporté, il se rendit à Clisson, pour accélérer sa convalescence; et convoqua auprès de lui, dans cette ville, toute la noblesse du comté Nantais. Pour résister à Charles VIII avec plus d'avantage, il mit dans ses intérêts tous les princes français qui ne pouvaient supporter le pouvoir que Madame de Beaujeu exerçait, comme régente, sur les affaires et sur la personne du Roi, son frère. Le 13 juin 1487, Charles VIII vint mettre le siège devant Nantes; les troupes qui défendaient cette ville, encouragées par la présence des ducs de Bretagne et d'Orléans, du prince d'Orange et du comte de Dunois, forcèrent le Roi à lever le siège le 5 juillet suivant. Mais il n'en poursuivit pas moins le projet qu'il avait formé de se rendre maître de toute la Bretagne. En conséquence, il partit le premier juillet d'Ancenis, où était son quartier général, et vint s'établir à Clisson, place très forte, que l'on regardait comme la clef du duché du côté du Poitou; le baron d'Avaùgour, à qui elle appartenait, n'osa lui en refuser l'entrée; mais il trouva mauvais que le Roi s'en emparât et y mit garnison.

Le mécontentement qu'il en eut le détermina à se retirer auprès du duc, son père; mais il paraît que, par suite d'un arrangement fait avec Charles VIII, il consentit à laisser une garnison française dans le château de Clisson. Le roi, après avoir séjourné quelques jours à Clisson, en partit avec Monsieur et Madame de Beaujeu, pour se rendre à Châteaubriant. La garnison que le roi avait laissée dans Clisson, ne se contenta pas de garder cette place; elle fit encore des courses aux environs et ravagea tout le pays. Pour l'empêcher de s'étendre davantage dans la campagne et arrêter ses exactions et ses brigandages, le duc fut obligé de lui opposer un grand nombre de gens de guerre, commandés par ses meilleurs officiers. La guerre continua de part et d'autre avec vigueur, et, dans une bataille que les Bretons livrèrent aux Français ils perdirent le 28 juillet 1488, le duc d'Orléans et le prince d'Orange qui furent faits prisonniers. Le 9 septembre suivant, le duc François II mourut à Coiron. Il venait de conclure un traité de paix fort désavantageux avec la cour de France. Anne, sa fille aînée, lui succéda et fut reconnue duchesse de Bretagne. Trois factions, qui, pendant sa minorité, prétendaient disposer de sa main, divisèrent encore la Bretagne. Mais la résolution qu'elle prit d'épouser Charles VIII, qui lui faisait vivement la guerre, mit un terme à toutes ces hostilités; et ce mariage, qui opéra la réunion du duché à la France, eut lieu à Langeais le 6 décembre 1491. Le roi se rendit à Nantes avec son épouse, dans le courant d'avril 1492; ils visitèrent le château de Clisson, et, pendant leur sé jour dans ce lieu, ils donnèrent des fêtes aux dames et aux chevaliers qui les accompagnaient, ou qui vinrent les y visiter. Charles VIII, en partant pour sa mémorable expédition de Naples, en 1494, laissa la garde de la Bretagne aux seigneurs de Rohanet d'Avaugour. Le 7 janvier 1499, Louis XII, qui avait succédé à Charles VIII, épousa à Nantes Anne de Bretagne, sa veuve, et à la mort de cette princesse, Louis XII céda le duché de Bretagne à François d'Angoulème, duc de Valois, son gendre; ce prince avait épousé la princesse Claude, héritière de la Bretagne, par la reine Anne, sa mère.

Aussitôt que ce prince eut succédé à Louis XII, sous le nom de François 1er, il se fit confirmer, par son épouse, la do nation de ce duché. En 1532, François 1er donna à Nantes un superbe tournois, et quelques jours après il se rendit à Clisson, accompagné de la reine Eléonore, belle mère du Dauphin. Au milieu des partis qui déchirèrent la France dans la guerre de la Ligue, le château de Clisson tint pour le roi Henri III, et pour son successeur Henri IV. En 1562, un prêche protestant s'était établi dans cette ville, et les calvinistes administrèrent le baptême dans la chapelle de Saint-Gilles à Clisson, dont ils s'étaient emparés, malgré l'Edit de Charles IX qui enjoignait aux ministres de sortir de Bretagne en quinze jours, sous peine d'être pendus, sans autre forme de procès. Charles IX vint à Nantes en 1565, accompagné de sa mère, Catherine de Médicis, alors régente du royaume et d'une nombreuse cour. Ces personnages Visitèrent, en passant, le château de Clisson. En 1588, le duc de Mcrcœur ayant été contraint par le roi Henri IV, de lever le siège de Montaigu, se retira avec précipitation à Clisson. Ce prince, qui était a la tête du parti protestant, vint mettre le siège devant Clisson, mais ayant trouvé cette place beaucoup plus forte qu'il ne l'avait cru, Henri IV s'éloigna de Clisson et se dirigea sur Beauvoir qu'il investit. Il venait de s'emparer de cette place, lorsqu'il apprit le meurtre des Guises au château de Blois. Pour s'assurer la conquête de Clisson, dont il entreprit le siège dans le courant d'octobre 1595, le duc de Mercœur avait traité d'une trêve, mais qui ne fut pas respectée. Henri IV mit enfin un terme à tous ces désordres, par l'acte de pacification conclu avec le duc de Meycœur à Angers, le 20 mars 1598. Ce prince rebelle quitta la France, et la clémence du roi Henri IV acheva d'étoufifer, dans cette province, tous les germes de cette guerre de religion qui l'avaient désolée pendant dix ans.

Il est probable que les Rois de France; Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, à l'exemple de leur prédécesseur, visitèrent le célèbre château de Clisson, pendant le séjour qu'ils firent à Nantes; mais depuis la guerre de la ligue, il n'est plus fait mention de Clisson dans l'histoire de la Bretagne. La paix qui régna dans cette province, où il n'y avait plus de frontières à défendre, dut nécessairement faire perdre au château de Clisson son importance, comme forteresse; et les différentes mutations et divisions que cette seigneurie éprouva pendant près de deux siècles, soit par le fait des successions, soit par celui des ventes volontaires, diminuèrent beaucoup sa valeur et cette terre, jadis considérable, n'était plus que d'un très faible revenu avant la révolution. Cinquante ans avant cette époque, ce château avait été abandonné par la maison de Rohan-Soubise à qui il appartenait: tous les meuble furent vendus en 1746, et les archives transportées ailleurs. On avait quelque tems avant cet abandon, fait construire dans l'intérieur dit château, de très beaux bâtiments dont on voit encore les ruines. Lorsque le prince de Soubise eut renoncé à habiter cet château, tous les logements furent donnés à divers particuliers, et occupés jusqu'à la guerre et l'incendie de 1793. C'est à cette époque que le [gouvernement confisqua cette propriété sur les enfants de la princesse de Condé qui, à ce qu'il paraît, avaient hérité de ce château et d'une partie de cette terre, du prince de Rohan-Soubise leur aïeul. En 1792, quelques soulèvements, précurseurs de l'insurrection qui éclata l'année suivante, avaient déjà annoncé un grand mécontentement parmi les habitants de ces campagnes; et le 11 mars 1793, des paysans insurgés, au nombre de 4000, armés de bâtons, de fourches et de quelques fusils de chasse, se portèrent sur Clisson; mais ils furent arrêtés dans leur marche tumultueuse entre le village de Gorge et Clisson et repoussés avec perte de sept hommes, par soixante-six gardes nationaux de cette ville.

Le 16 septembre 1795, l'armée de Mayence ayant forcé Montaigu, se porta le 17 sur Clisson où les débris de l'armée, battu la veille, s'était retirés. Les Mayençais s'étant emparés de vive force du château, l'armée ennemie, encore en désordre, repassa promptement la Sèvre, s'arrêta à Tiffanges, pour recevoir des renforts et combattre ces troupes aguerries et terribles, qui n'avaient jusque là trouvé aucun obstacle à leur marche rapide. Le quartier général de l'armée de Mayence fut établi dans le château de Clisson, et le gros de l'armée campa dans la plaine. Les soldats de l'armée de Mayence, en évacuant Clisson, mirent le feu au château; l'hôpital et plusieurs maisons particulières furent incendiés ce jour-là. Depuis cette époque, jusqu'à la fin de la guerre, toutes les troupes des deux partis qui occupèrent ou traversèrent cette ville, y brûlèrent plus ou moins de maisons; de sorte qu'aucune n'est demeurée intacte, à l'exception seulement de la toiture de là halle, que les soldats des différentes armées conservèrent, parce qu'elle leur servait d'abri. Cette terrible guerre civile, où des deux côtés les lois de la guerre furent si souvent méconnues, et l'humanité si cruellement outragée, ne fut entièrement pacifiée, que lorsque le héros qui règne aujourd'hui sur l'Europe, prit les rênes du gouvernement: à sa voix, la discorde éteignit ses torches incendiaires, cessa ses épouvantables ravages, et toutes les calamités qui avaient désolé ce malheureux pays, disparurent pour toujours. (1)

Éléments protégés MH : les restes du château : classement par décret du 13 août 1924. Les éléments suivants des remparts : le bastion sud-est de la fin du XVIe siècle, le bastion sud de la fin du XVIe siècle, le rempart de liaison entre les bastions sud et sud-est, la tour médiévale de l'ancienne enceinte de la ville, la tour ronde de l'ancienne enceinte de la ville dite "cul chaud", les terrains d'assiette du système de défense entre le château médiéval et les deux bastions sud de la fin du XVIe siècle, les douves nord du château, le pont maçonné reliant la rue du Château au château, les terrains d'assiette des douves ouest du château, les sols nus des fossés (glacis de protection avancés sous les bastions) : inscription par arrêté du 30 août 2004. (2)

château-fort de Clisson 44190 Clisson, tél. 02 40 54 02 22, ouvert au public de 11h à 18h30 du 1er mai, visite commentée tous les après midi sauf le mardi à 14h 30, en hiver du 1er octobre au 30 avril 14h à 17h 30 sauf le mardi. Visitez le site du château de Clisson : http://www.valleedeclisson.fr

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(1)     Notice historique sur la ville et le château de Clisson, par François-Frédéric Lemot: impr. de Hocquet, Paris (1812)
(2)  
   source :  https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/

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(IMH) = château inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, (MH) = château classé Monument Historique
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