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Le château, autour duquel s'est formée l'agglomération qui est devenue un
gros bourg, s'appela primitivement Château Neuf (Castrum Novum suprà Ligerim).
Cette dénomination laisserait croire que ce château fut le dernier ou un des
derniers construits dans le comté d'Auvergne. Sa position en effet paraît
moins importante que celle des autres, dans la ligne de circonvallation
destinée à protéger la capitale, Vic-le-Comte. De ce côté, le comté était
protégé par une barrière naturelle, la rivière d'Allier. Sur un de ses
points, le plus facile à franchir à gué, avait été construit, tout près de
la rivière, le petit château de Dieu-Y-Soit. Mais au cas où ce gué, aurait
été franchi, il était bon qu'un second obstacle fût opposé à l'ennemi. C'est
probablement la raison qui détermina la construction de Château neuf, un peu
en amont de Dieu-Y-Soit, sur le premier plateau qui dominait en promontoire
la vallée de l'Allier, par laquelle l'ennemi devait remonter pour se diriger
sur Vic-le-Comte. Ce château se trouvait aussi au point de départ de deux
autres chemins qui aboutissaient à Vic-le-Comte, l'un par Saint-Maurice,
l'autre par Busséol. Sa position stratégique était tout naturellement
indiquée. Mais en érigeant cette construction féodale, les comtes ne furent
pas seulement préoccupés par l'idée de fortifier leur ligne de défense. Ils
voulurent se ménager une habitation confortable en dehors de leur capitale.
Tout les y invitait: site merveilleux, climat très doux, productions riches
et variées, accès facile. Aussi ne dirons-nous pas de Châteauneuf, comme de
Buron, Busséol et Crains, qu'il était simplement une construction militaire,
une sorte de camp fortifié sans appartements habitables; l'histoire nous
apprend que c'était un grand et beau manoir où les comtes se plurent à
séjourner. Le peu qui reste des constructions ne nous permet ni une étude
archéologique ni même de nous faire une idée quelconque de l'ensemble.
Le plan par terre est complètement effacé par l'aménagement des maisons
modernes. Un pan de mur, percé de quelques oeils de boeuf, nous donne une
idée du genre de maçonnerie. C'est le même qu'on trouve dans nos autres
châteaux: gros moellon en basalte, ciment à chaux du pays et à gros sable,
angles en granit ou grès taillé, épaisseur des murs un peu moindre qu'à
Buron et Busséol. D'après les dessins, très peu exacts d'ailleurs, qui sont
conservés à la bibliothèque de l'Arsenal, notre château aurait été peut-être
le plus vaste de tous ceux du comté, sauf celui de Vic-le-Comte; on y voit
six tours rondes, dont une plus grande qui devait être le donjon; on
remarque, dans les courtines, des ouvertures carrées à meneaux, destinées à
donner du jour dans les appartements, mais il est à croire que des fenêtres
plus grandes s'ouvraient sur les cours intérieures. La partie du bourg
attenante au château fut entourée d'une enceinte, dans laquelle s'ouvraient
trois portes praticables aux voitures. Ces portes existaient encore avec
leurs serrures en 1653. On les appelait la porte Godel, la porte de PEspinet
et la grande porte de la Place. Une autre petite porte praticable seulement
aux piétons s'appelait porte du Guichet ou porte Saint-Esprit. C'est sans
doute cette circonstance de localité fermée, qui fit donner assez
fréquemment à ce bourg le nom de ville, que nous trouvons jusqu'au XIXe
siècle. Le nom de Châteauneuf disparut en 1470 pour faire place à celui de
Mirefleurs.
Voici les lettres patentes du roi Louis XI qui ordonnèrent ce changement: "Loys
par la grâce de Dieu Roy de France, a tous ceux qui ces présentes Lettres
verront salut. Savoir faisons qu'à la requeste de nostre chier et amé cousin
le comte de Boulogne et d'Auvergne, sire de Chasteau Neuf, assis en ladite
comté d'Auvergne, Nous avons voulu et ordonné, voulons et ordonnons, par les
présentes, que ledit lieu de Chasteau Neuf soit appelé dores en avant le
chastel et place de Mirefleur et non autrement, et donnons en mandement à
tousles justiciers et officiers de nostre royaume ou à leurs lieux tenans,
et à chascun d'eux sur ce requis, et comme à lui appartiendra, que nostre
présente volonté et ordonnance ils signifient et publient ou facent
signifier et publier à son de trompe et ery publique par toutes les villes
et lieux que mestier sera, et dont ils seront requis, en deffendant de par
nous à tous nos subjects que dores en avant ils appellent ou nomment ledit
chastel et place autrement que Mirefieur. Donné à Amboise, le XVe jour de
décembre l'an de grâce mil CCCC, soixante et dix et de nostre règne le
dixième. Par le Roi, le sire de la Forest et autres présents. J. Leclerc".
Le comte, qui avait demandé au roi ce changement de nom, était Bertrand VII
de la Tour. Malgré la défense royale d'appeler ce lieu autrement que
Mirefleurs, nous trouvons certaines chartes émanées des comtes d'Auvergne,
après 1470, où se trouve encore le nom de Château neuf. Il faut croire que
c'était seulement en vertu de l'habitude. On ne peut penser en effet qu'ils
aient voulu protester contre la fantaisie de leur prédécesseur. Au temps de
la Ligue, Mirefleurs, qui tenait pour le roi, fut inquiété par l'armée du
comte de Randan, en 1589, et pris par celle du duc de Nemours en 1591. Le
sénéchal d'Auvergne, Jean de Laqueuille dit de Fleurât, prévenu du danger,
avait fait envoyer de la poudre à la garnison qui défendait le château, mais
ce secours arriva trop tard.
Dans l'assemblée des habitants de Clermont, le 3 juillet 1591, les échevins
annoncèrent le coup de main accompli par les Ligueurs: "Sur ce que lesdits
sieurs eschevins ont exposé que M. de Fleurât, ayant heu advertissement que
le chasteau de Mirefleurs avoit esté surprins ces jours passés par, les
ennemys du Roi, à la réquisition dudit sieurr de Fleurât, ils luy avoient
faict bailler et deslivrer certaine quantité de pouldre, afin de donner
secours à ceulx qui estoient dans le chasteau dudit Mirefleurs, laquelle
pouldre avoit esté rendue fors la quantité de deux livres". Nos documents
n'indiquent pas les circonstances de ce coup de main; niais on peut bien
croire qu'il fut la conséquence de l'incurie du comte d'Auvergne, Charles de
Valois, qui ne prit aucun soin de défendre son comté contre les Ligueurs.
Pris au commencement de juillet 1591, Mirefleurs dut rester au pouvoir du
duc de Nemours jusqu'au mois d'octobre, époque où il consentit à sortir de
la province, moyennant la grosse rançon que lui payèrent les habitants de
Vic-le-Comte. Le château de Mirefleurs trouva grâce devant le zèle
destructeur de Richelieu. Il n'avait d'ailleurs jamais été signalé ni par
Marguerite de Valois ni par Jehan de Vernyes comme un repaire dangereux. Il
resta donc debout, plus ou moins entretenu, jusqu'à la Révolution. Il parait
qu'à cette époque, la vue de ses vieilles tours troubla le sommeil des
Jacobins de l'endroit et excita leurs haines anti-féodales, ils prononcèrent
contre lui l'arrêt fatal et entreprirent sa démolition. C'est au moins ce
qui résulte d'une lettre adressée à la municipalité, le 3 février 1793, par
Çhauty, procureur général. Il venait d'apprendre, disait-il, que depuis une
quinzaine de jours des particuliers de la commune étaient occupés à détruire
le château. Il lui paraissait incroyable que la municipalité tolérât ce
brigandage et s'en rendît complice en ne s'y opposant pas. Il envoyait un
gendarme national, porteur de sa lettre et chargé de lui rapporter la
réponse de la municipalité. Si la dénonciation faite au département se
trouvait vraie, il menaçait de prendre immédiatement des mesures de
répression. Nous ignorons ce qu'il advint; mais si le château était déjà par
terre, les présures les plus immédiates et les plus sévères n'étaient pas
capables de le relever.
La seigneurie de Mirefleurs ne sortit jamais du domaine des comtes
d'Auvergne. Il ne faut donc pas lui chercher d'autres propriétaires que les
nombreux personnages, dont Baluze a donné la chronologie dans l'Histoire
généalogique de la Maison d'Auvergne. Mais parmi ces personnages, il en est
dont l'histoire se rattache plus spécialement à celle de Mirefleurs. Ce
sont, les seuls que nous avons à nommer. Le site merveilleux de Mirefleurs,
le confort et les agréments de son château décidèrent plusieurs comtes
d'Auvergne à établir le douaire de leur femme sur cette seigneurie. Par un
premier testament de l'année 1264, Robert V donna le château de Châteauneuf
(Mirefleurs) à sa femme Héléonore de Bafiie. Mais réfléchissant sans doute
que cette donation pure et simple pourrait détacher du comté son plus beau
fleuron, il fit un second testament par lequel il lui donnait seulement la
jouissance sa vie durant. L'acte est daté de Chargnat, aux Ides de janvier
1276. Robert VI donna à Béatrix de Montgascon, sa femme, la jouissance, sa
vie durant, des châteaux de Châteauneuf (Mirefleurs), Busséol, Coppel et la
Roche, par son testament du 12 des calendes de mai 1314. Jean III fit deux
donations entre vifs à sa femme, Jeanne de Bourbon, jadis veuve de Jean duc
de Bourbon. L'objet de ces donations était Mirefleurs, mais l'une était
conditionnelle, tandis que l'autre était absolue. Par la première, passée au
château de Saint-Saturnin, le 18 août 1496, en présence d'Anne de la Pauze,
écuyer, seigneur dudit lieu, et de Jehan du Rif, écuyer, seigneur de la Tour
Fondue, le comte donnait à sa femme, en témoignage d'affection, le château
de Chastelleneuf, terre, mandement, justice, seigneurie, cens, rentes,
droits, prairies, bois, garennes et domaines de Mirefleurs avec toutes les
appartenances, y compris la maison de Dieu-Y-Soit, dont il la fait dame pour
en jouir perpétuellement, aux conditions suivantes: si le comte meurt le
premier sans laisser de descendance de leur mariage, la donation est absolue
pour elle et ses héritiers; si au contraire la comtesse meurt la première,
ou si mourant la dernière, elle laisse des enfants de leur mariage, les
objets donnés reviendront au comte ou aux enfants.
Ces conditions pourraient laisser croire qu'il n'y avait pas encore
d'enfants issus de leur mariage. Ce serait une erreur. Il était né deux
filles, Anne de Boulogne, qui épousa Jean Stuart, duc d'Albanie, et
Magdelaine de la Tour, qui épousa Laurent de Médicis, duc d'Urbin. Les
conditions exprimées ne faisaient donc que prévoir le cas où ces enfants
mourraient avant leurs parents. Cette donation faite, le comte et la
comtesse pensèrent à agrandir le domaine de Mirefleurs. Le comte Bertrand
VII, père du comte Jean, avait donné, "à titre emphytéotique, à l'abbaye du
Bouchet ou Valluisant, moyennant un cens de 10 livres tournois, 10 sextiers
de froment et 10 gélines, le lieu et tenement de Belle-Ribe (Belle-Rive près
du pont de Cournon), assis et situé dans les fins et limites de la justice
et seigneurie de Mirefleurs, joignant à la rivière d'Allier d'une part et au
bois et terres de Monditseigneur, appelés de Dieu-Y-Soit, d'autre part, avec
ses autres limites et confinations, soient hostels, granges, champs, prés,
pasturages et autres droits et appartenances quelconques". Le comte et la
comtesse désirant rentrer dans la jouissance de ce domaine firent proposer
un accord à l'abbé et aux religieux du Bouchet. Ceux-ci s'y prêtèrent
volontiers, sachant que leur abbaye avait été fondée et dotée par les comtes
d'Auvergne. Une procuration pour traiter fut signée au Bouchet, le 20
octobre 1496, par l'abbé Thibauld de la Tour, et les religieux déléguant
leurs pouvoirs à frère Jean Chassaignes, moine du couvent. Et le 24 du même
mois, fut passé le contrat, l'abbaye rétrocédait Belle-Rive au comte, et
celui-ci s'engageait à lui payer à perpétuité un cens annuel de 10 livres
tournois, 10 sextiers de froment et 10 gélihes par le ministère de ses
receveurs de Vic-le-Comte.
La seigneurie de Mirefleurs ainsi rétablie dans son entité première, le
comte procéda à une nouvelle donation. Par acte passé au château de
Mirefleurs, le samedi 14 octobre 1497, en présence d'Anne Chambon, licencié
en lois, avocat au bailliage de Montferrand, d'Antoine Mascle, notaire et
praticien audit Mirefleurs, il donna à Jeanne de Bourbon, sa femme, le lieu,
chastel, seigneurie, terre, mandement, juridiction, justice haute, moyenne
et basse, bailliage, ressort, cens, rentes, dîmes, fiefs, arrière-fiefs,
charrois, corvées, manoeuvres, ports, passage, prairies, garennes, terres,
vignes, jardins, sauzées, cannes, pêcheries, moulins, domaines, maisons,
granges, colombiers et autres édifices, droits, devoirs, appartenances et
départenances de Mirefleurs et de la maison nommée Dieu-Y-Soit, se réservant
l'usufruit, sa vie durant. Jeanne de Bourbon devint donc dame de Mirefleurs
après la mort de son mari, le comte Jean III. Jean Stuart, duc d'Albanie,
comte de la Marche, devenu comte d'Auvergne par son mariage avec Anne de
Boulogne, paraît avoir particulièrement affectionné son château de
Mirefleurs. Jean d'Albanie ayant fait cession de ses droits sur le comté
d'Auvergne à sa nièce, le roi, en qualité de père et administrateur des
biens de Monseigneur Henri, duc d'Orléans, et de Madame d'Orléans, sa
consorte, envoya Charles du Plessis, seigneur de Savonnière, son conseiller
et maître d'hôtel, pour prendre possession. Le 5 mars 1535, eut lieu la
livraison des clefs du château de Mirefleurs. La cérémonie fut solennelle.
Par devant Jean Duchassaing et Guillaume de la Mote, notaires à Vic, nobles
hommes François de la Guesle, écuyer, seigneur de la Chaux-Montgros,
capitaine des châteaux de Mirefleurs et de Busséol, et Mathieu de Faye,
seigneur de Marrol et Bessat, procureurs du duc d'Albanie, remettent les
clefs du château de Mirefleurs à Charles du Plessis, sous les protestations
contenues en leur procuration, et ledit du Plessis remet ces clefs aux mains
de M. de la Guesle, lui ordonnant et enjoignant de garder fidèlement les
châteaux de Mirefleurs et de Busséol au nom du roi. Le 4 mai 1535, Charles
du Plessis prenait possession des châteaux de Vic, Mirefleurs et autres. Le
lendemain on dressait le procès verbal d'apposition de deux serrures neuves
à la porte des archives du château de Mirefleurs. Le château avait donc son
trésor des chartes distinct de celui du comté, qui était d'abord à
Vic-le-Comte et ensuite à Mercurol. Jean d'Albanie mourut au château de
Mirefleurs en 1536, et fut inhumé dans la Sainte-Chapelle du Palais de
Vic-le-Comte, construite par lui.
Nous connaissons quelques-uns des capitaines préposés à la garde du château
de Mirefleurs. En 1423, lorsque Rogerin le Vavasseur, huissier de la cour de
Poitiers, vint signifier les lettres royales destinées à mettre fin au
litige existant entre Georges de la Trémouille et Marie de Boulogne, à
propos du droit de propriété sur lé comté d'Auvergne, le château de
Mirefleurs, occupé par une garnison, était commandé par Pierre de la Lande,
lieutenant du capitaine, qui était absent. François de la Guesle, écuyer,
seigneur de la Chaux-Montgros, fut capitaine du château de Mirefleurs pour
le duc d'Albanie, et après lui, pour Catherine de Médicis. Il était en même
temps capitaine de Busséol. Robert de la Guesle, seigneur de Belle-Rive,
avait la garde des châteaux de Vic et de Mirefleurs vers 1540-1545. Noble
Gilbert du Lac, seigneur de Jarlhat, la Rouveyre, Enval, Benaud et Lissac,
était capitaine de Mirefleurs et de Busséol en 1583. Noble Jean du Chassaing,
sieur du Colombier, était gouverneur et capitaine du lieu et château de
Mirefleurs en 1609. Il fut ensuite capitaine du château de Busséol. Pierre
de Bajohet, sieur de la Bourhaye, fut capitaine de Mirefleurs pendant de
longues années, probablement de 1625 à 1660. Le 2 mars 1515, plusieurs
habitants de Saint-Maurice, se reconnaissant hommes, sujets et justiciables
dû comte d'Auvergne, déclarèrent qu'ils étaient tenus au service du guet et
capitainage en son château de Mirefleurs. Il y a là un petit problème.
Depuis l'année 1352, Saint-Maurice relevait du comté pour la haute justice,
et de l'abbaye de Mànglieu pour la moyenne et basse justice; mais il ne fut
jamais dans le ressort judiciaire de Mirefleurs autrement que pour certains
appels; et il aurait dû rendre le service du guet et capitainage au château
de Vic-le-Comte. C'est donc en vertu d'un accord avec le comte que ce
service fut réservé au château de Mirefleurs; et la raison doit en être que
le ressort judiciaire de Mirefleurs étant peu étendu, la garnison du château
en temps de guerre eut été insuffisante, si on n'avait pu disposer que des
justiciables du ressort. (1)
château de Mirefleurs 63730 Mirefleurs, propriété privée, ne se visite pas,
peu visible de l'extérieur. Il présente une grande enceinte avec une
grosse tour circulaire. La place était commandée par un donjon cylindrique
et renforcée de cinq flanquements circulaires.
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