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Ce domaine est désigné dans les archives de l'archevêché
de Rouen, sous le nom de Mespiletum. En latin mespilum est une nèfle ou
mesle et mespiletum est un lieu planté de néfliers. Ce mot se traduit donc
bien par meslerée d où vient par corruption Mailleraye. Dès 1403, cette
terre appartenait à l'antique et chevaleresque maison de Moÿ, qui porte de
gueules fretté d'or, et compte parmi ses membres quatre croisés, sept
sénéchaux de Vermandois, cinq gouverneurs de Saint-Quentin, deux grands
baillis de Rouen et du Cotentin, un bailli de Tournaisis, plusieurs
lieutenants généraux au gouvernement de Normandie, quatre grands maîtres des
eaux et forêts de Normandie et de Picardie, deux vice-amiraux de France,
plusieurs maîtres des arbalétrier, un grand nombre de capitaines de cent et
de cent cinquante hommes d'armes, des chambellans, gentilshommes de la
chambre, écuyers et pages du roi, quatre chevaliers de l'ordre de
Saint-Michel dès les premiers temps de sa création, quatre chevaliers du
Saint-Esprit, des chevaliers de Saint-Louis, un chanoine official de
l'église de Beauvais en 1190, un archevêque de Rouen (Jean de Moüy au XIIIe
siècle), six députés de la noblesse aux États généraux de 1789, un grand
officier de la Légion d'honneur, etc. Le nom de cette famille s'écrit
indifféremment de Moÿ ou de Moüy et se prononce conformément à la seconde de
ces deux orthographes. Ce nom, elle l'emprunte à son berceau,
Moÿ-en-Vermandois, mais elle l'a donné à Moüy-en-Beauvaisis, qu'elle a
fondé. C'est aussi celui de petits fiefs, dont trois étaient situés dans la
Haute-Normandie.
Le premier était précisément une dépendance de La Mailleraye. Auguste
Guilmeth rapporte son érection en plein fief de haubert par Henri III, en
1585, en faveur de Jean de Moÿ. Le second fief normand était une défalcation
de Charlemesnil, près Anneville, dans le canton de Longueville. Les de Moy
recueillirent Charlemesnil dans la succession des Estouteville, et ce petit
fief fut plus tard joint à Miromesnil, lors de l'érection de cette terre en
marquisat pour la famille de Miromesnil. Enfin le troisième fief normand de
Moÿ était une défalcation de la forêt de Lyons. Il avait été créé pour la
branche de Moÿ-Richebourg. La maison de Moy a possédé dans la
Seine-Inférieure, outre La Mailleraye: Bellencombre, Bosc-Hyon, Charlemesnil,
Pierrecourt et Richebourg. Une de ses branches cadettes, séparée dès le XIIe
siècle, et qui avait fondé Moüy-en-Beauvaisis, était venue s'installer dans
les pays de Bray et de Caux, où elle s'est éteinte quelque temps après. Elle
portait un sautoir au lieu du fretté des autres branches. En 1418, les Moÿ
de La Mailleraye se virent spoliés par l'invasion anglaise. Plus de trente
ans après, cette terre, arrachée aux mains de l'étranger, retourna à ses
légitimes propriétaires, dont le nom brilla dès lors avec plus d'éclat que
jamais. Nicolas de Moÿ de la Mailleraye, prit part à la campagne qui remit
la France en possession de la Normandie et fut nommé par Charles VII
gouverneur d'Harfleur après la reprise de cette ville. Jean de Moÿ fut tué à
la bataille de Marignan en 1514.
Charles de Moÿ, gentilhomme de la chambre du roi, vice-amiral de France, fut
nommé à la capitainerie du gouvernement du Havre-de-Grâce en 1528. Troisième
titulaire de cette charge, il succédait à Jean du Bec, seigneur de Bourry,
qui l'avait exercée quelques mois à peine, après avoir placé lui-même Guyon
Le Roy, sieur du Chillou, vice-amiral de France, chargé de la construction
de cette place conformément aux instructions de François 1er. L'œuvre
entreprise par du Chillou était loin d'être terminée lorsque François 1er en
remit l'achèvement aux mains de Moÿ-la-Mailleraye, et c'était une des plus
grandes preuves de confiance qu'il pouvait lui donner, car il regardait la
fondation de ce port comme une des gloires de son règne. Charles de Moÿ
démissionna de ses fonctions le 15 juillet 1560, après 32 ans pendant
lesquels il avait fait exécuter de grands travaux. C'est lui qui exhaussa la
grosse tour de l'entrée du port, munit de six canons en fonte de fer, dont
trois provenant d'Harfleur, acheva le quai de l'avant-port, fit construire
les ponts qui joignaient le quartier Notre-Dame à celui des Barres et ce
dernier à la plaine de Percanville et de l'Eure, etc. Lors de la démolition
de la grosse tour on découvrit une pierre qui représentait les armes de Moÿ
écartelées d'Estouteville (burelé d'argent et de gueules au lion de sable
armé, lampassé et couronné d'or, brochant sur le tout). C'était du chef de
sa mère, née d'Estouteville, que le gouverneur du Havre écartelait ainsi.
Charles de Moÿ avait été aussi gouverneur de Honfleur. Antoine de Moÿ, un de
ses petits-fils, remplit également ces fonctions. Jean, fils aîné de
Charles, fut après lui seigneur de la Mailleraye et vice-amiral de France.
Lieutenant pour le roi au bailliage de Caux, il reçut au mois d'octobre 1567
commission de Sa Majesté d'aller prêter main-forte à M. de Sigogne,
gouverneur de Dieppe, à l'occasion des troubles dans cette ville pour les
affaires de religion. On trouve dans les Antiquités et chroniques de la
ville de Dieppe, par David Asseline, des détails sur le rôle qu'il joua en
cette constance. C'est en sa faveur que Henri III, par lettres patentes
d'avril 1585 créa, à titre de récompense militaire, un plein fief de
haubert, dit de Moÿ, composé de plusieurs parties de la forêt de Brotonne.
Charles et Jean de Moÿ, en leur qualité de vice-amiraux, avaient droit à un
salut naval de deux coups de canon qui était rendu par le château de la
Mailleraye. L'usage de ce salut se perpétua sous leurs successeurs, et
également après la révolution de juillet quelques navires s'y conformèrent
encore. Louis de Moÿ, neveu de Jean, obtint la première érection de la
Mailleraye en marquisat par lettres patentes du Roi Louis XIII, dont
l'original a été déposé aux Archives nationales. Cette pièce ne porte pas de
date, mais elle paraît être de 1636 et en tout cas on doit la placer entre
1633, où Louis de Moÿ fut créé chevalier des ordres du roi, et 1687, où il
mourut d'apoplexie. Par lettres patentes de Louis XIV datées de décembre
1653, La Mailleraye fut érigée une deuxième fois en marquisat en faveur de
Louis de Bretel de Grimonville, successeur des de Moÿ.
Louis de Grimonville étant mort sans postérité, sa terre fut d'abord
divisée, puis en 1691 vendue par les héritiers à Angélique Fabert, fille du
célébré maréchal Fabert, et femme de François d'Harcourt, marquis de
Beuvron, lieutenant général. Madame d'Harcourt demanda le rétablissement du
marquisat de La Mailleraye, ce qui lui fut accordé par lettres patentes du
mois d'avril 1698. Les familles de Nagu et de Mortemart ont ensuite possédé
cette châtellenie, et plusieurs de leurs membres ont été ensevelis dans le
caveau de la chapelle consacrée le 24 août 1585 par Jean Lesseley, évêque de
Ross en Écosse et vicaire général de Rouen. Parmi eux se trouve la marquise
de Nagu, qui a laissé dans le pays un renom d'inépuisable charité. Au nombre
des hôtes de La Mailleraye, on cite des rois de France comme Charles VII,
Louis XI, François 1er, Louis XVI; des princesses, comme les duchesses
d'Angoulême et de Berry, des femmes célèbres à divers titres comme Louise de
La Vallière, qui aima Louis XIV, et Françoise de La Live, comtesse de
Houdetot, qui fut aimée du philosophe Jean-Jacques Rousseau. N'oublions pas
un illustre étranger, Richard Nevil, comte de Warwick, surnommé le faiseur
de rois. Celui qui nourrissait journellement dans ses terres jusqu'à trente
mille personnes, et dont les vassaux et les amis, quand il tenait maison à
Londres, consommaient six bœufs par repas, vint en 1470 demander
l'hospitalité au châtelain de la Mailleraye.
Le château était vaste, mais irrégulier. C'était un assemblage un peu
hétéroclite de bâtiments de divers styles, dont le principal avait été
terminé par Charles de Moÿ sous le règne de Henri II. Mais, d'après les
souvenirs de ceux qui ont pu l'admirer, ce qui charmait surtout les regards,
c'était le parc planté dans le goût d'André Le Notre, les nombreuses
fabriques du jardin anglais, la ferme pittoresquement située au milieu des
hautes futaies, la ménagerie d'oiseaux aquatiques, l'hernutage, le
colombier, le parasol et surtout le pavillon oriental bâti sur un tertre
d'ou l'œil apercevait le paysage d'alentour et, dominant la verdure, les
tours blanches de l'abbaye de Jumièges. (1)
Éléments protégés MH : la chapelle du château de La Mailleraye : inscription
par arrêté du 20 février 1947 (2)
château de La
Mailleraye 76940 La Mailleraye-sur-Seine, propriété privée, ne se visite
pas. Il subsiste le pigeonnier polygonal en maçonnerie, les communs, les
terrasses et la chapelle.
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