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Fontainebleau est un lieu assis dans la
forêt de Bière, en une plaine, fermé de divers coteaux, rochers et montagnes
couvertes de bois de haute futaie. "Anciennement c'était un vieil bâtiment
où les rois par quelques fois se retiraient comme en lieu solitaire. Les
anciens récitent qu'en ce lieu y avait une grosse tour, où de présent et sur
les fondements d'icelle est la chapelle, prochaine de la grande salle de
bal, et s'est on servi d'aucuns vieils fondements. La plus grande partie du
logis est bâtie de grès avec brique, principalement la basse cour, laquelle
en grandeur excède toutes autres cours des bâtiments royaux. En la seconde
cour y a source de fontaine, et se dict que c'est la plus belle eau de
source qui se voie guère, et que par ce on l'appelait Belle-eau, maintenant
Fontainebleau. Le feu roi François 1er qui le fit bâtir, s'y aimait
merveilleusement, de sorte que la plus grande partie du temps il s'y tenait,
et l'a enrichi de toutes sortes de commodités, avec les galeries, salles,
chambres, étuves et autres membres, le tout embelly de toutes sortes
d'histoires tant peintes que de relief, faites par les plus excellents
maîtres que le Roi pouvait recouvrer tant de France que d'Italie, d'où il a
fait venir aussi plusieurs belles pièces antiques. En somme que tout ce que
le Roi pouvait recouvrer d'excellent c'était pour son Fontainebleau, où il
se plaisait tant que, y voulant aller, il disait qu'il allait chez soi. Mais
depuis la mort du feu roi François le lieu n'a pas été si habité ni
fréquenté qui sera cause qu'il ira avec le temps en ruines comme font
beaucoup d'autres places que j'ai vues faute de n'y habiter". A cette courte
description que l'architecte Androuet du Cerceau consacre à Fontainebleau en
son livre 'Des plus excellents bâtiments de France (1579)", nous ajouterons
que le château, un peu abandonné sous les trois derniers Valois, reprit tout
son éclat avec Henri IV; que sous les Bourbons il fut constamment l'un des
séjours réguliers de la cour; et qu'au XIXe siècle il n'a jamais cessé
d'être une des résidences des maîtres de la France. Nous avons déjà le
résumé de sa longue histoire.
Cette histoire remonte au XIIe siècle, au roi Robert le Pieux, fondateur
probable du château. Plusieurs édits de Louis VII sont datés de
Fontainebleau. Ce prince aimait ce manoir retiré. Il y fonda une chapelle
consacrée, sous l'invocation de saint Saturnin, par l'archevêque de
Cantorbéry, Thomas Becket. Philippe-Auguste habita souvent Fontainebleau. Il
y signa de nombreux édits, parmi lesquels on peut citer celui de 1186,
attribuant aux pauvres et aux malades de l'Hôtel-Dieu de Nemours tout le
pain qui resterait de sa table pendant les séjours à Fontainebleau. En 1191,
à son retour de la Palestine, il passa dans ce château les fêtes de Noël.
Louis IX se réfugiait souvent dans "ses déserts" de Fontainebleau, où il fit
bâtir un donjon, la chapelle de la Trinité et un hôpital, entretenu aux
liais du trésor royal. Joinville raconte que ce roi étant tombé gravement
malade à Fontainebleau fit venir son fils aîné et lui adressa ces touchantes
paroles: "Biau fils, je te prie que tu te fasses aimer au peuple de ton
royaume; car vraiment je aimerais mieux qu'un Escot venist d'Ecosse, ou
quelque autre loingtain étranger et gouvernast le peuple du royaume bien et
loyalement, que tu le gouvernasses mal à poinct et en reproche". Philippe le
Bel naquit et mourut à Fontainebleau. Ce prince chassait le cerf aux
environs de. Corbeil. Son cheval le jeta contre un arbre, et ce choc le
blessa mortellement. Il demanda à être porté en son manoir de Fontainebleau,
y languit quelques jours, reçut les derniers sacrements "et puis, dit la
Chronique des Flandres, mourut le beau roi Philippe au château de
Fontainebleau. On a quelques traces d'un séjour de Charles IV le Bel au
château où le vint trouver sa sœur, Ysabeau de France, reine d'Angleterre et
femme d'Edouard II. Cette princesse avait à se plaindre de son mari et
venait demander protection à son frère.
De cette époque jusqu'au règne de François 1er la tradition n'a rien
conservé. A cette résidence, perdue au milieu des bois, nos rois préfèrent
tantôt Vincennes ou Saint-Germain, plus proches de Paris, tantôt les
châteaux des bords de la Loire, si chers aux princes Valois. A peine sait-on
que Charles V y fonda une bibliothèque, augmentée par Louis XI et transférée
à Blois par Louis XII, que Charles VII y fit peindre à fresque l'histoire de
ses victoires. Ce vieux manoir était probablement fort délabré quand un
caprice de François 1er en fit un palais merveilleux. Le vieux château se
dressait sur l'emplacement de la cour ovale. Le plan de cette partie du
palais neuf est sensiblement le même que celui de la forteresse primitive.
Le pavillon de Saint-Louis a remplacé le donjon; la porte Dorée, les
chapelles haute et basse, le pavillon des Dauphins, celui des Chasses, le
portique de Serlio, s'élèvent sur le terrain et peut-être sur les fondations
des tours qui flanquaient l'enceinte. La cour de la Fontaine était occupée
par les bâtiments accessoires nécessaires à toute demeure féodale: logis des
gens d'armes et des valets, paneterie, pressoir, fauconnerie et chenil. Un
fossé alimenté par les eaux de l'étang ceignait la maison royale et ses
dépendances. En somme le château, avant sa transformation, était une
forteresse de moyenne grandeur, avec donjon, tours, tourelles et
mâchicoulis, comme il y en avait tant d'autres en France à cette époque.
C'était une maison de plaisance des rois, non pas une de leurs résidences
coutumières. Rien ne recommandait cette demeure à François 1er. Les hasards
de la chasse ou des voyages de la cour l'y amenèrent un jour. Le site lui
plut. Mais il ne fit d'abord dans le château de Fontainebleau que des
travaux de réparations et d'aménagement. Il y amena cependant les artistes
appelés d'Italie dès le début de son règne. Léonard de Vinci y fit quelques
séjours de 1515 à 1518. Mais depuis longtemps malade il n'exécuta pas de
travaux spéciaux pour le palais.
Vasari raconte qu'il s'éteignit entre les bras de François 1er. Le fait est
contesté. Il est d'ailleurs certain que Léonard ne mourut pas à
Fontainebleau. Un an avant la mort de Léonard, François 1er avait appelé en
France Andréa Vannucchi, dit Andréa del Sarto (1518). Ce maître peignit pour
Fontainebleau la Madone et l'admirable Charité qui sont aujourd'hui au
Louvre. Puis rappelé en Italie par sa femme, Lucrezia del Fede, dont il
était éperdument épris, il obtint du roi une mission et des sommes
importantes pour l'achat de tableaux et de statues. Lucrezia lui fit oublier
la mission. L'argent du roi fut gaspillé. Andréa n'osa plus retourner en
France, et mourut en 1530 sans avoir revu François 1er. A Fontainebleau,
nulle trace ne reste aujourd'hui de ces deux artistes, les plus grands que
François ait ravis pour un temps à l'Italie. Nul souvenir non plus de la
première maîtresse en titre, de cette Françoise de Foix, duchesse de
Chateaubriand, dont la faveur poétise les premières années du règne. Sans
doute elle accompagna le roi dans ses courts passages au vieux château et
suivit la cour dans le palais transformé. Mais déjà son étoile avait pâli.
La duchesse d'Etampcs et Diane de Poitiers avaient fait oublier la triste
Chateaubriand, qui meurt en 1537, loin du roi dont l'amour n'avait point
survécu à la prison de Madrid. Peut-être cependant est-ce a Fontainebleau,
qu'à la prière de Mademoiselle d'Étampes, François 1er fit réclamer à la
comtesse de Chateaubriand "les plus beaux joyaux qu'il luy avait donnés, dit
Brantôme, pour l'amour des belles devises qui estoient mises engravées et
empreintes; lesquelles la reyne de Navarre, sa sœur, avoit faictes et
composées. Le roy François, pour ce, ayant envoyé un gentilhomme vers elle
pour les lui demander, elle fit de la malade sur le coup et remit le
gentilhomme dans trois jours avenir, et qu'il auroit ce qu'il demandoit.
Cependant, de dépit, elle envoya quérir un orfèvre, et lui fit fondre tous
ces joyaux, sans avoir respect ny affection des belles devises qui y
estoient engravées, et après, le gentilhomme tourné, elle lui donna tous les
joyaux convertis et contournés en lingots d'or. Allez, dit-elle, portez cela
au roy, et dites-luy que puisqu'il luy a pieu me révoquer ce qu'il m'avoit
donné si libéralement, que je le luy rends et renvoye en lingots d'or. Pour
quant aux devises je les ai si bien empreintes et colloquées dans ma pensée,
et les y tiens si chères, que je n'ay peu permettre que personne en
disposast, en jouist et en eust de plaisir que moy-mesme. Quand le roy eut
receu le tout, et lingots et propos de ceste dame, il ne dit autre chose,
sinon retournez-lu y le tout. Ce que j'en faisois ce n'estoit pas pour la
valeur (car je luy en eusse rendu deux fois plus), mais pour l'amour des
devises; et puisqu'elle les a faict ainsy perdre, je ne veux point de l'or
et je le lui renvoye; elle a montré en cela plus de courage et de générosité
que n'eusse pensé pouvoir provenir d'une femme. Un cœur de femme généreuse
despité et ainsy desdaigné fait de grandes choses".
En 1526, François 1er sort de sa prison de Madrid. Depuis plus d'un an il
est privé de tous les plaisirs qui lui sont chers. Il a besoin de fêtes, de
tournois, de propos joyeux et d'aventures galantes. Il lui faut une cour
magnifique; il faut à cette cour un cadre plus large et plus opulent que
celui dont s'étaient contentés nos rois jusqu'à Louis XII. Aussi, dès son
retour d'exil, François 1er donne-t-il libre carrière à son goût pour les
constructions originales, élégantes ou grandioses. Dès 1526, le plan de
Chambord est arrêté et, pendant douze ans, douze cents ouvriers ne cessent
de travailler aux chantiers de ce palais colossal. Presque en même temps
s'élève le château de Madrid, au bois de Boulogne. Un beau jour enfin,
François s'éprend de Fontainebleau et se résout à en faire son séjour
habituel. "Les vastes paysages de la Loire, dit Michelet, les déserts de la
Sologne qui plaisaient au roi cavalier et lui faisaient si tristement placer
sa féerie de Chambord, n'allaient plus au promeneur valétudinaire. Il lui
fallait une nature plus resserrée et exquise. Il aimait Fontainebleau.
Harmonie d'âge et de saison. Fontainebleau est surtout un paysage d'automne,
le plus original, le plus sauvage et le plus doux, le plus recueilli. Ses
roches chaudement ensoleillées où s'abrite le malade, ses ombrages
fantastiques, empourprés des teintes d'octobre qui font rêver avant l'hiver;
à deux pas, la petite Seine entre des raisins dorés; c'est un délicieux nid
pour se reposer et boire ce qui resterait de vie, une goutte réservée de
vendange". C'est en 1528 que François 1er fait raser à peu près complètement
le château féodal. Un architecte inconnu, peut-être Italien (mais non pas
Serlio qui ne vint pas en France avant 1537), lui fournit les dessins du
nouveau palais. Une fantaisie royale a contraint l'artiste à respecter le
tracé du manoir détruit et peut-être des pans de murs.
Quel qu'il soit, l'architecte s est tiré à son honneur des difficultés que
lui créait un plan fixé d'avance. La capricieuse ordonnance des bâtiments de
la cour ovale, en amusant la vue, accuse et sauve en même temps
l'irrégularité de leur disposition. Au bout d'un an les constructions
étaient en bonne voie, mais déjà François les trouvait trop étroites et
demandait des plans plus grandioses pour son nouveau palais. Il avait pour
voisins les religieux de la Sainte-Trinité, dont le couvent, avec ses
dépendances, occupait l'emplacement du jardin de Diane et de la cour du
Cheval blanc. Ces terrains étaient nécessaires à qui voulait étendre le
château autour et en vue de l'étang, dont les eaux entourées d'ombrages
formaient un point de vue charmant pour les appartements royaux. En 1529,
François 1er en fait l'acquisition: "Attendu, disait l'acte d'achat,
qu'avons l'intention faire ci-après la plupart du temps notre résidence à
Fontainebleau, pour le plaisir que prenons audit lieu et aux déduits de la
chasse des bêtes rousses et noires qui sont en la foret de Bière et aux
environs; nous est convenu prendre et recouvrer de nos chers et bien amés
les ministres et religieux de l'ordre de la Sainte-Trinité, la moitié du
lieu où est de présent située la grande galerie faite pour aller du dit
châtel en leur église et logis de l'abbaye, leur jardin et leur grand clos
de prés, celui où est de présent notre écurie, avec leurs étangs et viviers,
etc., pour les récompenser d'icelles prises nous avons donné et donnons la
somme de 200 livres tournois à prendre et à percevoir chacun an sur le
revenu de notre terre et seigneurie de Moret". Le couvent acheté et détruit,
de nouveaux corps de bâtiment s'élèvent comme par enchantement. On bâtit la
cour du Cheval blanc, ou mieux la Basse-Cour, et pour former la cour de la
Fontaine, on réunit par une galerie les deux massifs du château, dont le
plan général ne subira plus désormais de modifications importantes. Les
jardins et les parterres sont tracés et plantés avec une rapidité féerique.
A l'extérieur, le Fontainebleau de François 1er est maintenant terminé.
Mais il faut orner les intérieurs du palais. Pour son séjour favori,
François 1er rêve d'une décoration somptueuse et surtout permanente. Plus de
ces tapisseries et de ces verdures que les ouvriers royaux suspendent à la
hâte, le long des murailles, avant l'arrivée de la cour; de ces meubles
transportés dans des fourgons d'une résidence à l'autre; de ces décors qu'on
enlève dès que la toile est baissée et que les acteurs sont sortis!
Fontainebleau sera peint à fresque, revêtu de marbres précieux, de stucs et
de boiseries merveilleusement travaillés. Les artistes manquent en France:
il en viendra d'Italie, et François les couvrira d'or. Ainsi en 1530 arrive
à Fontainebleau le Florentin Giovanni-Battista Rosso. On lui donne une
pension de 400 écus, des logements dans les palais royaux et bientôt la
surintendance des bâtiments, peintures et embellissements de Fontainebleau.
Il construit la galerie de François 1er qu'il orne d'une série de fresques
et de reliefs en stuc exécutés sous sa direction par Paolo Ponzio et
Domenico del Barbiere. Dans la chambre de la duchesse d'Etampes, aujourd'hui
transformée en escalier, il peint plusieurs traits des Amours d'Alexandre le
Grand. Le roi enthousiasmé augmente ses pensions et le nomme chanoine de la
Sainte-Chapelle. Mais voici que le Rosso, ayant été volé de quelques
centaines de ducats, en accusa trop légèrement un peintre florentin de ses
amis, Francesco Pellegrino, qui fut mis à la question. L'innocence de
Pellegrino fut reconnue, et le Rosso, ne pouvant survivre au chagrin et à la
honte que lui causait cette erreur, s'empoisonna en 1541 à l'âge de quarante
cinq ans. Il avait connu toute l'amertume des rivalités entre artistes.
François 1er avait appelé en France en 1531 un peintre de Bologne, Francesco
Primaticcio; le Primatice, qui sur le champ déclara la guerre au Rosso. Pour
mettre un terme à leurs querelles, François 1er, vers 1534, envoya le
Primatice en Italie pour mouler les principales statues antiques et acquérir
divers chefs-d'œuvre de l'art moderne. Le Primatice rapporta de sa mission
la Léda de Michel-Ange (détruite sur les ordres d'Anne d'Autriche!) et le
moulage des antiques de Florence et de Rome qui, coulés en bronze à
Fontainebleau, figurent aujourd'hui dans les galeries du Louvre. A cette
époque le Rosso était mort, et le Primatice prit la direction des travaux du
château, qu'il conserva jusqu'à sa mort en 1570.
Il commença par détruire une partie des fresques de son rival qu'il remplaça
par les siennes. Il exécuta ensuite la décoration de la porte Dorée et
entreprit celle de la galerie d'Ulysse, qu'il continua sous quatre règnes.
Mais on doit surtout le juger d'après les peintures de la salle de bal qui
lui furent commandées par le roi Henri II. La longue faveur du Primatice fut
un moment menacée par le séjour à la cour du fameux Benvenuto Cellini
(1540-1544). Sans la haine de la duchesse d'Etampes, Cellini l'aurait
emporté sur le maître bolonais. La favorite ne pouvait lui pardonner d'avoir
négligé de lui soumettre les maquettes des travaux commandés par François
1er pour Fontainebleau. Cellini était chargé d'exécuter un bas-relief en
bronze pour le tympan de la porte Dorée, et un surtout de table où devaient
figurer douze statues d'argent de grandeur naturelle. Le Primatice, appuyé
par la duchesse d'Etampes, intrigua sourdement pour se faire attribuer les
commandes promises à Cellini, mais il dut y renoncer dans la crainte d'être
poignardé par l'orfèvre florentin. Une courte trêve suivit. Benvenuto voulut
en profiter pour reconquérir les bonnes grâces de la duchesse d'Etampes en
lui offrant une aiguière d'or merveilleusement ciselée. La duchesse ne
daigna même pas le recevoir, et l'artiste, après une longue attente dans
l'antichambre de la favorite, emporta son cadeau qu'il offrit, de dépit, au
cardinal de Lorraine. A ce moment le Primatice avait jeté en bronze les
moules des antiques rapportés par lui d'Italie; ses statues étaient
disposées dans la petite galerie de Fontainebleau, maintenant appelée
galerie de François 1er. Cellini venait d'achever un Jupiter en argent; il
veut le montrer au roi. On lui ordonne de placer son œuvre au fond de la
petite galerie. Il arrive et trouve la place encombrée des moulages du
Primatice. C'était une ruse de Madame d'Etampes qui voulait écraser la
statue de Cellini par le voisinage de l'Apollon du Belvédère et de la Vénus
de Médicis. Cellini installe au fond de la galerie son Jupiter posé sur un
socle à roulettes, maniable en tous sens, et attend la visite du roi.
Le jour baissait lorsque François fit son entrée dans la galerie. Il la
parcourut très lentement, retenu par Madame d'Etampes devant chacun des
antiques du Primatice; mais au moment où, la nuit tombée, il approchait de
Cellini, l'artiste alluma une torche placée entre les flammes de la foudre
que la statue brandissait dans sa main droite, et, d'un mouvement adroit, il
lança son Jupiter à la rencontre du roi. L'effet fut magique. La lumière
tombant d'en haut semblait animer la statue mouvante. Le dauphin, le roi et
la reine de Navarre poussèrent un cri d'admiration, et François 1er s'écria:
"Benvenuto, ton Jupiter est cent fois plus beau que je ne l'aurais imaginé".
Tous applaudirent. "En vérité, reprit hardiment Madame d'Etampes,
n'avez-vous pas d'yeux pour ces sublimes figures antiques? Voilà de vrais
chefs-d'œuvre! Fi de ces babioles modernes" Mais François soutint que
Cellini avait surpassé les anciens. A cela Madame d'Étampes répliqua que
Cellini devait son succès à un subterfuge et que, de plus, il avait couvert
sa statue d'un voile pour en cacher les défauts. L'artiste avait en effet
jeté une draperie sur son Jupiter pour lui donner plus de majesté. Furieux,
il arracha violemment le voile, et le roi, qui s'aperçut de sa colère, lui
dit en français: "Tais-toi, Benvenuto et compte sur une récompense mille
fois au-dessus de tes espérances". En sortant quelques minutes après, il
adressa cette flatterie à Benvenuto: "J'ai enlevé à l'Italie l'artiste le
plus grand et le plus universel qui ait jamais existé". Quelques mois après,
cependant, le sculpteur quittait la cour de France, laissant le champ libre
au Primatice, protégé par la favorite. A côté des artistes italiens, quelle
part revient aux maîtres français dans la décoration première de
Fontainebleau? On l'ignore. Cependant on attribue à Jean Goujon les
cariatides qui encadrent les fresques du Rosso dans la chambre de madame la
duchesse d'Etampes. De beaux vitraux ornaient les fenêtres du château de
Fontainebleau. Etaient-ils de Jean Cousin et de Pinaigrier? Rien n'empêche
de le supposer; rien non plus ne permet de l'affirmer.
Maintenant les artistes ont accompli leur œuvre. Les décors sont prêts pour
la féerie que François 1er et sa cour vont jouer avec une aisance
merveilleuse. Examinons un peu cette cour brillante, tant vantée par les
contemporains. Le roi commence par appeler les dames dans ses palais. "Une
cour sans dames, disait-il, est une année sans printemps et un printemps
sans roses". Brantôme, le bon apôtre, le félicite de cette innovation où le
diable trouve son compte. "Pour le regard des dames, certes il faut avouer
qu'advant luy, elles ne fréquentoient point à la cour. Mais le roy François
venant à son règne, considérant que toute la décoration d'une cour estoit
des dames, l'en voulut peupler plus que de la coustume ancienne. Comme de
vray, une cour sans dames est un jardin sans aucunes belles fleurs, et mieux
ressemble une cour d'un satrape ou d'un Turc que non pas d'un grand roi
chrétien". Autour de François 1er, "ce n'estoient que dames de maison,
demoiselles de réputation, qui paroissoient en sa cour comme déesses au
ciel. Bien souvent ai-je veu nos roys aller aux champs, aux villes et
ailleurs, y demeurer et s'esbattre quelques jours et n'y mener point les
dames; mais nous étions si esbahis, si perdus, si faschés, que pour huict
jours que nous faisions séparés d'elles et de leurs beaux yeux, ils nous
paroissoient un an et toujours à souhaiter: Quand serons-nous à la cour?
N'appelant la cour bien souvent là où estoit le roy, mais où estoient la
reyne et ses dames". Longtemps après la mort de François 1er on parlait
encore de l'éclat qu'il avait donné à sa cour. La reine de toutes ces fêtes
était Anne de Pisseleu, duchesse d'Etampes, maîtresse de François 1er depuis
1526, c'est-à-dire depuis son retour d'Espagne. La reine Eléonore, sœur de
Charles-Quint, ne comptait guère à côté de cette beauté blonde dont le teint
éblouissant était célébré par tous les poètes de la cour. Madame d'Etampes
avait l'esprit le plus brillant, le goût le plus exquis; elle exerçait sur
le roi un empire contre lequel rien ne put prévaloir. C'est elle qui ordonne
les magnificences que François 1er déploie dans son château chaque fois
qu'il en trouve l'occasion.
En 1536 a lieu la réception de Jacques V, roi d'Ecosse, qui venait demander
la main de Madame Madeleine la fille de François 1er. Ce prince, paraît-il,
eut l'audace d'épier la jeune fille qui se baignait dans la grotte des Pins;
il en fut puni, car il entendit la princesse faire à l'une de ses femmes
l'aveu de son aversion pour lui et de son amour pour don Juan, fils de
Charles Quint. Jacques V passa outre, et en 1537 il épousa la pauvre
Madeleine, "Quand elle fut en Ecosse, dit Brantôme, elle en trouva le pays
tout ainsy qu'on luy avait dict, et bien différent de la doulce France.
Toutesfôis, sans autre semblant de repentance, elle ne disoit autre chose
sinon: Hélas J'ay voulu estre ce reyne; couvrant sa tristesse et le feu de
son ambition d'une cendre de patience". Elle mourut d'ennui au bout de six
mois de mariage. En 1539, Charles Quint traverse la France pour aller
châtier les Gantois révoltés. François 1er ne manqua pas de lui offrir
l'hospitalité à Fontainebleau. Le Père Dan nous a laissé le récit du
cérémonial de cette réception: "Entrant dans la forêt, il fut accueilli par
une troupe de personnes déguisées en forme de dieux et de déesses bocagères,
qui, au son des hautbois, composèrent une danse rustique; lesquels
s'écartèrent de part et d'autre dans la forest, et l'empereur poursuivant
son chemin arriva ici. Son entrée fut par la grande allée de la Chaussée. A
la porte, il y avoit un arc triomphal orné de trophées, et enrichy de
peintures qui représentoient le roi et l'empereur revestus à l'antique,
accompagnez de la Paix et de la Concorde. Là estoit encore un concert de
musique, et après avoir entendu quelques airs, il fut conduit dans le
chasteau au son des trompettes et des tambours, et entrant dans la petite
galerie, il y rencontra le roi, où se firent les compliments entre Leurs
Majestés, et de là fut conduit au pavillon des Poêles, qui lui avait été
ordonné pour son logement. Le souper estant préparé en la salle de bal, le
roy qui avoit laissé quelque temps à l'empereur pour se reposer à loisir,
l'alla prendre en sa chambre, et ils vinrent ensemble souper, avec un
témoignage de part et d'autre d'une grande réjouissance. Le lendemain et
plusieurs autres jours qu'il séjourna ici, du Bellay, auteur de ce temps-là,
remarque que le roy lui donna tous les plaisirs qui se peuvent inventer,
comme de chasses royales, de tournois, d'escarmouches, de combats à pied et
à cheval, et en somme de toutes sortes de divertissements".
Au milieu de toutes ces fêtes, l'empereur n'était pas tranquille. Il
craignait que le roi ne le retînt prisonnier pour obtenir l'annulation du
traité de Madrid. Peut-être lui avait-on rapporté les propos de Triboulet,
le bouffon de François 1er, qui voulait l'inscrire sur la liste des fous
célèbres, mais disait à François 1er: "Si vous le laissez échapper, j'y
mettrai Votre Majesté". La duchesse d'Etampes était de l'avis de Triboulet.
Le roi dit un jour à l'empereur: "Voyez-vous, mon frère, cette belle dame?
Elle est d'avis que je ne vous laisse point sortir d'ici que vous n'ayez
révoqué le traité de Madrid". L'empereur répondit froidement: "Si l'avis est
bon, il faut le suivre". On prétend que le lendemain, au moment de se laver
les mains pour se mettre à table, Charles Quint tira de son doigt un diamant
d'un grand prix et le laissa tomber aux pieds de la duchesse; celle-ci
ramassa le diamant et voulait le lui rendre; l'empereur refusa de le
reprendre en lui disant: "Gardez-le, Madame, il est en de belles mains".
Mais un diamant était-il suffisant pour gagner une femme qui disposait de
tous les joyaux de la couronne? Quoi qu'il en soit, Charles Quint put
traverser la France en toute sûreté. François 1er poussa le scrupule jusqu'à
ne lui parier d'aucune affaire d'Etat. En 1543, François II naît à
Fontainebleau. On donne à cette occasion des fêtes magnifiques, mais ces
fêtes sont éclipsées par celles du baptême de Madame Elisabeth de France,
fille aînée de Henri II (1545). La cérémonie eut lieu dans la cour du
Donjon, tendue de tapisseries d'or, d'argent et de soie; on avait élevé, au
centre de la cour, un pavillon de belle architecture, avec portique composé
à l'antique, semé d'écussons et de devises et surmonté d'un mât doré. En
guise de voûte, un voile de soie bleue, où étaient attachées desétoiles
d'or, se déployait au-dessus de la cour entière.
Dans ce pavillon, dit le Père Dan, "se dressoit une pyramide de neuf estages,
couverte de drap d'or frisé. Le tout composoit un buffet chargé de la
vaisselle royale, toute d'or, et de tant de vases et diverses pièces
antiques, aussi tous d'or et en si grand nombre, qu'il sembloit qu'icy l'on
eust rassemblé l'élite des buffets de tous les princes de l'Europe. Aussy
est-il véritable que l'on y avoit apporté tout ce que les roys de France
avoient eu de rare en leurs cabinets, dispersés en divers endroits du
royaume, et afin de faire connoître à un chacun quelle estoit la valeur et
excellence de toutes ces singulières raretés, il y avoit aussi des personnes
commises qui en donnoient l'intelligence aux spectateurs et principalement
aux Anglais et aux autres étrangers qui estoient en grand nombre à cette
magnificence, leur disant comme quelques-unes de ces rares pièces avoient
été apportées en France par l'empereur Charlemagne, comme les autres lui
avoient été envoyées par quelques rois, et ainsi des autres singularités
dont il n'y avoit pas une moderne, mais toutes antiques". La fin du règne
est attristée par les intrigues du dauphin contre son père, ou plutôt de
Diane de Poitiers, maîtresse du jeune prince, contre la duchesse d'Etampes.
La duchesse, encore jeune, riait de l'âge de sa rivale. "Je suis née,
disait-elle, l'année où se maria Madame Diane". Les deux favorites
excitaient l'un contre l'autre le père et le fils. "Le dauphin, écrit
Michelet, dit un jour devant ses familiers, qu'à son avènement il ferait
ceci et cela, donnerait tels offices, et il leur distribua toutes les
charges de la couronne. Un témoin de la scène, auquel on n'avait pas songé,
était un simple, vieil enfant et fol à bourlet, appelé Briandas. Soit de
lui-même, soit poussé par la duchesse d'Etampes, il court au roi, et
fièrement: Dieu te garde, François de Valois. Le roi s'étonne. Par le sang
Dieu, tu n'es plus roi; je viens de le voir. Et toi, Monsieur de Thaïs, tu
n'as plus l'artillerie, c'est Brissae Et à un autre: Tu n'es plus
chambellan, c'est Saint-André! Puis s'adressant au roi de France: Par la
mort Dieu, Tu vas voir bientôt Monsieur le Connétable, qui te commandera à
baguette et t'apprendra à faire le sot. Fuis-t'en! je renie Dieu, tu es
mort!".
Le roi fait venir la duchessc d'Étampes. On fait dire au fou tous les noms
des nouveaux officiers de la couronne. Puis le roi prend trente hommes de sa
garde écossaise, va à la chambre du dauphin. Personne. Rien que des pages
qu'on fit sauter par les fenêtres. On brise, on casse tout. Mais après,
qu'aurait fait le roi? Il n'avait pas d'autre héritier. Sa maîtresse, tout à
l'heure sans appui et à la discrétion du dauphin, apaisa, arrangea les
choses. Le roi se garda seulement des amis de son fils, qui auraient pu
l'empoisonner. Sur ces entrefaites, François tomba gravement malade. La cour
l'abandonna pour encombrer l'appartement du dauphin. Quand vint sa
convalescence, il sentit quelque dépit de cette défection. "Et dit le Père
Dan, pour donner l'alarme à ces fuyards et voir s'il les rappelleroit à leur
devoir, quoique sa santé ne fût pas encore bien bonne et que son visage
témoignât quelque grande indisposition, il juge à propos de feindre une
entière santé, se fardant un peu le visage et s'ajustant si proprement,
qu'il sembloit plutôt un jeune courtisan que non pas un homme de son âge et
de l'estat où il estoit. Voire plus, le jour de la Feste-Dieu, il voulut se
trouver a la procession et même aider à porter le dais sous lequel on
portoit le Saint Sacrement, et estant de retour assis dans sa chambre, il
dit: Je leur ferai encore une fois peur avant que mourir. Cependant le bruit
de la guérison de Sa Majesté ayant été su partout, cela estonna fort les
courtisans, qui ne manquèrent à revenir petit à petit vers le roi, tous fort
honteux et confus, ce qui prêta fort à rire à Sa Majesté, principalement
quand elle apprit que la plupart, ayant quitté le dauphin, l'avoient laissé
aussi seul que lui l'avoit été durant sa maladie". Quelques mois après,
François 1er mourut obscurément à Rambouillet. On doit à ce roi la formation
de la bibliothèque de Fontainebleau. Guillaume Budé en eut la direction
jusqu'en 1540 et l'augmenta considérablement. Il eut pour successeur Pierre
Duchàtel, évêque de Tulle, qui avait gagné les bonnes grâces du roi en
l'entretenant pendant ses repas. Duchâtel fit réunir en 1544 la bibliothèque
de Blois à celle de Fontainebleau, relia les livres, et fit du dépôt qui lui
était confié un objet d'envie pour tous les savants de l'Europe.
Henri II, le nouveau roi commence son règne par l'exil de la duchesse d'Etampes.
Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois, n'attend pas longtemps pour se
venger des longues insolences de sa rivale. Le jour même de la mort de
François 1er, elle lui fait redemander les joyaux qu'elle devait à la
générosité de son royal amant. Juste revanche de son procédé à l'égard de
Madame de Chateaubriand. Puis l'ancienne favorite est chassée et va traîner
dans l'oubli les dernières années d'une vie méprisée. Diane est désormais la
véritable reine de Fontainebleau. Elle est la maîtresse absolue du cœur du
roi, si absolue, qu'on l'accusait tout bas de sortilège. Tandis que
Catherine de Médicis, délaissée, traîne péniblement a Fontainebleau ses
grossesses et ses relevailles, la belle duchesse, dans ses habits de veuve,
en soie blanche ou noire, la gorge savamment découverte, préside aux
tournois, aux chasses et aux festins. Par quel art raffiné resta-t-elle
jusqu'à soixante-dix ans "aussy belle de face, aussy fraîche et aussy
aimable comme en l'age de trente ans, de façon qu'il n'y avait cœur de
rocher qui ne s'en fust ému?" On l'ignore; à moins qu'on ne prenne au
sérieux les bouillons d'or potable dont Brantôme ajoute qu'elle faisait
usage tous l'es matins. Dans le galant essaim des favorites royales, Diane
ne l'emporte que par sa réputation de beauté presque fabuleuse. Elle ne fut
pas aimée de la cour qu'elle dominait. Cependant elle protégea les lettres
et les arts. Sous ce rapport, Fontainebleau lui doit beaucoup. Elle conserva
Paul Duchâtel jusqu'à sa mort, à la tête de la bibliothèque du palais, et le
remplaça par un savant de mérite, Pierre de Montdorré. Enfin elle poussa
Henri II à terminer les travaux du château de Fontainebleau par la
décoration de la salle de bal. Le Primatice et son élève, Nicolo dell'
Abbate, se mirent à l'œuvre et firent de cette galerie la merveille du
palais. Partout furent prodigués les emblèmes de Diane, les arcs, les
flèches, et surtout les croissants. C'est là que la belle duchesse devait se
sentir la reine de Fontainebleau et de la France. Aucun événement marquant
ne signala les nombreux séjours de la cour a Fontainebleau sous le règne de
Henri II, sauf la naissance de quatre enfants de France: un fils,
Edouard-Alexandre (Henri III); trois filles, Claude, la plus belle princesse
de son siècle; Victoire et Jeanne, ces deux dernières jumelles. Des fêtes
furent données par le roi en ces diverses occasions.
Henri II tombe dans le tournoi de la porte Saint-Antoine, à Paris. Diane de
Poitiers à son tour quitte la cour. Pendant son règne d'un an, François II
ne parut qu'une fois à Fontainebleau, mais dans des circonstances
solennelles. Le chancelier de l'Hôpital aurait voulu réconcilier les
catholiques et les réformés par des concessions réciproques. Dans cet
espoir, il convoque à Fontainebleau une assemblée de notables, où se
présentent avec une suite nombreuse Coligny et le connétable de Montmorency,
ce dernier momentanément allié aux protestants. L'assemblée s'ouvrit dans le
pavillon des Poêles le 21 août 1560, en présence du roi, de la reine Marie
Stuart et de la reine-mère. Coligny demande au nom de son parti la liberté
d'avoir des temples publics, et le châtiment de la garde royale qui avait si
cruellement maltraité les prisonniers d'Amboise. Malgré les efforts de
l'Hôpital, le cardinal de Lorraine et le duc de Guise portent à Coligny les
défis les plus violents, et la conférence est brusquement rompue. Le
fanatisme des deux partis avait vaincu la tolérance de l'Hôpital. Dès les
premiers mois du règne de Charles IX, la reine-régente Catherine de Médicis
s'établit à Fontainebleau. A cette époque elle favorise les calvinistes.
Contre elle se forme le triumvirat composé du duc de Guise, du connétable de
Montmorency et du maréchal de Saint-André, auxquels se joint, sans trop
savoir pourquoi, le roi de Navarre, lieutenant général du royaume. Le prince
de Condé médite de s'emparer de la personne du roi, et Catherine n'est pas
éloignée de le lui livrer. Soudain le roi de Navarre, poussé par le duc de
Guise, se présente à Catherine et lui représente "que les hérétiques en
armes tenant la campagne, le roi n'est pas en sûreté dans un château de
plaisance qui n'a ni fossés ni murailles; qu'il est de son devoir, comme
lieutenant général du royaume, de reconduire Leurs Majestés à Paris". La
reine-mère rassure son fils et montre une sécurité qui prouve son entente
avec Condé. Mais le connétable de Montmorency, qui, sous les ordres du roi
de Navarre, commandait à toute la force militaire, ordonna le départ
immédiat de la cour pour Melun; "et comme les domestiques de Catherine
montraient quelque hésitation, il menaça de donner des coups de bâton à ceux
qui refuseraient de détendre le lit du roi, pour la crainte qu'ils auraient
de sa mère". La régente et le petit roi tout en larmes furent reconduits à
Paris.
Charles IX ne revint plus à Fontainebleau qu'en 1564, au début du grand
voyage à travers la France qu'il entreprit avec sa mère. Le luxe de la cour
de Catherine rappelait le temps de François 1er. Cent cinquante filles
d'honneur, dressées à la séduction, lui servaient à attirer et à retenir
autour d'elle catholiques et protestants. Ces belles personnes figuraient
dans les ballets et les pantomimes que la reine aimait à composer. Après la
réception solennelle des ambassadeurs du pape, de l'empereur, du roi
d'Espagne et du duc de Savoie, qui engagèrent le roi à défendre et à
maintenir la foi catholique, les réjouissances commencèrent. La reine-mère,
le connétable de Montmorency et le duc d'Orléans offrirent tour à tour de
magnifiques festins. Il y eut un tournoi allégorique où l'on vit dix
chevaliers délivrer dix dames, vêtues en nymphes, enfermées dans un château
enchanté; enfin une tragi-comédie dont les principaux acteurs étaient le due
d'Anjou (Henri III), Madame Marguerite de France (la reine Margot, première
femme de Henri IV), le prince de Condé et le duc de Guise. Après cette fête
brillante, Fontainebleau devient silencieux. Le roi Henri III ne vint qu'en
1578 dans ce château où il était né, et qu'il aimait s'il faut en croire les
vers que lui prête Desportes, son poète favori: "Lieux de moy tant aimez, si
doux à ma naissance, Rochers qui des saisons dédaignez l'inconstance, Francs
de tout changement, Effroyables déserts, et vous, bois solitaires, Pour la
dernière fois, soyez les secrétaires De mon deuil véhément. Nymphes de ces
forests, mes fidelles nourrices, Tout ainsi qu'en naissant vous me fûtes
propices, Ne m'abandonnez pas, Quand j'achève le cours de ma triste
aventure; Vous fistes mon berceau, faites ma sépulture, Et pleurez mon
trépas". On doit aux derniers Valois ou plutôt à leur mère, la reine
Catherine, quelques embellissements du palais. Elle fit revêtir de pierres
de taille deux des pavillons de la grande façade de la basse-cour;
construire un grand perron qui a été remplacé par le célèbre escalier du Fer
à cheval; achever les peintures de la galerie d Ulysse; placer sous un dôme,
au milieu de la basse-cour, un moulage en plâtre du cheval de Marc-Aurèle
qui se voit à Rome devant le Capitole. Cependant, si nous en croyons du
Cerceau, le château de Fontainebleau était fort délabré au moment de
l'avènement de Henri IV.
Avec Henri IV le palais de Fontainebleau reprend son animation. Jusqu'en
1598, c'est-à-dire jusqu'à la conclusion du traité de Vervins, ce prince ne
fait qu'y passer. Toujours à cheval, il parcourt la France, à la chasse de
l'Espagnol et du ligueur. A-t-il un moment de répit, il vient, au débotté,
se reposer à Fontainebleau, ordonne et surveille à la hâte quelques travaux,
pousse une pointe jusqu'à Montceaux où il a installé la belle Gabrielle
d'Estrées, duchesse de Beaufort, puis court se remettre à la tête de ses
armées en Normandie, en Picardie ou en Artois. La paix signée, le bon roi
veut rattraper le temps perdu. Les chasses avec curées aux flambeaux, les
ballets, les festins vont recommencer dans le palais silencieux depuis
tantôt trente ans. Mais pas de reine pour tenir la cour. Marguerite de
Valois n'est plus que de nom la femme de Henri IV. La duchesse de Beaufort
voit toutes les fêtes données en son honneur. Le roi est retenu auprès
d'elle par la naissance de deux fils et d'une fille qu'il aime tendrement.
Il n'a point d'héritiers légitimes et regarde parfois avec mélancolie ces
beaux enfants si dignes du trône, n'était la tache originelle de leur
naissance. Depuis longtemps déjà des pourparlers ont lieu entre le roi et la
reine Marguerite pour aboutir à une annulation de mariage qui permettrait à
Henri IV de se remarier. Cette situation est pour Gabrielle à la fois un
péril et une tentation. Qui le roi va-t-il épouser? S'il le voulait, elle
serait reine. Le roi y songe parfois. S'il n'eût écouté que son cœur, il
n'eût point hésité à placer à ses côtés sur le trône une femme si aimée,
d'humeur douce, point tracassière et dont il avait déjà une belle lignée.
Sully, son confident, l'en dissuadait vivement. Gabrielle l'apprit, et
certain jour elle osa mettre le roi en demeure de choisir entre elle et
Sully. Henri la tança vertement. "Je vous déclare, dit-il, que si j'étais
réduit à cette nécessité de perdre l'un ou l'autre, je me passerais mieux de
dix maîtresses comme vous que d'un serviteur comme lui". Sur ces mots le roi
allait sortir lorsque Gabrielle se serait jetée à ses pieds en lui demandant
de la remettre en grâce auprès de son ami. Mais au début de 1599 le mariage
du roi avec Gabrielle semblait imminent.
Pâques approchait. Le roi voulut aller à Fontainebleau. Gabrielle devait le
rejoindre. Elle était fort affligée depuis quelque temps, dit Sully, et ne
faisait que soupirer et pleurer toutes les nuits sans qu'on en pût deviner
la cause. Le roi, pressé de la revoir, lui écrivit ce billet: "De nos
délicieux déserts de Fontainebleau. Mes chères amours, ce courrier est
arrivé ce soir; je vous l'ai soudain dépêché, parce qu'il m'a dit que vous
lui aviez commandé d'être demain de retour auprès de vous, et qu'il
rapportât de mes nouvelles. Je me porte bien, Dieu merci; je ne suis malade
que d'un violent désir de vous voir". Or, dit Sully, "quoy que cette dame
fust ainsy agitée de tels soucis et fantaisies, et outre cela fort
incommodée de sa grossesse, si ne laissa-t-elle pas néantmoins de vouloir
aller avec le roy à Fontainebleau vers la fin du caresme. Mais comme luy vit
les festes approcher, et que s'il la retenoist près de luy et en ces jours
de dévotion, cela pourroit apprester à parler, voire apporter du scandale
aux plus scrupuleux, il luy commanda de s'en aller faire ses Pasques à
Paris, pendant qu'il feroit les siennes aux champs, et la voulut conduire
quasi à moitié chemin, où en se séparant il se fit de part et d'autre autant
de compliments, de mystères et de cérémonies que s'ils eussent bien su
qu'ils ne se devoient jamais plus revoir, voire elle en partant, et ayant
les larmes aux yeux, lui recommanda son César, son Alexandre et sa
Henriette, ses bastiments de Monceaux, et ses pauvres serviteurs; ce qui
attendrit tellement le cœur du roy, qu'il ne se pouvoit quasi tirer d'entre
ses bras, voire fallut que M. le mareschal d'Ornano et Messieurs de
Roquelaure et de Frontenac les vinssent séparer et le ramener". La duchesse
de Beaufort voyageait en bateau. Elle était accompagnée de Bassompierre à
qui le roi avait dit la veille au soir: "Bassompierre, ma maîtresse vous
veut demain mener avec elle dans son bateau à Paris; vous jouerez ensemble
par les chemins". On aborde près de l'Arsenal. Gabrielle va loger chez le
financier Zamet, ami du roi Henri IV et "seigneur de dix-sept cent mille
écus". Au retour, comme elle allait commencer une lettre à Henri IV, elle
est prise successivement de deux convulsions si violentes qu'elle ne revint
plus à elle. "Elle dura en cet état-là, dit Bassompierre, toute la nuit et
le lendemain, qu'elle accoucha d'un enfant mort; le vendredi saint, à six
heures du matin, elle expira. Je la vis en cet état le jeudi après midi,
tellement changée qu'elle n'était pas reconnaissable".
Le roi avait été prévenu de la maladie de Gabrielle. Il accourait à toute
bride. Bassompierre se porta à sa rencontre et le joignit un peu avant
Villejuif. Le roi devina sur sa mine la triste nouvelle, "ce qui lui fit
faire de grandes lamentations". Il fallut le mettre presque de force dans un
carrosse pour le conduire à Fontainebleau. Arrivé au palais, il monta
aussitôt dans la salle de la Grande-Cheminée, pria toute la compagnie de
retourner a Paris "pour prier Dieu pour sa consolation" et ne retint que
Bassompierre. "Vous avez été, lui dit-il, le dernier auprès de ma maîtresse,
demeurez aussi près de moi pour m'en entretenir". Un courrier avait été
dépêché à Sully, qui se trouvait à son château de Rosny. Le bon seigneur
était encore couché "devisant avec Madame sa femme" quand il entendit "fort
sonner la cloche de la porte et une voix peu après qui crioit incessamment,
de part du roy, de part du roy". Il mit la tête à la fenêtre pour appeler
ses gens, faire abaisser le pont et ouvrir la porte, puis descendit "en robe
de nuict. Le roi est-il malade?" Ce fut son premier cri. "Non; madame la
duchesse est morte". La nouvelle ne troubla pas Sully plus que de raison. Il
craignait toujours que le roi ne fît la folie d'épouser Gabrielle. Aussi
retourna-t-il tout joyeux auprès de sa femme et lui dit en l'embrassant: "Ma
fille, il y a bien des nouvelles; vous n'irez point au coucher ni au lever
de la duchesse, car la corde a rompu. Voilà le roy délivré de beaucoup de
travaux d'esprit parmi tant d'irrésolutions dont il était agité". Et
sur-le-champ Sully se met en route pour Fontainebleau. Henri IV l'attendait
avec impatience. Il le reçut dans la galerie de sa chambre. Sully lui fit un
long discours pour l'exhorter à la résignation. Le roi l'écouta avec
patience, « après quoi il sortit de la galerie, et fut trouvé beaucoup moins
triste par ceux qui estoient dans la chambre, qu'ils ne l'avoient veu
auparavant. Et quelques jours après, sa vertu surmontant peu à peu ses
passions, et n'ayant plus personne pour l'entretenir d'icelles, il revint en
son premier naturel et vaqua comme auparavant aux affaires de l'Estat".
Toutefois il fit porter le deuil à toute sa cour. Il le porta lui-même en
noir les huit premiers jours, et ensuite en violet. A peine Gabrielle
est-elle morte qu'on reprend les négociations avec la reine Marguerite, et
qu'on prépare un mariage avec la princesse de Toscane, Marie de Médicis. En
même temps, le Vert-Galant courtise Henriette de Balzac d'Entragues, fille
de Marie Touchet, l'ancienne maîtresse de Charles IX, et, par suite, sœur
utérine du duc d'Angoulême. Marie Touchet avait épousé Balzac d'Entragues,
gouverneur d'Orléans. Henriette, alors âgée de vingt printemps, fort belle,
mais ambitieuse et coquette, sut inspirer à Henri IV une passion
irrésistible.
Elle commença par se faire donner par le roi cent mille écus, bientôt suivis
d'une promesse de mariage écrite en bonne et due forme. Quelques jours
après, le roi prit à part Sully, dans la galerie de Fontainebleau, et lui
mit un papier entre les mains; puis "se tournant de l'autre côté, avec une
certaine façon, comme s'il eût eu honte de le lui voir lire, il dit: Lisez
cela, puis m'en dites votre avis". C'était la promesse de mariage. Sully,
après l'avoir lue, la rendit à Henri IV, en lui disant qu'il n'avait pas
assez médité sur une affaire de telle importance, pour émettre un avis. Mais
le roi insistant: "Là, là, dit-il, parlez-en libre-ment, et ne faites point
tant le discret; votre silence m'offense plus que ne sauroient faire toutes
vos contrariantes paroles, car, sur un tel sujet que je me doute bien que
vous ne m'approuverez pas, quand ce ne seroit que pour les cent mille écus
que je vous ai fait bailler avec tant de regret. Je vous promets de ne me
fâcher de rien que vous puissiez dire. Parlez librement, et me dites ce
qu'il vous en semble; je le veux et vous le commande absolument. Vous le
voulez donc, Sire, et me promettez de n'en être point en colère contre moi,
quoi que je puisse dire et faire? Oui, oui, dit le roi, je vous promets tout
ce que vous voudrez, car aussi bien, pour votre dire, n'en sera-t-il ni
plus, ni moins". Sully reprit alors la promesse comme s'il voulait la relire
et la déchira en deux: "Voilà, Sire, puisqu'il vous plaît le savoir, ce
qu'il me semble d'une telle promesse! Comment, morbleu! ce dit le roi, que
pensez-vous faire? Je crois que vous êtes fou! Il est vrai, Sire, je suis un
fou et un sot, et je voudrais l'être si fort que je le fusse tout seul en
France". Il voulait continuer à parler, mais le roi rentra dans son cabinet,
écrivit une autre promesse, sortit sans le regarder, monta à cheval, et
partit pour Malesherbes où l'attendait Henriette d'Entragues. Sully se crut
disgracié, mais, peu de jours après, le roi, en lui donnant la charge de
grand-maître de l'artillerie, lui prouva qu'il avait apprécié sa courageuse
sincérité.
Un complice s'offrit en ce moment à Henriette qui visait si haut: c'était le
maréchal de Biron, depuis longtemps mécontent du roi dont il avait lassé la
générosité. Lorsque le duc de Savoie vint en France, en décembre 1599, le
maréchal ne repoussa pas les offres que lui fit ce prince. Pendant les fêtes
données à Fontainebleau, le duc et le maréchal se virent secrètement. Le duc
voulait que le maréchal l'aidât à recouvrer le marquisat de Saluces, et
laissait entrevoir au maréchal la fortune des Guises et l'appui des
Espagnols. Mais rien de définitif ne fut alors conclu entre eux. Les
pourparlers traînèrent pendant deux années (1600 et 1601) avec la complicité
de la marquise de Verneuil. Au plus fort de ces intrigues de politique et
d'amour eut lieu à Fontainebleau dans la salle du Conseil, le 4 mai de l'an
1600, une conférence religieuse entre l'évêque d'Evreux, Davy Duperron, et
le célèbre Duplessis-Mornay qu'on appelait le pape des huguenots. Cette
discussion ne tourna pas à l'honneur de Duplessis-Mornay. On lui prouva,
paraît-il, la fausseté de certaines citations contre l'Eucharistie, et au
sortir de la séance, le roi dit à Sully: "Eh bien! que pensez-vous de votre
pape? Il me semble qu'il est plus pape que vous ne pensez; car ne voyez-vous
pas qu'il donne le chapeau rouge à M. d'Evreux? mais, au fond, je ne vis
jamais homme si étonné, ni qui se défendît si mal. Si notre religion n'avoit
un meilleur soutien que ses jambes et ses bras en croix (Mornay les tenait
ainsi) je la quitterois plutôt aujourd'hui que demain". A la suite de cette
conférence, Duperron fut créé cardinal, et le président de Canaye, l'un des
juges, se convertit au catholicisme. Depuis décembre 1599 le divorce était
prononcé entre le roi et la reine Marguerite, et en décembre 1600 Henri IV
épousait Marie de Médicis. Les cérémonies du mariage eurent lieu à Lyon. La
jeune reine passa ensuite quelques jours à Fontainebleau. Elle y revint
pendant l'été de 1601 et accoucha d'un dauphin le 27 septembre. La
sage-femme qui assista la reine nous relate cette naissance.
Elle s'amuse à cacher d'abord au roi le sexe de l'enfant. Le petit dauphin
lui paraît faible; elle veut lui faire boire du vin. Le roi le lui verse
dans une cuillère, elle l'avale et le "souffle elle-même" dans la bouche de
l'enfant. Mais Henri ignore encore s'il est père d'une fille ou d'un garçon.
"Il vint, dit la sage-femme, à côté de la reine et se baissa, et me dit, la
bouche contre mon oreille: "Sage-femme, est-ce un fils? Je lui dis que oui.
Je vous prie, ne me donnez pas de courte joie, cela me ferait mourir. Je
développe un petit peu le dauphin et lui fis voir que c'étoit un fils, que
la reine n'en vit rien. Il leva les yeux au ciel, ayant les mains jointes,
et rendit grâce à Dieu. Les larmes lui rouloient sur la face, aussi grosses
que de gros pois". Le roi s'approcha alors de la reine, et l'embrassant: "Ma
mie, vous avez eu beaucoup de mal, mais Dieu nous a fait une grande joie de
nous avoir donné ce que nous lui avions demandé: nous avons un beau fils".
La reine, à l'instant, joignit les mains, et les levant avec les yeux vers
le ciel, jeta quantité de grosses larmes, et à l'instant tomba en faiblesse.
Déjà le roi avait ouvert la porte de la chambre et fait entrer toute la
cour. Il y avait plus de deux cents personnes autour du lit de la reine. La
sage-femme s'en fâcha. "Tais-toi! tais-toi! sage-femme, dit le roi, ne te
fâche pas; cet enfant est à tout le monde, il faut que chacun s'en
réjouisse". Et prenant le dauphin entre ses bras, il le montre aux
assistants, lui met son épée entre les mains: "La puisses-tu, mon fils,
employer à la gloire de Dieu, à la défense de la couronne et du peuple". Un
mois après, l'enfant royal faisait sa première entrée à Paris. On le menait
à Saint-Germain, à cause du bon air. Il était en litière ouverte, et afin
que le peuple pût le voir aisément, la nourrice le tenait à la mamelle. Ce
serait mal connaître Henri IV que de se figurer que son mariage avait rompu
sa liaison avec Henriette d'Entragues, alors marquise de Yeroeuil. Un fils
était né de leurs amours quelques jours après le dauphin. La reine,
accompagnée de l'enfant royal, ayant rencontré dans le parc Henriette et son
fils, celle-ci eut l'audace de dire: "Voici nos deux dauphins, Madame, mais
le mien est plus beau que le vôtre". Marie de Médicis répondit par un
soufflet sur la joue de la favorite.
Pendant tout le règne d'Henri IV, des visiteurs illustres passèrent à
Fontainebleau; en 1601, ce sont les ambassadeurs vénitiens; en 1607, un
envoyé du Sultan; en 1608, don Pedre de Tolède, chargé par le roi d'Espagne
de proposer une alliance pour l'extermination des hérétiques. Don Pedre
échoua dans sa mission. C'est lui qui, arcourant un jour avec le roi le
palais et les jardins de Fontainebleau, lui dit avec à-propos: "Cette maison
serait plus belle, Sire, si Dieu y était logé aussi bien que Votre Majesté".
Cette saillie décida peut-être Henri IV à presser la restauration de la
chapelle de la Sainte-Trinité. Henri IV vint pour la dernière fois à
Fontainebleau en mars 1610. Le 14 mai suivant, il tombait sous le couteau de
Ràvaillac. Le souvenir de ce bon roi est aussi vivant à Fontainebleau que
celui de François 1er lui-même. Peut-être même Henri IV a-t-il plus
fidèlement aimé ce beau lieu dont il avait fait sa résidence habituelle.
Outre la restauration de la chapelle de la Trinité on lui doit la cour des
Offices, le bâtiment très élégant où se trouvent la galerie des Cerfs et la
galerie de Diane, la décoration de la salle de Louis XIII. Dans le parc il
fit creuser le grand canal, dessina le jardin de l'Etang et traça le plan du
parterre qui subsiste encore malgré les retouches opérées sous Louis XIV par
Le Nôtre. Enfin, il continua d'enrichir la bibliothèque dont, sous son
règne, Casaubon était le conservateur. Louis XIII ne semble pas être venu à
Fontainebleau avant le mois d'avril 1621. Il y tint à cette époque un
conseil important, avec le connétable de Luynes, le prince de Condé, les
ducs de Guise, de Mayenne, d'Elbeuf et de Brissac, et décida contre les
Réformés la guerre qui s'arrêta en octobre 1622, après le siège de
Montauban. Pendant l'été de 1625, le roi reçut à Fontainebleau le cardinal
Barberin, neveu du pape Urbain VIII, envoyé pour arranger l'affaire de la
Valteline , révoltée contre les Grisons, souverains de cette vallée
alpestre. Le légat fut reçu avec une magnificence particulière, logé près du
roi et de la reine. Marie de Médicis lui offrit une collation dans la
galerie d'Ulysse, Anne d'Autriche un repas dans la galerie de Diane. Mais
les négociations furent inutiles, et la France soutint les Grisons, malgré
le Pape, qui voulait l'indépendance de la Valteline.
En 1626, se dénoua à Fontainebleau l'intrigue de cour qui coûta la vie à
Henri de Talleyrand, comte de Chalais. La duchesse de Chevreuse avait engagé
ce jeune homme, qui l'aimait, dans le parti de Gaston d'Orléans, frère du
roi. Ce prince, excité par le maréchal d'Ornano, son ancien gouverneur,
conspirait contre Richelieu pour éviter un mariage avec Mademoiselle de
Montpensier. La cour était à Fontainebleau depuis Noël 1625. Le cardinal
habitait sa maison de Fleury, à deux lieues du palais. Avec l'aide de
Chalais, les officiers de Gaston projetèrent d'enlever le premier ministre.
Mais Chalais, pris de remords ou de peur, avertit Richelieu qui se retira à
Fontainebleau, avant que le coup de main eût été tenté. Dès lors l'imprudent
Chalais, surveillé de près par Richelieu, impuissant à se dégager des
intrigues de Gaston, joue un double rôle qui le rend suspect aux deux
partis. Il compromet le maréchal d'Ornano que Louis XIII attire à
Fontainebleau pour le faire arrêter après l'avoir indignement flatté pendant
toute une journée; il compromet les deux Vendôme que l'on enferme dans le
château de Nantes; lui-même, enfin, est accusé par un rival d'amour d'avoir
voulu attenter à la vie du roi. Gaston l'abandonne; le malheureux Chalais
est jeté dans un cachot, et après un procès de deux mois il a la tête
tranchée sur une place publique de Nantes. Rien n'avait pu fléchir
l'implacable vengeance de Richelieu. En 1629, lord Edmond, envoyé de Charles
II d'Angleterre, jure dans l'église paroissiale de Fontainebleau la paix
entre la France et l'Angleterre. Cette cérémonie est suivie d'un grand
souper dans la salle de bal. En 1633, a lieu dans la salle de la Belle
cheminée, disposée provisoirement en chapelle, une promotion de chevaliers
de l'ordre du Saint-Esprit. Enfin en 1642, après le procès de Cinq-Mars,
Richelieu mourant traversa la ville de Fontainebleau en retournant à Paris.
Vingt-quatre de ses gardes le portaient dans une énorme litière, et pour le
monter dans sa chambre (il ne pouvait plus marcher) on fut obligé, dit-on,
d'éventrer une croisée de l'hôtel d'Albert, où il logeait.
Louis XIII qui l'avait attendu à Fontainebleau revint avec lui à Paris. Le
ministre mourut le 4 décembre suivant, et le roi le 14 mai 1643.
Fontainebleau doit à Louis XIII l'escalier du Fer-à-Cheval et la décoration
de l'appartement des Reines-mères. Le palais sous ce règne était arrivé à
son plus haut degré de splendeur. Pendant le règne d' Anne d'Autriche,
Fontainebleau est un peu abandonné pour Saint-Germain, plus proche de Paris.
La reine d'Angleterre, Henriette de France, y fait un court séjour en 1644
en revenant de prendre les eaux de Bourbon-l'Archambault. Elle y est logée
dans l'appartement des Reines-mères. En septembre 1645, le jeune roi Louis
XIV vient pour la première fois à Fontainebleau. On y célèbre, par
procuration, le mariage de la princesse Marie de Gonzague avec le roi
Vladislas de Pologne; on reçoit en grand appareil l'oncle du roi, Gaston
d'Orléans, qui revenait de l'armée des Pays-Bas. Le jeune roi alla au-devant
de lui jusqu'à la Croix de Saint-Hérem et le fit monter dans son carrosse.
Pendant une chasse qui suivit, Mazarin tua d'un coup d'épée un sanglier qui
s'était jeté sur son cheval. L'été suivant, Fontainebleau vit revenir la
reine d'Angleterre obligée de quitter son royaume et son époux après les
victoires de Cromwell. Le prince de Galles, depuis Charles II, accompagnait
sa mère dans l'exil. On aurait voulu faire oublier à la malheureuse
Henriette de France les soucis que lui causait la révolution d'Angleterre.
Chasses, promenades, concerts, tout fut mis en œuvre. Un festin eut lieu
dans la galerie des Cerfs au son de la musique des vingt-quatre violons du
roi; un petit bal fut donné au prince de Galles. Mais les exilés ne
songeaient qu'à l'Angleterre, d'où arrivaient les plus sombres nouvelles.
Plus gaie fut, en 1646, la réception du comte de la Gardie, ambassadeur de
la reine Christine de Suède.
Les troubles de la Fronde et les événements politiques firent ensuite
délaisser Fontainebleau pendant plus de douze ans. Pendant l'automne de
1657, la reine Christine de Suède habita Fontainebleau, où le jeune roi vint
lui faire une courte visite. Christine traînait partout avec elle un
secrétaire très intime, le marquis de Monadelschi, contre lequel elle avait
ou croyait avoir des griefs restés ignorés. Le 10 novembre elle envoya
quérir un religieux, le Père Lebel, desservant de la chapelle du château,
lui confia, sous le sceau de la confession, un paquet de lettres cacheté à
ses armes, avec ordre de le lui rendre à la première réquisition. Cela fait,
elle appela Monadelschi, dans la galerie des Cerfs, lui dit qu'il l'avait
trahie et qu'il fallait qu'il en fût puni. Monadelschi niait; Christine fit
alors entrer le Père Lebel et, preuves en main, convainquit Monadelschi de
sa trahison. "Alors, dit Madame de Motteville, il se jeta à ses pieds et lui
demanda pardon. Elle lui dit qu'il étoit un traître et qu'il ne méritoit pas
de grâce; et ayant dit au Père de le confesser, elle les quitta tous deux
pour rentrer dans son appartement, d'où elle envoya dans la galerie
Sentinelli, son capitaine des gardes, qui avoit ordre de faire l'exécution".
Monadelschi refusa longtemps de se confesser, demanda pardon à son bourreau
Sentinelli, et le pria d'aller, de sa part, implorer la miséricorde de la
reine, leur maîtresse. Celle-ci se moqua de ce que Monadelschi avait peur de
la mort, l'appela poltron. Sentinelli lui passa son épée au travers de la
gorge, et la lui coupa. Quand il fut expiré, on prit son corps et on
l'emporta enterrer. Cette barbare princesse, après une action si cruelle,
demeura dans sa chambre à rire et à causer comme si elle eût fait une chose
indifférente et fort louable. Malgré l'horreur qu'inspira ce crime et une
lettre insolente qu'elle aurait écrite à Mazarin, Christine passa à la cour
de France le carnaval de 1658, fut logée au Louvre.
En 1660 est célébré, à Saint-Jean-de-Luz, le mariage de Louis XIV avec
l'infante d'Espagne, Marie-Thérèse. Pendant qu'on préparait à Paris l'entrée
triomphale de la reine, les nouveaux époux résidèrent à Fontainebleau. Ils y
revinrent en juin 1661, quelques semaines après la mort du cardinal Mazarin.
A ce moment Marie-Thérèse était enceinte et l'on attendait sa délivrance.
Louis XIV, qui désirait vivement un dauphin, faisait dire partout des
prières publiques, mais sans interrompre les réjouissances de la Cour. Un
roi de vingt-trois ans, beau, spirituel et victorieux, répandait autour de
lui l'allégresse et les plaisirs. Ce fut un délicieux commencement de règne,
une féerie réalisée, quelque chose qui ne s'était jamais vu et ne se revit
jamais plus. Fontainebleau eut les premiers feux, les plus purs de cette
étincelante aurore, avant de se voir préférer Saint-Germain, Versailles et
Marly. Chaque jour on imaginait quelque divertissement nouveau, chasse,
concert ou promenade. On improvisait dans le parc de magnifiques collations.
Le soir, le canal s'illuminait. Des barques pavoisées glissaient sur les
eaux, et les violons du roi, cachés dans un bosquet, accompagnaient en
sourdine les propos galants que les Lauzun et les Guiche murmuraient aux
oreilles des filles d'honneur des deux reines. Ce fut au milieu de cette
joie que fut préparée la perte de Fouquet. Depuis un an, Colbert prouvait au
roi les malversations du surintendant. Pourtant Louis XIV hésitait à sévir.
Le 17 août 1661 il accepta d'aller à Vaux le Vicomte, magnifique château que
l'Intendant des finances Fouquet s'était fait bâtir près de Fontainebleau.
La reine-mère Anne d'Autriche l'accompagnait. On représenta pour la première
fois les Fâcheux, de Molière; il y eut ensuite un feu d'artifice et un bal
où l'on dansa jusqu'à trois heures du matin. On dit que le roi fut outré des
modernes magnificences de Vaux le Vicomte, qui rivalisaient avec celles des
maisons royales. En revenant la nuit dans son carrosse avec la reine, sa
mère, il ne put s'empêcher de dire: "Madame, est-ce que nous ne ferons pas
rendre gorge à ces gens-là" Quinze jours après Fouquet était arrêté à
Nantes.
A son retour à Fontainebleau, Louis XIV eut le bonheur de voir naître son
fils. Le 1er novembre 1661, à midi moins sept minutes, dit l'abbé de Choisy,
la reine accoucha de Monseigneur le Dauphin. Nous nous promenions dans la
cour ovale, lorsque le roi ouvrit la fenêtre de sa chambre, et annonça
lui-même le bonheur public en nous criant assez haut: "La reine a accouchée
d'un garçon". On fut bien aise de cette naissance, il y eut des feux allumés
partout, et les comédiens espagnols dansèrent un ballet dans la cour des
Fontaines, devant le balcon delà reine-mère, avec des castagnettes, des
harpes et des guitares. Mais l'amour n'occupait pas seul la pensée de Louis
XIV. Dès le lendemain de la mort de Mazarin, il avait pris la direction des
affaires et parlait en maître à ses sujets et à l'Europe. A Londres, le
baron de Watteville, ambassadeur d'Espagne, avait osé, les armes à la main,
disputer le pas au comte d'Estrades, ambassadeur de France. Louis XIV
offensé menaça de déclarer la guerre et le roi Philippe envoya le comte de
Fuentès à Fontainebleau le 2 mars 1662 pour jurer en présence de tous les
ministres étrangers, "que les ambassadeurs espagnols ne concourraient plus
dorénavant avec ceux de France". Après cette réunion et pendant quinze ou
seize ans Fontainebleau est moins fréquenté. Saint Germain devient le séjour
ordinaire de la Cour. On bâtit, ou plutôt on transforme Versailles.
Fontainebleau n'est plus qu'une maison de plaisance où le roi apparaît pour
quelques semaines en été ou en automne. En 1679, on signe dans le salon
Louis XIII le contrat de mariage entre le roi d'Espagne, Charles II, et
Marie-Louise d'Orléans, nièce du roi. Il y eut feu d'artifice dans la cour
du Cheval blanc. La cour se plaça, pour y assister, dans la galerie
d'Ulysse. Après des fêtes qui durèrent une semaine, la jeune princesse
quitta le palais.
Un double deuil vient attrister les séjours de la cour à Fontainebleau. En
1685, c'est la mort du prince de Conti; en 1686, la mort du grand Condé. En
septembre 1691, la cour fait un séjour à Fontainebleau après la mort de
Louvois. La perte de ce fameux ministre avait obligé Louis XIV à un
redoublement de travail. En novembre 1695, eut lieu à Fontainebleau la
réception solennelle de la princesse Adélaïde de Savoie, qui venait
d'épouser, à onze ans, le jeune duc de Bourgogne. En 1697, Fontainebleau vit
célébrer le mariage d'Elisabeth-Charlotte d'Orléans, nièce du roi, avec le
duc Léopold de Lorraine. Ce fut les dernières fêtes que donna Louis XIV à
Fontainebleau, mais elles furent d'une magnificence extraordinaire, mais
attristées par les larmes de la jeune mariée, qui après la cérémonie, dit
Saint-Simon, ne parut plus le reste du jour, qu'elle passa à pleurer chez
elle. Enfin, le 9 novembre 1700 arrive à Fontainebleau le courrier qui
apportait la nouvelle du plus grand événement du règne. Le roi d'Espagne,
Charles II, venait de mourir, désignant pour son successeur le duc d'Anjou,
second fils du Dauphin. Louis XIV envoya chercher le Dauphin, qui était à la
chasse, et lorsqu'il fut venu il tint, avec ce prince et ses ministres, un
conseil, dont les résolutions furent tenues secrètes. Les voyages annuels à
Fontainebleau n'offrent plus d'intérêt jusqu'à la mort de Louis XIV. On y
reçut plusieurs fois la visite de la reine détrônée d'Angleterre, veuve de
Jacques II. En 1702, un incendie détruisit le pavillon des Armes et le
clocher de la chapelle. Le dernier voyage de Louis XIV eut lieu en 1713.
Louis XIV n'a laissé que peu de traces à Fontainebleau. Cependant on lui
doit le dessin actuel du grand parterre et l'appartement de Madame de
Maintenon, qui a singulièrement obstrué le dégagement de la salle de bal.
C'est lui qui a fait bâtir le gros pavillon au bout de l'aile des
Reines-mères; mais c'est une modification dont il n'y a pas lieu de le
louer.
Louis XV négligea complètement Fontainebleau pour le Palais-Royal et pour
Saint-Cloud. Cependant, tel était le renom de ce palais, que Pierre de
Russie, en 1717, voulut y être conduit et le visiter. "Le 30 mai, dit
Duclos,, il alla dîner à Petitbourg, chez le duc d'Antin, qui le conduisit à
Fontainebleau, où le comte de Toulouse lui donna, le lendemain, le plaisir
de la chasse. A son retour, il ne voulutmanger qu'avec ses gens dans l'île
de l'Etang. Le comte de Toulouse et le duc d'Antin durent savoir gré au czar
de les en avoir exclus. Il fallut porter ce prince et ses gens dans des
carrosses pour revenir à Petitbourg, où ils arrivèrent dans un état fort
dégoûtant". C'est la seule anecdote qui vaille la peine d'être recueillie.
En 1725, Louis XV épousa, dans la chapelle de Fontainebleau, la princesse
Marie Leczinska, fille de Stanislas, roi détrôné de Pologne. Les fêtes de ce
mariage peu brillant n'eurent pas l'éclat des noces royales. Mais on
remarqua la bonté de la reine qui, "après la bénédiction nuptiale, distribua
aux personnes de la cour les présents placés par le roi dans la corbeille".
A dater de ce mariage, le château, sous Louis XV devient le but d'un voyage
annuel de la cour. Louis XV se plaît beaucoup dans ce palais, moins solennel
que Versailles. Il y veut ses aises comme partout ailleurs, et par malheur
ce goût l'entraîne à détruire l'admirable galerie d'Ulysse, remplacée par
l'aile neuve qui fait un si fâcheux effet dans la cour du Cheval blanc. En
outre, se trouvant à l'étroit dans les pièces réservées de tous temps au roi
et à la reine, il fait doubler sur le jardin de Diane le bâtiment où se
trouve la galerie de François 1er, autrefois éclairée par des fenêtres sur
ses deux façades, et se ménage des appartements dans cette construction
nouvelle. Enfin il fait décorer la salle du Conseil par Boucher et Vanloo,
et ce décor est si gracieux qu'il faut bien lui pardonner son manque
d'harmonie avec le caractère des autres salons du palais. Des fêtes eurent
lieu à Fontainebleau en 1768, à l'occasion du voyage en France de Christian
VII, roi de Danemark; puis en 1771 et en 1773, à l'occasion du mariage du
comte de Provence et du comte d'Artois avec les princesses de Savoie.
Sous Louis XVI se perpétue la tradition des voyages annuels à Fontainebleau.
Marie-Antoinette n'aurait garde d'y manquer. Elle aime beaucoup le vieux
palais des rois de France et la forêt immense qui l'environne.
Marie-Antoinette fit transformer son appartement par l'architecte Rousseau
et se plut à y organiser des réunions d'où l'étiquette était bannie. On vit
pour la première fois des seigneurs, qui n'étaient pas du sang royal, admis
à la table royale. Dans le parc, sous les ombrages qui entourent le canal,
des pastorales improvisées rappelaient les fêtes champêtres de Rambouillet
et de Trianon. Pendant ce temps le roi chassait, s'occupait de serrurerie.
Il avait installé un atelier dans les combles au-dessus de son appartement.
Une chose le chagrinait toutefois: le peu d'empressement de la cour à le
suivre à Fontainebleau. Chaque année le cortège s'éclaircissait, et le roi
s'offensait de cette négligence. Il obligea les titulaires des grandes
charges à l'accompagner, sauf excuses légitimes, dans tous ses déplacements.
Cette rigueur causa des murmures et, après 1786, on renonça aux voyages à
Fontainebleau. Pendant ce séjour de 1786, le dernier de l'ancien régime,
Louis XVI ratifia le traité de commerce et de navigation entre la France et
l'Angleterre, qui effaçait les dernières traces de la guerre pour
l'indépendance des Etats-Unis. Puis le roi dit à Fontainebleau un adieu qui
devait être éternel. En 1791 l'Assemblée nationale avait rangé ce palais
parmi les résidences réservées au domaine royal. La Révolution épargna
Fontainebleau, et Napoléon devenu empereur trouva ce palais délabré, mais
intact. Il en affecta l'aile neuve à l'École militaire peu après transférée
à Saint-Cyr, fit faire aux bâtiments toutes les grosses réparations
nécessaires après vingt ans d'abandon et le remeubla mais dans le triste
goût du XIXe siècle, les grands et petits appartements du palais.
Pendant tout le règne, la cour impériale fit presque chaque année d'assez
longs séjours à Fontainebleau. L'empereur occupait le premier étage du
bâtiment adossé à la galerie de François 1er; l'impératrice Joséphine, le
rez-de-chaussée du même bâtiment. Marie-Louise reprit possession de
l'appartement des reines. A son intention, Napoléon fit planter le jardin
anglais, tout parsemé de pins, qui devaient rappeler à l'impératrice les
forêts de l'Autriche et du Tyrol. Trois des principaux événements de
l'Empire s'accomplirent à Fontainebleau. Les deux voyages du pape et la
première abdication. Le premier voyage, tout triomphal, eut lieu en
novembre 1804. Pie VII venait couronner celui qui s'intitulait alors "son
dévot fils". Napoléon attendit le Pape à la Croix de Saint-Hérem, le
conduisit dans sa voiture jusqu'au palais et l'installa dans l'ancien
appartement des Reines-mères. Le Pontife et l'empereur se firent ensuite
réciproquement des visites officielles et, après des cérémonies qui durèrent
trois jours, se rendirent à Paris où le couronnement eut lieu le 2 décembre
1804. Le 20 juin 1812, Pie VII revient, mais en prisonnier. Néanmoins
Napoléon dut rendre la liberté à son prisonnier, qui quitta Fontainebleau le
23 janvier 1814, en donnant, du haut du Fer à cheval, sa bénédiction au
peuple. Son séjour au palais avait duré dix neuf mois. L'Empire à ce moment
touchait à sa fin. Le 31 mars 1814, Napoléon arrivait à Fontainebleau, le
jour même où l'empereur de Russie et le roi de Prusse entraient a Paris.
Napoléon aurait voulu tenter un coup de main sur sa capitale, mais ses
généraux s'y opposaient. Le mot d'abdication avait été prononcé; on parlait
déjà du rétablissement des Bourbons; l'entourage de l'empereur, le sentant
perdu, songeait à le sacrifier pour sauvegarder les droits de son fils. On
espérait rallier le czar à l'idée de proclamer le roi de Rome empereur, avec
Marie-Louise comme régente.
Tandis qu'on essayait de faire partager ces vues à Napoléon, le Sénat
impérial prononçait sa déchéance définitive. Il fallait se hâter, si l'on
voulait que la proposition d'une régence fût admise seulement à la
discussion par les souverains alliés. Napoléon résistait; il avait confiance
en ses soldats qui l'acclamaient encore chaque fois qu'il les passait en
revue; enfin sentant grandir l'opposition de son état-major il se décide à
une abdication en faveur de son fils. Il envoie M. de Caulaincourt avec les
maréchaux Ney et Macdonald pour soutenir cette proposition auprès du czar
Alexandre. Mais le czar la rejette, et les trois envoyés reviennent auprès
de Napoléon. Tout est fini cette fois, à moins que Napoléon ne veuille
tenter une lutte d'aventurier en se retirant derrière la Loire. Il se
résigne à l'abdication, et le 5 au soir il signe sur un guéridon de son
cabinet la déclaration suivante: "Les puissances alliées ayant déclaré que
l'empereur Napoléon était le seul obstacle au rétablissement de la paix en
Europe, l'empereur, fidèle à son serment, déclare qu'il renonce pour lui et
ses successeurs au trône de France et d'Italie, et qu'il n'est aucun
sacrifice personnel, même celui de sa vie, qu'il ne soit prêt à faire aux
intérêts de la France". Le 11 avril au soir Napoléon tente de s'empoisonner
en avalant de l'opium mêlé à de l'eau, mais de violents vomissements le
sauvent, et il se décide à attendre encore les événements. Cependant ses
officiers généraux l'abandonnaient un à un. C'était chaque jour un nouveau
départ. Le 20 au matin, Napoléon se décida à quitter Fontainebleau. Le
bataillon de sa garde destiné à le suivre à l'île d'Elbe était déjà en
route. La garde elle-même était campée à Fontainebleau. Il voulut lui
adresser ses adieux. Il la fit ranger en cercle autour de lui, dans la cour
du château, puis, en présence de ses vieux soldats émus.
Napoléon prononça les paroles suivantes: "Soldats, vous mes vieux compagnons
d'armes que j'ai toujours trouvés sur le chemin de l'honneur, il faut enfin
nous quitter. J'aurais pu rester plus longtemps au milieu de vous, mais il
aurait fallu prolonger une lutte cruelle, ajouter peut-être la guerre civile
à la guerre étrangère, et je n'ai pu me résoudre à déchirer plus longtemps
le sein de la France. Jouissez du repos que vous avez si justement acquis,
et soyez heureux. Quant à moi, ne me plaignez pas. Il me reste une mission,
et c'est pour elle que je consens à vivre, c'est de raconter à la postérité
les grandes choses que nous avons faites ensemble. Je voudrais vous serrer
tous dans mes bras, mais laissez-moi embrasser ce drapeau qui vous
représente". Alors, attirant à lui le général Petit, qui portait le drapeau
de la vieille garde, il pressa sur sa poitrine le drapeau et le général, au
milieu des cris et des larmes des assistants, puis il se jeta dans le fond
de sa voiture, les yeux humides, ayant attendri les commissaires eux-mêmes,
chargés de l'accompagner. La Restauration n'a pas laissé de souvenirs à
Fontainebleau. On dit que Louis XVIII, visitant ce palais en 1816, en admira
les somptueux aménagements laissés par l'Empire et dit au comte d'Artois:
"Nous avons eu, mon frère, un bon fermier". Il était venu à Fontainebleau
pour recevoir la princesse Caroline de Naples, fiancée au duc de Berri, son
petit-neveu, et, pendant ce séjour, ordonna la restauration de la galerie de
Diane. Charles X ne fut attiré a Fontainebleau que par la beauté des
chasses. Il y arrivait à l'improviste, presque sans suite et pour quelques
jours seulement. La duchesse d'Angoulême, fille de Louis XVI, nièce et bru
de Charles X, entrait dans la cour du Cheval blanc, le 30 juillet 1830,
lorsqu'elle apprit le succès de la révolution qui précipitait du trône la
branche aînée des Bourbons. Elle partit aussitôt pour l'exil où la
rejoignirent les autres membres de sa famille. Louis-Philippe aima beaucoup
Fontainebleau où il fit avec ses enfants de nombreux séjours l'été. Il
ordonna de nombreuses réparations qui ne sont pas toutes heureuses: nous
aurons bientôt l'occasion d'en parler.
C'est à Fontainebleau qu'il voulut recevoir la princesse Hélène de
Mecklembourg, fiancée au duc d'Orléans. Le mariage civil fut célébré dans la
galerie Henri II; le mariage catholique dans la chapelle de la Trinité, et
le mariage protestant dans la salle qui s'étend sous la galerie Henri II. Il
y eut un grand repas dans la galerie de Diane, avant la retraite des mariés
dans leur appartement qui avait été aménagé dans le gros pavillon qui domine
l'étang. Les fêtes durèrent du 29 mai au 3 juin 1837. La cour de Napoléon
III a souvent visité Fontainebleau. Cette résidence partageait avec
Compiègne la faveur d'être choisie pour les villégiatures d'automne. On y
donna des fêtes nombreuses et brillantes, et l'on construisit la jolie salle
de spectacle située à l'extrémité de l'aile neuve. Mais la politique étant
bannie de ce séjour réservé au plaisir, il ne s'y passa de 1852 à 1870 aucun
événement digne d'être signalé. Depuis la chute de l'Empire, le château de
Fontainebleau est devenu un musée national. Cependant M. le président Carnot
y a fait dans l'été de 1888 un séjour de deux mois, dans les appartements du
premier étage de l'aile neuve, aménagés avec infiniment de goût par le
conservateur du palais M. Carrière. Fontainebleau restera sans doute une
solitude. Mais cette solitude n'est-elle pas suffisamment peuplée par tant
de souvenirs?
Description du château de Fontainebleau:
Avant de visiter le palais de Fontainebleau, tel qu'il s'offre à nous après
quatre siècles d'existence, essayons de nous le représenter tel qu'il était
à la mort de Henri IV, en 1610, c'est-à-dire à son plus haut degré de
splendeur, à une époque où il avait subi déjà bien des changements, mais des
changements qui n'avaient en rien modifié les grandes lignes de son plan et
détruit l'harmonie de son aspect. A cette époque, la cour du Cheval blanc
était complètement fermée. A la place de la grille, parallèlement à la
façade principale, s'étendait un corps de logis semblable à l'aile des
Ministres, encore intacte, et dont le pavillon central faisant face au grand
perron d'honneur formait la principale entrée du palais. Sur l'emplacement
de l'aile neuve, on admirait la galerie d'Ulysse, dont les fenêtres
encadrées de colonnettes et surmontées chacune d'un fronton, formaient une
ordonnance en rapport avec celle du principal corps de logis. Sur le jardin
des Pins, ou jardin anglais, cette galerie présentait une façade à
contreforts, avec un rez-de-chaussée aveugle et un premier étage où les
croisées alternaient avec des mascarons remplis par la salamandre royale. Au
fond de la cour, devant la façade principale, courait un fossé d'eau vive
avec deux ponts-levis. Le perron d'honneur, œuvre de Philibert Delorme, et
dont la descente était supportée par des arcades à jour de hauteur
décroissante, n'avait pas la lourdeur du célèbre Fer à cheval, bâti sous
Louis XIII. Enfin l'on ne voyait dans cette cour ni la bâtisse du Jeu de
paume, ni les trois fenêtres en demi-lune qui déshonorent la façade
principale sous prétexte d'éclairer des couloirs, le long de la chapelle de
la Trinité. Dans la cour de la Fontaine, au lieu du gros logis a mansardes
qui termine aujourd'hui l'appartement des Reines-mères, on voyait un élégant
pavillon avec terrasse avançant sur l'étang; de même l'Ulysse de Petitot a
remplacé une jolie fontaine a dôme abritant une statue de Diane qui lançait
dans tous les sens ses eaux jaillissantes. Il en est de même pour la cour
ovale et pour la cour des Offices, restées telles qu'elles étaient à la mort
de Henri IV.
La Porte dorée méritait alors son nom par les vives peintures qui ornaient
ses voûtes à tous les étages, avant qu'on ne les eût fermées sous Louis XIV
par des châssis vitrés. Enfin, sur le jardin de Diane, les façades que Louis
XV a fait gratter si amoureusement (sauf celle de la galerie des Cerfs)
étaient parées d'élégantes lucarnes et de fenêtres à meneaux entre pilastres
sculptés dont l'aspect rappelait avec plus de simplicité celui de la galerie
de François 1er, vue de la cour de la Fontaine. Imaginons maintenant sur
tous les toits des plomberies découpées et dorées; sur tous les pignons, des
épis ou des girouettes fleuronnées; dans toutes les niches, des statues de
marbre ou de bronze, et nous reverrons un instant le Fontainebleau de
François 1er et de Henri IV. En somme, ce palais irrégulier à dessein dans
son ordonnance et dans son plan, né d'un caprice royal servi par des
artistes ingénieux et inspirés, valait surtout par la fantaisie et la grâce,
par l'élégance et l'imprévu des silhouettes, par l'originalité des détails.
Il semble que depuis Louis XIII, et surtout depuis Louis XV, on ait pris
justement à tâche d'empâter ces silhouettes, de substituer la régularité à
la fantaisie, de supprimer les détails trop saillants et trop nombreux au
goût des Gabriel, des Percier et des Fontaine. Et cependant, même à
l'extérieur, ce palais mutilé demeure une des œuvres les plus curieuses de
la Renaissance française, et malgré deux siècles de transformations et de
restaurations maladroites, il y reste encore bien des merveilles à admirer.
Nous pouvons maintenant pénétrer dans le palais actuel. Voici la cour du
Cheval blanc ou des Adieux (152 mètres de longueur sur 112 de largeur).
Quatre pavillons à toits aigus et à deux étages, reliés entre eux par des
bâtiments à un étage seulement, forment la façade principale. Ces pavillons,
à partir du Jeu de paume, s'appellent pavillon de l' Horloge, pavillon des
Armes, pavillon des Peintures, et pavillon des Poêles ou des Reines-mëres.
Toute cette façade était primitivement en grès et en brique; sous Charles IX,
on fit revêtir de pierre et orner de pilastres les pavillons des Peintures
et des Poêles. Au centre se développe l'escalier du Fer à cheval, sans
proportion avec la petite porte qui le surmonte et trop grandiose pour
précéder ces constructions élancées. A gauche de la façade s'étend l'aile
des Ministres, d'aspect très élégant, malgré sa simplicité; à droite, l'aile
neuve, caserne banale dont les deux étages, à peine aussi hauts cependant
que l'étage unique de la façade centrale, écrasent cette façade et la font
paraître trop basse malgré ses dimensions réellement imposantes. Grâce à
cette affreuse aile neuve, aux pans des murs du Jeu de paume, aux fenêtres
en demi-lunes de la chapelle, à d'énormes becs de gaz en forme de torchères,
on est d'abord déçu en entrant dans la cour du Cheval blanc, et il faut un
véritable effort d'esprit pour en retrouver les réelles beautés. La cour de
la Fontaine a subi moins d'outrages. Tournons le dos au massif pavillon dont
le rez-de-chaussée abrite le musée chinois, et admirons cet élégant escalier
à double rampe accoté à l'ancienne salle de spectacle, ces fenêtres de
proportions si pures, ces pilastres aux chapiteaux variés, ces sveltes
lucarnes, ces cheminées qui se découpent si finement sur les toits élancés,
cette belle terrasse dont les nobles arcades portent le chiffre de Henri IV.
Serlio donna, dit-on, les plans de cette cour. Nulle part à Fontainebleau on
ne sent mieux l'influence de l'art antique interprété par les artistes de la
Renaissance italienne. La porte Dorée n'a pas trop souffert. Cependant on a
fermé par des châssis vitrés les belles loges cintrées qui s'ouvrent au
premier et au second étage, et dont les voûtes ornées de caissons dorés
justifiaient le nom qu'elle a reçu. Le bâtiment a perdu ainsi tout son
relief; mais il lui reste ses fines proportions, ses toits aigus et les
belles peintures de l'arcade du rez-de-chaussée, dues au Primatice, à moins
que ce ne soit au Rosso. Au reste, sous les lourdes restaurations de Picot,
on a peine à reconnaître l'œuvre de l'un ou l'autre maître. Indiquons
cependant sous la voussure de cette arcade, du côté de la cour ovale, une
composition représentant les Titans foudroyés par Jupiter. Par un effet de
perspective trop vanté mais curieux cependant, l'une des figures paraît tour
à tour sur le ventre ou jetée sur le dos, suivant la place d'où on
l'examine.
La cour ovale, où nous entrons maintenant, n'a point été transformée depuis
Henri IV. Jusqu'à ce prince, elle était entièrement fermée. Vers 1599, on
détruisit les bâtiments de l'Ouest, une partie de ceux du Nord, et on les
remplaça par le pavillon des Chasses et par le Baptistère ou porte Dauphine.
C'est à tort que l'on attribue à Henri IV la construction de la galerie a
colonnes qui s'étend au rez-de-chaussée, presque tout autour de cette cour.
Elle existait déjà en 1579 comme le témoignent les dessins d'Androuet du
Cerceau en son livre: "Des plus excellens bàtimens de France". Trois
morceaux d'architecture frappent surtout les regards. La façade grandiose de
la galerie Henri II, avec ses deux rangs de vastes arcades superposées; le
portique lui faisant face avec ses colonnes accouplées aux chapiteaux
élégamment variés; enfin le Baptistère dont le dôme capricieux n'est pas
sans jurer avec l'ordre sévère du rez-de-chaussée. Le Baptistère dans son
ensemble, et quoiqu'il ait dû être édifié à deux reprises, nous paraît
appartenir à l'art franco-italien de la fin du XVIe siècle ou des premières
années du XVIIe. Ne quittons pas la cour ovale sans signaler, au bas de
l'escalier de François 1er, une jolie porte dont le couronnement en
gresserie s'appuie sur une Minerve et sur une Junon. Ces sculptures sont de
la meilleure Renaissance. De la cour ovale on peut, par le vestibule de la
galerie des Cerfs, se rendre dans le jardin de Diane. Nous avons déjà dit
combien Louis XV avait dénaturé la plupart des constructions qui entourent
ce jardin. En outre il a détruit la galerie des Chevreuils dont la façade
était parallèle à celle de la galerie des Cerfs, et l'orangerie qui reliait
ces galeries et fermait le jardin. Il est étonnant que les architectes à
cette époque aient respecté l'ordonnance de la galerie des Cerfs et du
pavillon qui la termine, les statues, les bustes et les lucarnes sculptées
qui les décorent, et surtout au bas du pavillon de l'Horloge, une curieuse
porte en gresserie dont les sculptures figurent deux cariatides de style
égyptien, qui soutiennent trois groupes d'enfants d'une rare élégance.
Nous pouvons maintenant pénétrer dans les appartements du palais. On entre,
sous l'escalier du Fer à cheval, dans le vestibule de la chapelle de la
Sainte-Trinité. La décoration de cette chapelle, exécutée sous Henri IV et
Louis XIII, est surchargée d'ornements, et cependant mesquine, comme celle
de tous les édifices religieux élevés à cette époque. Signalons les
boiseries ajourées et les sculptures en haut-relief qui, dans la tribune
royale, encadrent au-dessus des portes les écussons d'Henri IV et de Louis
XIII. Appartements. Un horrible escalier du temps de Louis-Philippe conduit
aux appartements de Napoléon 1er ménagés dans les constructions que Louis XV
fit bâtir le long de la galerie de François 1er. Ils sont insignifiants pour
la plupart, et garnis de boiseries blanches sans aucun caractère. Cependant
la première pièce (antichambre des huissiers) a gardé de jolis dessus de
porte, par Boucher, et une gracieuse horloge Louis XVI en forme de char
conduit par l'Amour; la seconde (cabinet des secrétaires), quelques
bergeries de Vanloo. La salle de Bains est une merveille. Des amours, des
oiseaux jouant et voltigeant au milieu des fleurs et des arabesques, se
détachent délicieusement sur un fond de glaces. On ignore quel est l'auteur
de ces compositions exquises exécutées sous Louis XVI pour Marie-Antoinette.
Rien à signaler dans le cabinet de L'Abdication, sinon le guéridon sur
lequel, paraît-il, Napoléon signa cet acte célèbre, le 5 avril 1814; rien
non plus dans le cabinet de travail. Mais la chambre à coucher, décorée sous
Louis XV, est remarquable par les délicieux encadrements des portes et par
sa cheminée en marbre blanc. Le lit de Napoléon, le berceau du roi de Rome,
le meuble à bijoux de Marie-Louise, la pendule et ses camées antiques, don
du pape Pie VII, sont plutôt des souvenirs historiques que des œuvres d'art.
La salle du Conseil est une fête pour les yeux. Boucher et Vanloo n'ont rien
fait de plus élégant. C'est le triomphe de l'art du XVIIIe siècle. Ces
allégories, ces amours blancs et roses, ces camaïeux rouges et bleus,
encadrés dans des arabesques d'une exécution facile et ingénieuse, forment
un ensemble harmonieux et doux à l'œil. Tout cela n'est pas d'un goût très
pur, mais la grâce est la plus forte, et si Louis XV n'avait pas laissé
d'autres traces dans le palais, il faudrait être indulgent pour lui.
L'ameublement de ce salon est en tapisserie de Beauvais, et l'énorme table
qui en garnit le milieu est faite d'un seul morceau de bois de Sainte-Lucie.
Le plafond de la Salle du Trône une merveille, attire tout d'abord les
regards. Dans le premier compartiment, huit amours soutiennent la couronne
royale avec les armes de France et de Navarre, et quatre aigles portent
chacun une couronne; dans le second, une coupole aux riches ornements est
semée de fleurs de lis et des chiffres de Louis XIV. La salle, avec ses
mesquines tentures de soie et son trône de style Empire, est un peu écrasée
par ce magnifique plafond. Les encadrements des portes et la cheminée, ornée
d'un portrait de Louis XIII, d'après Philippe de Champagne, rappellent un
peu la décoration qui devait autrefois compléter cette salle. A remarquer le
lustre en cristal de roche, qui a coûté, dit-on, cinquante mille francs. Le
boudoir de Marie-Antoinette est une petite salle dont Barthélemy a peint le
plafond et Beauvais les dessus de porte. La coloration est d'un ton rose,
plus étrange qu'harmonieux. Le parquet, d'acajou massif, est un remarquable
travail de menuiserie. N'oublions pas la cheminée ornée de bronzes de
Goutière, et, sur les petites consoles, de jolis vases en ivoire sculpté,
don de l'empereur d'Autriche à Napoléon. Il est plus que douteux que Louis
XVI ait forgé les espagnolettes des croisées.
La chambre à coucher de la reine possède un magnifique plafond en menuiserie
dans le style de celui de la salle du trône. Incomparables tentures en soie
de Lyon, brodées à la main. Si l'on veut juger de ce qu'étaient ces tentures
a l'époque où Napoléon les fit poser, il faut examiner le petit paravent
dont les panneaux repliés ont gardé toute leur fraîcheur. Outre
l'ameublement Louis XVI de cette pièce, on distingue surtout deux commodes
de Riesener avec cuivres de Goutière. Décoration Louis XV exécutée sous
Louis-Philippe dans le salon de Clorinde. Nous ne parlerons de la galerie de
Diane qui renferme la riche bibliothèque du palais, que pour la signaler
comme le plus bel exemple qui soit du goût détestable de la Restauration.
Les peintures des voûtes et les tableaux suspendus aux murs sont de la
dernière pauvreté. Mais sous cette galerie sans caractère, s'étend la
curieuse galerie des Cerfs, nouvellement restaurée. Aux murs, sont peintes à
fresque les vues des principaux châteaux de France, parmi lesquels nous
signalerons Chambord, Saint-Germain-en-Laye, Chantilly, le Louvre et les
Tuileries. Les poutres apparentes du plafond sont ornées de cartouches et
d'arabesques aux couleurs variées, ainsi que les embrasures des fenêtres.
C'est une très heureuse reconstitution. Par l'escalier de la Reine, garni
sous Louis-Philippe de tableaux de chasses, par Vanloo, Oudry et Desportes,
on remonte dans les grands appartements situés autour de la cour ovale. Dans
l'antichambre, outre un beau plafond en sapin du Nord avec caissons dorés,
on remarque d'anciennes tapisseries des Gobelins. Le salon des Tapisseries
(autrefois appelé salle des Gardes de la reine) doit son nom actuel à de
magnifiques tapisseries de Flandre, représentant les Amours de Psyché. Le
meuble, moderne, est de style Louis XIII. Sur une table, genre Boule, se
trouve un très beau vase en porcelaine cloisonnée de Sèvres.
Le salon de François 1er fut autrefois l'antichambre des appartements de la
reine. Sous Louis-Philippe, on a refait le plafond à compartiments et
restauré la cheminée monumentale dont l'ordonnance capricieuse date
évidemment de François 1er. On attribue au Primatice le médaillon central
représentant Mars et Vénus, et que surmonte un petit bas-relief en stuc
imité de l'antique. Tout autour de la pièce sont suspendues des tapisseries
de Flandre, figurant des chasses princières. Le salon de Louis XIII est
incontestablement l'un des plus beaux du palais. Louis XIII y vint au monde,
et, en mémoire de cet événement, Henri IV le fit décorer par Paul Bril et
par Ambroise Dubois, la pièce est entièrement boisée et peinte dans un ton
clair et riche à la fois. D'innombrables figures, des médaillons, des fleurs
et des fruits mêlés à des rinceaux capricieux encadrent les paysages de Paul
Bril. Les onze grandes compositions qui garnissent les murs et le plafond
représentent des scènes empruntées par Ambroise Dubois au roman grec
Théagènc et Chariclée. Par malheur la cheminée en marbre n'est pas de
l'époque. Admirer, sur une console, le beau coffret d'ivoire où Anne
d'Autriche enfermait ses bijoux. C'est dans le salon de Louis XIII que Biron
fut arrêté au sortir de la salle du Conseil. Le salon de Saint-Louis fut à
l'origine orné de peintures et de stucs comme la galerie de François 1er.
Mais Louis XIV les détruisit, et Louis Philippe a fait peindre en bleu et or
ce salon où l'on voit une cheminée, avec statue équestre d'Henri IV qui
provient de la célèbre belle cheminée, jadis placée dans la salle de
spectacle, et quelques tableaux anciens et modernes représentant des traits
de la vie de Henri IV. Le salon des Aides de camp n'est séparé du salon de
Saint-Louis que par une arcade sans portes. Le plafond et les lambris en
sont décorés d'ornements dorés, calqués, paraît-il, sur d'anciens modèles.
Aux murs sont suspendus quelques tableaux, dont l'un provient de l'ancien
salon de Clorinde et quatre du salon de Louis XIII, où ils complétaient la
série des compositions consacrées à Théogène et à Chariclée.
C'est à Louis Philippe-que l'on doit la salle des Gardes. Il n'y a d'ancien
que le plafond à poutres et solives apparentes, couvertes d'arabesques et de
cartels, et la frise, dont les ornements sur fond d'or représentent les
attributs des sciences, des arts, de l'industrie et du commerce, entrelacés
de guirlandes de laurier et de fruits que supportent des enfants. En outre,
la cheminée en marbre, œuvre de Jacquet et de son fils, a été refaite avec
les débris de la belle cheminée dont nous avons parlé plus haut. On attribue
à Francarville les statues de la Paix et de la Force, qui accompagnent le
buste de Henri IV. Panneaux peints, cuirs de Yenise, parquet en marqueterie
correspondant au dessin du plafond, tout le reste de la décoration est
moderne et l'on ne saurait trop louer l'habileté du décorateur, M. Mœnch,
qui a couvert la boiserie de figures allégoriques, d'emblèmes, de
médaillons, de devises et de chiffres se rapportant à François 1er, a Henri
II, à Antoine de Bourbon, à Henri IV et à Louis XIII, dont les portraits en
camaïeu sont placés au-dessus de chacune des cinq portes, vraies ou fausses,
de la salle. Au sortir de la salle des Gardes, on traverse une petite pièce
dont la coupole peinte est digne d'attention, et l'on pénètre dans
l'escalier du Roi, pratiqué sous Louis XV, dans l'ancienne chambre de la
duchesse d'Etampes. Ce prince iconoclaste a respecté les tableaux et les
encadrements en stuc que François 1er avait placés autour de cette salle.
Nicolo del l'Abbate a peint, croit-on, ces tableaux sur les dessins du
Primatice. Ils représentent des scènes empruntées à l'histoire d'Alexandre.
La restauration assez adroite en est due à Abelde Pujol qui a eu le tort de
substituer une composition figurant Alexandre coupant le nœud gordien à la
Mascarade de Persépolis, dont la gravure se trouve à la Bibliothèque
nationale. Quant aux figures en stuc, Michelet les attribue à Jean Goujon.
Ces figures exquises, la reine Marie Leczinska les trouva cependant trop
nues et les fit couvrir de sottes draperies.
Un étroit couloir conduit à la salle de bal, plus connue sous le nom de
galerie Henri II. Ici l'on doit admirer sans réserve et l'on a sous les yeux
la merveille du palais et de la Renaissance française. C'est une salle de
trente mètres de long sur dix de large. Sur chaque face, cinq énormes
fenêtres, à plein cintre, aux profondes embrasures, prenant jour sur la cour
ovale et sur le parterre. Au-dessus de la porte d'entrée, et sur toute la
largeur de la salle, des consoles sculptées soutiennent une tribune en
menuiserie dont l'appui est sculpté et doré. En face se dresse la cheminée
monumentale. Sur l'entablement le H de Henri II se détache gigantesque au
milieu des croissants et des lauriers, entre des colonnes doriques qui ont
remplacé deux satyres de bronze. Ce premier corps est surmonté de colonnes
ioniques qui encadrent les armes de France, dans un grand cartouche entouré
de festons, de guirlandes de fleurs, et surmonté d'un croissant, emblème
équivoque de Henri II. Le plafond est composé de vingt-sept caissons
octogones, aux robustes reliefs, où se détachent sur fond d'or et d'argent
l'éternel croissant, le chiffre du roi et sa devise: Donec totum impleat
orbem: "Jusqu'à ce qu'il remplisse tout l'univers". Le plancher en bois des
îles reproduit les dessins du plafond. Tout autour de la salle court une
boiserie en bois de chêne ciré, à filets, chiffres et emblèmes d'or. Mais ce
qui rend cette salle infiniment précieuse, ce sont les magnifiques
compositions que Nicolo del l'Abbate exécuta d'après les dessins du
Primatice, sur les murs et dans les embrasures des fenêtres. Huit grands
sujets occupent l'espace compris entre les fenêtres et au dessus. Ce sont, à
partir de l'en- trée, du côté du parterre: Cérès et les Moissonneurs;
Vulcain forgeant des traits pour l'Amour sur tordre de Vénus ; le Soleil
parcourant le Zodiaque; Philémon et Baucis récompensés pour avoir donné
l'hospitalité à Jupiter, et les Phrygiens punis pour l'avoir refusée, et, en
revenant vers l'entrée du côté de la cour ovale: les Noces de Thétis et de
Pélée; l'Assemblée des dieux; Apollon et les Muses; une Bacchanale.
Au-dessus de la tribune, une grande fresque représente un Concert. De chaque
côté de la cheminée se trouvent deux tableaux: Hercule combattant le
sanglier d'Erymanthe et un Gentilhomme combattant un loup-cervier. Enfin,
dans les embrasures des fenêtres sont peintes cinquante figures de héros et
de dieux.
En revenant sur ses pas, au sortir des chapelles, on traverse l'appartement
de Mme de Maintenons situé au premier étage de la porte Dorée. C'est une
agréable habitation, quoique un peu sombre, et parmi les cinq pièces qui la
composent, toutes meublées avec luxe, on remarque surtout le grand salon,
formé pour moitié de la vaste loge qui donne tant de caractère à
l'ordonnance de la porte Dorée. La boiserie de ce salon, blanche, avec
rinceaux d'or, est du style Louis XIV. L'ameublement en est riche, et parmi
les pièces qui le composent, on remarque un petit écran brodé par les
demoiselles de Saint-Cyr. La galerie de François 1er rivalise avec la
galerie Henri II. Peut-être même la décoration en est-elle plus savante et
plus ingénieuse. Elle est étroite, longue (64 mètres sur 6) et basse,
quoique Louis-Philippe ait eu le tort d'exhausser le plafond et d'enlever
ainsi toute signification à un certain nombre de figures inclinées dans tous
les sens comme pour en soutenir le poids. Le plafond, hâtons-nous de le
dire, a été conservé tel quel. Il est divisé en sept compartiments,
correspondant aux sept travées de la galerie, et se compose de caissons, peu
profonds, de formes variées, en noyer avec moulures dorées. Le lambris est
garni, par le bas, de boiseries en noyer dont les panneaux sont ornés de
trophées, des armoiries, des salamandres et des chiffres de François 1er,
sculptés en plein bois avec une étonnante vigueur. Mais ce qui distingue
surtout cette galerie, ce sont les trumeaux qui la garnissent sur ses deux
faces, trumeaux composés de tableaux et d'encadrements en stuc. Le vestibule
de la chapelle, qui suit la galerie de François 1er, est remarquable par les
riches sculptures de ses portes en chêne massif. Il conduit, à gauche, dans
l'appartement des Reines-mères ou du pape Pie VII, qui fut successivement
habité par les reines Catherine de Médicis, Marie de Médicis, Henriette de
France, femme de Charles II d'Angleterre, et Anne d'Autriche. Le pape Pie
VII y passa le temps de son séjour à Fontainebleau. Cet appartement,
magnifiquement meublé, est surtout remarquable par son salon et par la pièce
qui servit tour à tour de chambre à coucher aux reines qui l'habitèrent et
de chapelle à Pie VII.
On arrive dans ces deux pièces en traversant une antichambre ornée de
tentures en imitation de cuir de Cordoue, et une salle de billard, garnie de
tapisseries des Gobelins représentant la vie d'Esther. Le salon frappe
d'abord par son plafond doré à compartiments, figures allégoriques en
relief, chiffres entrelacés de Louis XIII et d'Anne d'Autriche. La
tapisserie qui couvre les lambris est un morceau unique, tissé, croit-on,
sur les dessins de Jules Romain ou de Raphaël, à l'ancienne manufacture des
Gobelins. Le coloris en est harmonieux et brillant comme au premier jour. La
chambre à coucher possède un délicieux plafond, peint sous Louis XIII par
Cottelle, de Meaux. De fines arabesques, aux nuances délicates, se marient
capricieusement, dans chaque compartiment, aux chiffres d'Anne d'Autriche et
de Louis XIII, et se reproduisent au-dessus des portes, autour des portraits
de cette reine et de Marie-Thérèse. Les murs sont tendus de tapisseries des
Gobelins, d'après Coypel. On passe ensuite dans une série de pièces moins
intéressantes ayant vue sur l'étang et comprises sous le nom d'appartements
de Louis XV, où nous ne voyons à signaler qu'une belle chambre à coucher qui
fut, sous Louis-Philippe, celle du duc et de la duchesse d'Orléans, et un
salon de réception où sont placés deux tableaux de fleurs semblables, l'un
en peinture, l'autre en tapisserie des Gobelins. L'on sort de ces
appartements par la galerie des Fastes, où sont placés des tableaux, entre
autres une Diane nue, attribuée au Primatice, et qui serait le portrait de
Diane de Poitiers, et l'on arrive dans la galerie des Assiettes, où
Louis-Philippe a fait placer, dans la boiserie, des assiettes en porcelaine
peinte représentant les résidences royales, et au plafond, des peintures
d'Ambroise Dubois provenant de la galerie de Diane et qu'Alaux a
transportées sur toile avec un bonheur singulier. La salle de spectacle, que
l'on visite en dernier lieu, a été construite en 1855 sur les plans de
Lefuel. Elle est entièrement tapissée de satin jaune, et présente aux
lumières un charmant coup d'œil. Elle n'a servi que huit fois.
Le parc du palais de Fontainebleau se divise en quatre parties, parfaitement
distinctes les unes des autres. La moins importante est le Jardin de Diane,
dessiné à l'anglaise, et qui s'étend au nord du palais, entre la galerie des
Cerfs et les appartements de Napoléon 1er. La seule curiosité qu'il renferme
est une fontaine ornée de têtes de cerfs et d'une copie en bronze de la
Diane chasseresse qui est au musée du Louvre. Vient ensuite le Jardin
anglais, tracé sous Napoléon 1er sur l'emplacement du Jardin des Pins. On y
voyait encore, an XVIIIe siècle, la fontaine Beleau, qui a, paraît-il, donné
son nom au palais. Parmi beaucoup d'arbres rares il faut signaler
d'admirables cyprès de la Louisiane, qui n'ont leurs pareils que dans le
parc de Rambouillet. C'est du Jardin anglais que l'on peut aller visiter, a
l'extrémité de l'aile neuve, ce qui reste de la fameuse grotte des Pins. Ce
sont quatre figures colossales de Termes, formées de blocs de grès à peine
dégrossis et grossièrement joints, encadrant, au fond d'une cour de service,
trois arcades maintenant bouchées. L'effet est d'une puissance singulière.
Il est fâcheux qu'on ait laissé tomber en ruines ce monument original. Le
parterre, séparé du jardin anglais par l'étang, est une belle esplanade aux
charmilles rectilignes encadrant quatre massifs de fleurs et un bassin
carré. A l'extrémité sud se trouve une pièce d'eau en forme de fer à cheval,
au centre duquel se trouve le bassin du Tibre. Le parterre offre de beaux
points de vue, soit que le regard se porte sur la forêt et les rochers
d'Avon, soit qu'on embrasse d'un coup d'œil la ligne imposante et
pittoresque des bâtiments du palais. C'est de l'extrémité sud du parterre
que ce vaste "rendez-vous de châteaux", suivant le mot connu d'un Anglais,
présente l'ensemble le moins disparate. Voici d'abord le pavillon de Sully,
avec son faîtage aigu; puis la silhouette dentelée des constructions en
brique de la cour des Offices; la façade grandiose de la galerie Henri II,
avec ses robustes arcades coupées par les contreforts en saillie de la
chapelle Saint-Saturnin; la porte Dorée, ses lucarnes, ses cheminées et son
toit élancé; enfin, à demi cachée par les ormes de la chaussée Maintenon, la
cour des Fontaines, qui semble borner le palais. L'ensemble est
véritablement royal. Vers l'Est, le parterre se termine par une terrasse
dominant un beau canal de 1200 mètres de longueur, sur les côtés duquel
courent deux allées d'ormes deux fois centenaires. On descend dans le parc
qui entoure ce canal par une double rampe encadrant un château d'eau nommé
les Cascades, et décoré de statues et de vases. Le parc est vaste; des
bosquets ombrageux alternent avec de belles pelouses, et les étrangers ne
manquent pas de le traverser pour aller admirer la fameuse Treille du roi,
qui produit jusqu'à 4000 kilogrammes d'excellent chasselas. (1)
Éléments protégés MH : le château : classement par liste de 1862. Les
façades et les combles de la Cour Henri IV ; les façades et les combles de
la Cour des Princes ; les façades et les combles du Pavillon Sully :
classement par arrêté du 20 août 1913. Le manège de Senarmont (ancien manège
impérial) : classement par arrêté du 10 octobre 1930. Le domaine national de
Fontainebleau : en totalité, les parties bâties et non bâties du domaine, y
compris les murs de clôture et terrains des Héronnières avec l'esplanade et
le terrain sud-ouest attenant, boulevard Magenta : classement par arrêté du
22 janvier 2009. (2)
château de Fontainebleau 77300 Fontainebleau, depuis 1981, il est
avec son parc sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco, tel. 01 60 74 99 99,
ouvert au public tous les jours sauf le mardi. D’octobre à mai de 9h30 à
17h. De juin à septembre de 9h30 à 18h.
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