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Sur le contrefort de droite de la Seine existait jadis le village de
Tournenfuye ou Tournensie. Ce village, comme celui de Quinquempoix, qui en
était très rapproché, a depuis fort longtemps disparu et c'est à peine si
maintenant, dans les taillis et sous les futaies du Domaine de Graville, on
en trouve quelques vestiges. Tournenfuye ou Tournensie fut le siège d'une
seigneurie qui, plus lard, devint baronnie. son nom a donné lieu à des
interprétations les plus nombreuses et peut-être trop fantaisistes pour
qu'on puisse y ajouter foi. Le premier seigneur de Tournenfuye fut Gauthier
de Villebéon, premier du nom, seigneur de Cernay (plus tard La
Chapelle-en-Brie, La Chapelle-Gauthier), de Villebéon, près Lorrez-le-Bocage,
et d'autres terres. Ce personnage fut premier chambellan de France sous les
rois Louis le Jeune et Philippe Auguste. Il avait épousé Aveline ou Hameline,
fille de Ursion, seigneur de Nemours, qui lui apporta en dot les seigneuries
de Nemours, Guercheville, Garentreville, etc. Il donna, en 1174, à l'abbaye
de Barbeau, ce qu'il avait à La Chapelle-Gauthier et, en 1186, pour le repos
de l'âme du roi Louis, ce qu'il possédait à Paris, proche la rivière de
Seine et de l'église Saint-Paul où depuis fût bâti l'hôtel de l'abbaye de
Barbeau. Il mourut fort âgé en 1205, après avoir liquidé le différend entre
les chanoines de Nemours et le prieur de Néronville, auquel il confirma en
1193 les héritages qu'il avait acquis de l'Hôtel-Dieu de Nemours. Comme chef
de la Maison de Villebéon, il avait pour armes "de sinoples à 3 jumelles
d'argent". Gauthier II de Villebéon, dit le Jeune, succéda à Gauthier 1er en
l'office de chambellan de France et aussi aux seigneuries de Villebéon, La
Chapelle Gauthier et Tournenfuye. Il fut aussi seigneur de Baigneaux, près
Tonnerre. En 1215 il construisit le cloître de Barbeau et y fit beaucoup de
bien. Il partit en Terre Sainte, fut fait prisonnier et mourut peu de temps
après. Adam de Villebéon son fils, issu de son mariage avec Elysabeth, lui
succéda dans la charge de chambellan et fut seigneur de Villebéon, La
Chapelle-Gauthier, Tournenfuye, Baigneaux et Fontaines. Pieux comme l'était
son père, il légua des biens situés à Champagne, a 5 chanoines de l'abbaye
du Jard, dont deux devaient résider au Jard, deux a Tournenfuye et le
cinquième à Villebéon, à la charge de célébrer chaque jour l'office des
morts à son intention.
Adam avait épousé Isabelle qui eut sa sépulture au Jard, près Melun, où elle
était représentée avec son mari "et un écusson avec 3 jumelles et une
bordure engrêlée". Gauthier III, seigneur de Villebéon et Tournenfuye, dit
le Chambellan, qui mourut en 1238 et eut de sa femme Alix de Vierzon;
Pierre, dit le Chambellan; Adam de Villebéon, dit aussi le Chambellan,
soigneur de Tournenfuye, exécuteur testamentaire en 1260 de son oncle
Mathieu et de sa femme Philippe; Guillaume de Villebéon, mort sans enfants
comme son frère Adam; enfin, deux filles, Isabelle et Marguerite. Isabelle,
soeur de Gauthier III, appelée la Chambellane, épousa en première noces
Mathieu de Montmirail, et en secondes noces Robert de Dreux, prince du sang.
Une fille issue de ce dernier mariage épousa Gauthier de Chastillon,
connétable de France, et porta la seigneurie de La chapelle-Gauthier dans la
Maison de Melun. Gauthier IV resta longtemps sous là tutelle de son oncle,
fut chambellan et seigneur de Villebéon et Tournenfuye. Il épousa Eléonore
de Melun, fille d'Adam III, vicomte de Melun. De ce mariage naquirent deux
filles, dont l'une, Marguerite, fut la seconde femme de Guillaume Crespin,
VIe du nom, seigneur d'Estrepagny, et l'autre, dont le nom est inconnu,
épousa le comte de Roucy. Guillaume Crespin, en 1297, plaida contre le comte
de Roucy, au sujet de la succession de Marguerite de Villebéon. Voilà quelle
fut la filière des seigneurs de la Terre de Tournenfuye; seigneurs dont le
nom s'éteignit par les femmes et dont les biens se réunirent à ceux de la
Maison de Melun. Le château de Tournenfuye fut construit par Adam, vicomte
de Melun, en 1235. Il était à cette époque muni de canons, de troupe
d'arquebusiers, et qui en somme constituait un véritable château-fort. La
seigneurie de Tournenfuye fut absorbée dans le domaine royal, et demeura un
fief des "chastels et ville de Melun", subit des aliénations successives et
en 1360, nous la retrouvons constituant un douaire au profit de Jeanne de
Maligny, dame de Rochefort et du Puiset, veuve de Jean d'Andrezel,
chambellan du roi. Les de Montmorency furent ensuite propriétaires de la
seigneurie et du château de Tournenfuye, en la personne de Guillaume de
Montmorency.
Telle est l'histoire de la terre, de la seigneurie de Tournenfuye et de ses
propriétaires depuis l'origine jusqu'en 1435. Il est à remarquer que
toujours, depuis l'origine, cette seigneurie fut l'apanage des chambellans
de France et grands dignitaires de la Cour. En 1435, la seigneurie et le
château appartenaient à Bonne Elysabeth de Montagu, fille de Jehan de
Montagu. Elle était veuve en secondes noces de Pierre de Bourbon, sire de
Préaux et Dangu; à son décès, ce fut sa soeur Jacqueline qui hérita de cette
terre. Jacqueline avait eu pour premier mari Georges de Montbazon, tué à
Azincourt en 1415. Elle se remaria avec Jean Malet, IVe du nom, sire de
Graville. Voilà comment la seigneurie et le château de Tournenfuye devinrent
la propriété des Mallet de Graville et des Balsac d'Entragues leurs
successeurs; ils les conservèrent jusqu'en 1680. Jehan de Graville le jeune,
"escuier, conseillier aussi et chambellan de notre très chier et très amé
filz le Daulphin de Viénnoys, fait hommage au roi de France, en la chambre
des comptes et pour raison du lieu de Tournenfye et ses appartenances".
Jehan de Graville, Ve du nom, eut pour fils Louis Mallet, 1er du nom; sire
de Graville, Marcoussis, Sées, Bernay, Montagu, Tournenfuye et autres lieux,
amiral de France, gouverneur de Picardie et de Normandie, chevalier de
l'Ordre du Roi, capitaine de 100 gentilshommes de sa Maison, marié à Marie
de Balsac. Par son testament du 22 mai 1514 il ordonna que ces domaines
fussent rendus au roi, et en considération des grands bienfaits qu'il avait
reçus de ses prédécesseurs, le suppliant de décharger de pareille somme les
bailliages de son royaume les plus chargés d'impôts, afin que ce legs servît
au soulagement du peuple. Mort à Marcoussis le 30 octobre 1516, il fut
enterré dans l'église des Cordeliers de Malesherbes, qu'il avait fondée.
Marié à Marie de Balsac, morte le 23 mars 1503, fut enterrée dans l'église
des Célestins de Marcoussis. Ils eurent quatre enfants dont Louis et
Joachim, morts jeunes; Louise, femme de Jacques de Vendôme; et Jeanne,
émancipée par son père, le 24 juin 1485, mariée à Charles d'Amboise, puis à
René d'Illiers, auquel elle donna par contrat les terres de Marcoussis,
Gonnetz-le-Châtel, Châtres et Nozay-la-Ville, le 16 août 1526. Morte au
château de Marcoussis, le 18 septembre 1540, le légataire universel fut
Guillaume de Balsac d'Entragues, son neveu.
Les Malet avaient emprunté leur nom de Graville à une terre et à un vieux
château fort qui était situé à Graville-Sainte-Honorine. Ce château était
situé près de la mer. A l'époque où les Malet de Graville devinrent
propriétaires de la seigneurie et du château de Tournenfuye, leur château de
Graville Sainte-Honorine, près du Havre, tombait en ruines. C'est alors que
près du château de Tournenfuye, ils construisirent un autre château auquel
ils donnèrent le nom de Graville. Il y eut donc, à l'époque, deux châteaux
peu éloignés l'un de l'autre, ainsi que l'affirme la carte de la sirerie et
du comté de Graville et des baronnies de Tournenfuye et d'Héricy, en 1688.
De 1531 à1599, nous ne trouvons aucune trace de foi et hommage concernant
Tournenfuye et Graville, mais, en 1568 et 1583, des lettres patentes érigent
en baronnies, les châtellenies d'Héricy et Tournenfuye, et en comté la
sirerie de Graville. Le sire de Graville, en 1583, était Charles de Balsac
le Jeune, tué à la bataille d'Ivry en 1590. Il était troisième fils de
Guillaume de Balsac et de Louise de Crevant d'Humières, et frère de Charles
de Balsac, seigneur des Dunes, dit le Bel-Entraguet, qui fut comte de
Graville, et père d'Henriette En 1599, époque à laquelle se déclara, au
château de Chenonceaux, la passion de Henri IV pour cette dernière,, le
Bel-Entraguet était mort et comme les enfants mineurs de Charles de Balsac
le Jeune étaient encore en tutelle, il est très normal de supposer, eu égard
à la proximité de Bois Malesherbes et de Graville, que le roi profitait du
château de Graville pour y villégiaturer avec sa nouvelle maîtresse. Voilà,
d'un autre côté, ce qui peut fournir une sérieuse créance au séjour de Henri
IV et de Henriette dans le vieux château. Son attachement pour Henriette fut
délirant de 1599 à 1601 et de 1604 à 1608. Les lettres missives en font foi.
Henriette n'était pas la femme délicieuse et charmante que fut Gabrielle
d'Estrées, c'était la maîtresse impérieuse, lascive, remplie de finesse et
d'astuce qui dominait le roi par les sens et n'avait pas craint d'exiger de
lui, en abandonnant à ses caprices, une promesse de mariage que Sully
déchira.
Que ce soit Henriette ou Gabrielle qui aient hanté le château de Graville,
avec Henri IV, il n'en résulte pas moins que leurs deux figures restent
parallèles dans le souvenir du vieux château, dans ce cadre de verdure et
dans ces solitudes vers lesquelles Henri s'orienta souvent pour satisfaire
les ardents désirs et la vive passion que lui inspirèrent la fille du
maréchal d'Estrées et, après la mort de cette dernière en 1599, la
descendante de François de Balsac. Henri de Balsac, écuyer, conseiller du
roi en son Conseil d'Etat, chevalier ordinaire de la Chambre, marquis de
Clermont d'Entragues, comte de Graville, baron des baronnies des Dunes, de
Tournenfuye et d'Héricy, avait épousé Louise Lhuillier. Nous trouvons dans
les archives de la mairie de La Celle-sous-Moret, la copie de son acte de
décès, en date de 1648. Il laissa, en mourant, deux filles, dont l'une,
Louise, épousa le 3 septembre 1647, Louis de Bretagne d'Avaugour, et
l'autre, le 28 mai 16S1, Jean-Gaspard-Ferdinand, comte de Marchin. En 1669,
à là suite d'une séparation de biens avec son mari, la comtesse de Marchin
faisait aveu et démembrement des terres et seigneuries de Graville le 15
juin 1669. Elle conserva le comté de Graville et les baronnies de
Tournenfuye et d'Héricy, jusqu'au 22 juin 1680, époque à laquelle elle les
vendit au chevalier Jean-Edouard de Poussemothe de l'Etoile. C'est ainsi que
ces domaines sortirent pour toujours de la famille de Balsac. Jean-Edouard
obtint du roi des lettres de confirmation du titre de comte de Graville,
datées du mois d'octobre 1685, enregistrées en la Chambre des Comptes le 20
février 1688 et au Parlement le 31 août 1689. Il eut cinq enfants de son
mariage avec Marie de la Grange-Trianon. Charles, son fils, épousa le 24 mai
1737, Catherine Olive de la Salle, plus tard remariée au comte de
Talleyrand, ayant de son premier mariage un garçon et une fille, à savoir
Jean-Baptiste-Charles de Poussemothe de l'Etoile, comte de Graville, mort
cornette de cavalerie au régiment de Talleyrand, à l'armée du Bas-Rhin, le
22 mai 1761, sans alliance.
Les 7 et 15 septembre 1731, Marie, marquis de Fresnoy, seigneur de
Neuilly-en Thelle, achetait à sieur et dame de Poussemothe de l'Etoile le
domaine de Graville. Il était fils de Nicolas de Fresnoy, abbé qui quitta la
carrière ecclésiastique et épousa à Orléans Louise-Alexandrine de Coligny.
Marie, marquis de Fresnoy, était l'aîné de la famille; il avait lui-même
épousé le 10 octobre 1730, Charlotte Rivié et mourait le 17 octobre 1735,
laissant trois enfants dont Thomas-Marie de Fresnoy et deux filles dont
l'une épousa, en 1751, Charles-François d'Orillac. A sa mort, le domaine,
fut conservé par sa veuve et ensuite transmis à son fils Thomas-Marie de
Fresnoy, qui fut officier de cavalerie. Le comte Thomas-Marie de Fresnoy
avait épousé en premières noces Reine-Modeste Duperthuis de Menneville.
Cette dame mourut à 26 ans au château de Tournency Graville. Le comte de
Fresnoy n'eut pas d'enfants de son premier mariage. Il épousa en secondes
noces Marie-Marguerite Lemoine Monnier, dont il n'eut aucun héritier. Cette
dame, à la suite du décès du comte de Fresnoy, se remaria à Monsieur le
marquis de Mathey Fontanille, officier de cavalerie. Elle a laissé à La
Celle-sous-Moret de très durables souvenirs. Elle nourrit et chauffa dans
son château, pendant près d'un mois, plus de 50 personnes, faisant en outre
porter chez ceux de ces paysans que leur âge ou les infirmités empêchaient
de chercher un asile auprès d'elle, tout ce qui pouvait être nécessaire à
leur guérison et à leur subsistance. Aux archives de la commune de La
Celle-sous Moret, figurent des pièces concernant le marquis et la marquise
de Fontanille. Elles nous révèlent que, pendant la Révolution, le marquis
fut arrêté, incarcéré à la prison Pélagie, que ses biens furent mis sous
séquestre et qu'ensuite il rentra en leur possession après production de son
certificat de non émigration et de ses quittances de paiement d'impositions
mobilières de 1792 et de toutes contributions patriotiques. Le marquis de
Fontanille était propriétaire de Graville, en vertu d'une donation
universelle de ses biens qui lui avait été faite par la marquise sa femme,
née Lemoine Monnier; elle-même en était devenue propriétaire au décès de son
premier mari, le courte de Fresnoy, qui, en mourant, lui avait abandonné
tous ses biens.
Le marquis de Fontanille mourut à Paris le 19 ventôse an VII. À la suite de
son décès, ses héritiers poursuivirent la licitation de Graville et c'est
alors qu'intervint le jugement d'adjudication du 19 juillet 1806, au profit
de Monsieur Jean-Louis Tourteau d'Orvilliers. De 1806 à 1903 le domaine se
transmit successivement aux héritiers du marquis et de la marquise d'Orvilliers.
Le plus parfait administrateur que cette terre ait possédé, fut la Comtesse
de Lancosme. Cette femme remarquable à tous égards, dont l'énergie, la
volonté, la connaissance profonde des questions d'agriculture et de
sylviculture, l'intelligence se révélait dans tous les détails, avait toutes
les aptitudes d'un homme pour diriger la gestion de Graville. En 1863, elle
fit restaurer le château et elle le fit évidemment en changeant le style
ancien, mais avec un goût exquis et en conservant précieusement la base des
vieilles tours, l'arcade du pont-levis, la fontaine du roi Henri, en un mot
tout ce qui avait un cachet artistique et historique dans le vieux château.
Madame la comtesse de Lancosme, devenue veuve et après avoir marié ses
filles à M. le comte de Bastard et à M. le comte d'Orglandes, fit de
Graville son séjour habituel et y habitait loute l'année. Il n'était pas
rare de l'apercevoir avec son fidèle régisseur M. Boutard, parcourant les
coupes et effectuant les balivages, chaussée de petites bottes et vêtue de
robe courte. La comtesse de Lancosme mourut au château de Graville, le 28
février 1888. Le domaine fut partagé entre ses héritiers comme l'indique
l'assiette de propriété fournie par maître Huguenot, notaire à Paris.
Graville fut attribué à M. le comte d'Orglandes, qui le conserva pendant
quelques années, et finalement le vendit à M. Rouliot, ingénieur, le 20 juin
1903. Graville, après avoir été l'apanage de l'aristocratie du nom, devenait
ainsi celui de l'aristocratie de l'industrie et du travail. Telle est
l'histoire de la terre de Graville depuis son origine jusqu'en 1906. (1)
Éléments protégés MH : les façades et les toitures du châtea de Gravilleu;
les douves; les façades et les toitures des communs; les deux cheminées
monumentales dans le vestibule et la salle à manger du château; le parc:
inscription par arrêté du 15 septembre 2006. (2)
château de Graville 77670 Vernou-la-Celle-sur-Seine, tél. 01 64 23 08 97,
Jérôme et Diane des Diguères, le château met à votre disposition plusieurs
salles de réunion et de nombreux espaces de détente. Aux beaux jours, ils
vous offrent la possibilité d'apprécier les extérieurs du château en
organisant une "garden party" ou un cocktail.
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