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Le
château de Gaïx que nous pouvons admirer aujourd’hui est une splendide
construction qui ne doit pas faire oublier le vieux château médiéval qui
jusqu’au début du XIXe siècle fut le symbole d’une puissante seigneurie: le
château de Geccaco (Gaïx) est cité dès 1035. Philippe de Montfort attribua
la seigneurie de Gaïx et ses dépendances à Jean de Burlats le Vieux. En
1313, les fils de ce dernier en firent la cession à Pierre-Raymond de
Montbrun, dont la fille épousa en 1374 Hugues de Cardailhac de Bioules, et
les descendants de ces derniers conservèrent Gaïx jusqu’en 1719. Grâce à de
fines alliances, les Cardailhac devinrent rapidement parmi les plus
importants et les plus riches seigneurs du Midi. Élevés au rang de marquis
tout en étant comtes de Bioules, dans le Lot, ainsi que seigneurs d’une
grande quantité de fiefs, ils furent également conseillers du roi, sénéchaux
de la ville et du comté de Castres, etc. L’on sait notamment qu’en 1511,
Pierre de Cardailhac fit hommage au roi Louis XII, de Boissezon, Las
Faillades et de Gaïx. Avec les siècles, les Cardailhac firent de Gaïx une
citadelle imprenable malgré plusieurs sièges durant les guerres de Religion.
En 1632, les revenus du baron de Gaïx étaient de plus de 61000 livres et ses
seigneuries évaluées à plus de 300000 livres. Son château avec ses
dépendances couvrait près de deux hectares entourés de hautes murailles et
protégé de seize tours. Comptant 52 pièces richement meublées et décorées,
le château était servi par 44 valets et 15 servantes. Le dernier membre de
cette famille mourut en 1660.
Curieusement, le nom de Molière semble pouvoir être attaché par un lien ténu
au château de Gaïx grâce à la personne de M. de Bioules, seigneur de Gaïx,
qui entra dans l’histoire à la suite de la défaite de Castelnaudary de 1632:
c’est là que la noblesse du Languedoc ayant participé à la rébellion de
Montmorency fut mise en déroute par les hommes du cardinal de Richelieu.
Nommé gouverneur du Languedoc, Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII et
ennemi déclaré de Richelieu, ne trouva rien de mieux que de choisir pour le
représenter trois lieutenants-généraux rescapés de Castelnaudary et ennemis
de Richelieu, dont Bioules. Sous la protection de Gaston d'Orléans, la
noblesse du Languedoc ne tarda pas à tenir le haut du pavé du Marais et
c’est dans ces salons parisiens que Molière put rencontrer de grands
seigneurs du midi tels que le comte de Bioules. Après l’échec de "l’Illustre
Théâtre", Molière et Madeleine Béjart descendirent dans le midi en quête de
protecteurs. On ne connaît que peu de choses sur ce séjour, mais il est plus
que probable que Molière ait rendu visite en priorité à ses protecteurs et
amis, sachant qu’outre M. de Bioules, le deuxième des trois
lieutenants-généraux, M. d’Aubijoux, avait aussi une maison dans le Tarn et
paya de nombreuses représentations données par Molière. L’on peut rêver à
ces rencontres en lisant les "Antiquités de Castres" où Pétrus Borel nous
décrit le jardin du comte de Bioules: "Nous avons des lieux de plaisance qui
sont très délicieux, les uns naturels et les autres par artifice entre
lesquels sont Gaïx, place du comte de Bioules, qui n’a pas de pareille pour
les beautés naturelles".
Hélas, si sur la communede Laguarigue, entre Lavitarele et Valdurenque, sont
conservés une partie des souterrains et des communs de l’ancien château,
aujourd’hui occupés par une ferme, le château aux nobles tours du XVIe
siècle a été entièrement rasé. Cependant, avant de disparaître, le vieux
château connut les heures sombres de la Révolution. En 1719, criblés de
dettes, les Cardailhac avaient vendu Gaïx à Louis de Richard, parlementaire
toulousain. Durant la Terreur ne résidaient à Gaïx que trois orphelins dont
l’aîné avait à peine quinze ans: ils y subirent les visites domiciliaires,
apprirent l’exécution de leur oncle guillotiné à Angers et l’horrible fin de
la fille de ce dernier, fusillée quelques jours après son père. L’on
comprendra sans peine qu’une fois la tourmente calmée, les deux garçons
aient rejoint au plus tôt la réaction royaliste. Sous le Directoire, les
deux jeunes hommes causèrent dans le voisinage des troubles mineurs mais qui
firent que Castres perdit la préfecture au profit d’Albi. Trop liés au
soulèvement royaliste du sud du département, Emmanuel et Gabriel jugèrent
tout de même plus prudent d'abandonner le château. L’un des garçons trouva
refuge au château d’Espine, en plaine forêt d’Anglés, ou il fut reçu par
madame de Reynaud de Roquefeuil, veuve d’un monsieur Boulade de Celtoie.
Vivait également au château la fille de ces derniers, Claire, âgée de
dix-sept ans, et ce qui devait arriver arriva: les deux jeunes gens se
marièrent en 1800 et furent les parents de Coraly de Gaïx qui écrivit de si
jolies choses sur la vie dans le Tarn au début du XIXe siècle. C’est
d’ailleurs elle qui nous a laissé le plus saisissant portrait du vieux
château aujourd’hui disparu: "Le château était si grand, si délabré, que mon
père se décida à le détruire pour en construire un autre dont Edmond (le
seul garçon de ses cinq enfants) posa la première pierre. J'étais bien jeune
alors, et pourtant cette scène me donna un sentiment de tristesse que je ne
savais pas encore m'expliquer, mais l’enfant avait joué à l’ombre de ces
vieilles tours où l’hirondelle bâtissait son nid, et ni l’une ni l’autre
n’aiment à les voir abattre".
Il est vrai qu’à un autre moment, évoquant le vieux château, Coraly
décrivait: "Vieilles tours, remparts à demi ruinés, des salles énormes
ornées de tapisseries à grands personnages et de vieux portraits, de larges
fossés, des corridors sombres et obscurs, des escaliers tournant, le cri des
chouettes et des hiboux, des bois immenses que les contes populaires
peuplaient d’apparitions surnaturelles". L’on comprend alors que la famille
ait eu à cœur sous l’Empire de se faire construire une demeure plus aimable.
Edmond, le frère de Coraly, ne se maria pas et sa sœur Mathilde ayant épousé
un gentilhomme du Roussillon, Jean de Blay, c’est elle et son mari qui
conservèrent Gaïx. De nous jours, Gaïx présente un corps de logis à neuf
travées au milieu duquel un avant corps en hémicycle abritant un beau salon
crée une noble animation ainsi qu’une division tripartite de la façade, les
trois travées de la rotondes étant flanquée du même nombre de travées sur
les ailes de la façade. Coiffée d’une toiture en dôme, la rotonde est de la
même hauteur que le logis et est soulignée par la corniche denticulée
courant sous le toit de celui-ci, ce qui crée une parfaite intégration des
volumes les uns par rapport aux autres. Construit sur un soubassement, le
château comporte un rez-de-chaussée surmonté d’un étage de lucarnes carrées
donnant aux travées une noble ordonnance. Les grandes fenêtres au sobre
décor ont été remplacées sur la rotonde par de belles portes fenêtres en
demi cintre ouvrant sur le perron auquel conduit l’escalier à double volées
et, par une heureuse disposition, l’étage de la rotonde n’a pas reçu
d’ouvertures. Cette simplicité confère à l’avant corps une noblesse accrue
et accentue l’aspect éminemment néo-classique de cette noble demeure.
Lorsque l’on découvre ce ravissant château au milieu de son parc, l’on
comprend que jusqu’à la Première Guerre mondiale, une charmante coutume ait
voulu que, le Lundi de Pâques, la jeunesse de Castres se rende à Gaïx pour
cueillir du lilas et ramasser des jonquilles dans le parc. De nos jours,
Gaïx appartient toujours à la famille de ce nom qui apporte le plus grand
soin à la sauvegarde de cette belle maison de famille. (1)
château de Gaïx 81090 Valdurenque, propriété privée, ne se visite pas.
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