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L'étymologie du nom de Dampierre a été
longuement discutée: d'après les uns, la traduction de ce mot serait la
maison de Pierre, c'est-à-dire de saint Pierre, patron de la paroisse;
d'après d'autres, au contraire, il faudrait en chercher le sens dans la
signification des deux mots Damnapetra pierre damnée; d'après ces derniers,
il y aurait eu là une pierre consacrée par les religions primitives et dont
la religion chrétienne aurait interdit le culte. Dans son Histoire de
Chevreuse, M. Moutié relate les origines de Dampierre et donne les noms de
ses anciens propriétaires. Une famille de La Fontaine posséda Dampierre au
XIVe siècle et dans la première moitié du XVe siècle; dans la deuxième
moitié du XVe siècle apparaît un nouveau nom de propriétaire, celui de
Jacques de Thumery. Entre 1525 et 1528, Dampierre passait des mains des
Thumery entre celles de Jean Duval; Jean Duval était trésorier de François
1er. La veuve de Jean Duval, remariée à Jacques Robineau, secrétaire du Roi,
vendait, en 1552, la terre et seigneurie de Dampierre au cardinal de
Lorraine, né en 1525, mort en 1574; le cardinal de Lorraine fut un des
principaux instigateurs des guerres de religion en France; quand il acheta
Dampierre, il était archevêque de Reims depuis 14 ans et cardinal depuis 5
ans. En 1357, Dampierre comprenait un manoir avec cour, jardins, viviers; le
trésorier Jean Duval fit rebâtir le manoir féodal entre 1526 et 1550; le
cardinal de Lorraine, acquéreur de cette nouvelle demeure, abandonna le
château de Chevreuse qu'il habitait pour se reposer à Dampierre.
L'archevêque de Reims agrandit et embellit l'oeuvre de Jean Duval, oeuvre
qui vécut jusqu'après l'année 1667. A la mort du cardinal de Lorraine,
arrivée le 26 décembre 1574, Dampierre passa à Henri de Lorraine, duc de
Guise, dit le Balafré, son neveu et légataire universel. Catherine de
Clèves, sa veuve, y habita; en 1590, elle mit son château à la disposition
de Henri IV, et elle s'y trouvait encore en 1594; Dampierre devint
successivement la propriété de Charles de Lorraine, duc de Guise, de Claude
de Lorraine, son frère, qui fit agrandir le parc.
A la fin de sa carrière, le 15 octobre 1655, Claude céda à la duchesse de
Chevreuse, Marie de Rohan, sa femme, veuve en premières noces du cardinal de
Luynes, la terre de Dampierre, moyennant 1,030,000 livres, et le 1er mai
1663, Marie de Rohandonnait à Louis-Charles d'Albert, duc de Luynes, son
fils, qu'elle avait eu de son premier mariage avec le connétable, le domaine
de Dampierre, sortit ainsi de la maison de Lorraine. Le 9 septembre 1663, le
duc de Luynes s'en dessaisissait en faveur de Charles-Honoré, marquis
d'Albert, son fils aîné, encore mineur. Le 3 février 1667, le jeune duc de
Chevreuse, propriétaire du château de Dampierre, âgé de vingt ans, épousait
Jeanne Marie-Thérèse, septième enfant de Colhert. Le château de Duval et du
cardinal de Lorraine ne répondait plus au goût du XVIIe siècle. "M. de
Chevreuse, dit le duc de Saint-Simon, qui était assez grand, bien fait et
d'une figure noble et agréable, n'avait guère de biens. Il en eut d'immenses
de la fille aînée et bien-aimée de M. Colbert. Outre la dot et les présents
les plus continuels et les plus considérables, il tira de la considération
de ce mariage l'érection nouvelle du duché de Chevreuse en duché vérifié en
sa faveur". Le duc de Chevreuse profita de ses grandes ressources pour
édifier un nouveau château à la place de l'ancien, qui avait fait son temps.
La construction du château de Dampierre a été indiquée par les uns comme
ayant commencé en 1667, par les autres en 1680. Nous n'avons pas de date
précise à donner, mais le passage suivant des Mémoires de Saint-Simon en dit
assez pour qu'on puisse placer le début des travaux de reconstruction du
château entre 1675 et 1680. A la fin du XVIIe siècle, le duc de Chevreuse
propriétaire du nouveau château, que Mansart venait de bâtir, y menait une
existence plutôt austère, il mourut en 1712. La duchesse, fille de Colbert,
survécut à son mari jusqu'au 26 juin 1731.
Sous Louis XV, le château de Dampierre prit sa revanche au point de vue
mondain. Un historien de haut mérite, Charles Philippe d'Albert, duc de
Luynes, y fit de continuels séjours. En 1732, le duc de Luynes, âgé de
trente-sept ans, épousait en secondes noces Marie Brulart, veuve du duc de
Charost, qui devint la dame d'honneur et l'amie de Marie Leczinska.
Profitant de sa situation à la Cour de Louis XV, il a écrit sur la Cour de
ce roi un journal qui va de 1735 à 1758. Les Mémoires du duc de Luynes ont
été édités de 1860 à 1863 et ont obtenu le plus vif succès; c'est vraiment
dans ces Mé moires qu'on peut se rendre compte de ce qu'était la Cour, de ce
qu'était l'étiquette. Marie Leczinska, délaissée par Louis XV, son mari, se
rendit fréquemment à Dampierre où elle avait sa chambre. Charles-Philippe
d'Albert, duc de Luynes, mourut en 1758: l'année précédente, son fils
Marie-Charles Louis avait été nommé gouverneur de Paris; le fils de ce
dernier fut député aux États généraux pour le bailliage de Touraine, dans
lequel se trouvait Luynes, se réunit, comme membre de la noblesse, à
l'Assemblée nationale, le 25 juin 1789, défendit de Besenval dans la séance
du 14 octobre, en disant que "lui, qui a servi sous les ordres de cet
officier général, pouvait assurer qu'il n'avait jamais vu en lui qu'un
citoyen estimable et toujours fidèle à remplir ses devoirs de citoyen et
militaire citoyen"; dans la séance de l'Assemblée nationale du 21 juin 1791,
il prend encore la parole pour demander la faveur pour les officiers
généraux non employés de prêter le nouveau serment; le duc de Luynes
n'émigra point, resta à Dampierre pendant la Révolution Française et fit
partie du Sénat; il mourut en 1807.
Il avait épousé Mademoiselle de Montmorency-Laval, qui fut dame du palais de
Marie-Antoinette de 1775 à 1789; très lettrée, elle avait installé au
château une imprimerie. Elle fut la grand'mère du duc de Luynes, érudit et
archéologue. Elle vécut jusqu'en 1830. En mai 1814, au moment de l'invasion,
le propriétaire du château de Dampierre était Paul-André-Charles duc de Che
vreuse, qui fut pair de France sous la Restauration; dans une lettre au
sous-préfet de Rambouillet, il défend vivement les intérêts du canton de
Chevreuse, qui est épuisé par les troupes françaises ou alliées. A cette
époque, un des grands architectes du XIXe siècle, Duban, qui allait bientôt
restaurer le château de Blois, reconstituer au Louvre le Grand Salon et la
salle des Sept Cheminées, et était déjà connu par des travaux remarquables,
fut chargé de restaurer le château de Dampierre, dont il devait respecter
l'ordonnance générale, ce qu'il fit avec autant de science que de goût.
Honoré-Théodoric-Paul-Joseph d'Albert, duc de Luynes, qui confia à Duban la
restauration du château de Dampierre, fut une des plus belles figures du
XIXe siècle; à coup sûr, dans ce siècle, il a été la personnalité la plus
haute de l'arrondissement de Rambouillet. Né à Paris le 15 décembre 1802,
rue Saint-Dominique, dans le grand et vieil hôtel qui regardait la façade de
Saint-Thomas-d'Aquin et que l'on démolit aujourd'hui, le duc de Luynes
mourut à Rome, le 15 décembre 1867, le jour même de l'anniversaire de sa
naissance. Le corps du duc de Luynes fut ramené au château de Dampierre,
dans la crypte de la chapelle, pour être inhumé à côté de son grand père,
mort en 1807, sénateur de l'Empire, de sa mère, dame d'honneur de
l'impératrice Joséphine, de sa première femme, de son père, mort en 1839, de
son frère, mort en 1824, de son fils et de sa seconde femme.
Le duc de Luynes avait trois petits enfants: Charles, qui devint duc de
Luynes à la mort de son grand-père; Paul, duc de Chaulnes, né en 1852, mort
en 1881. qui releva le titre de duc de Chaulnes, et Marie de Chevreuse, qui
épousa, le 3 juin 1863, le marquis de Sabran-Pontevès. La marquise de
Sabran-Pontevès mourut fort jeune, le 15 novembre 1865. Elle est représentée
aujourd'hui par Madame la marquise de Tholozan-Lareinty. Le duc de Chaulnes
laissa deux enfants: M. le duc de Chaulnes et Madame la duchesse d'Uzès. La
mort épargna au duc de Luynes de grandes tristesses qui vinrent, en 1870,
s'abattre sur sa famille. Le 2 décembre 1870, son petit-fils Charles était
tué au combat de Loigny; sa mort rappelle celle d'un de ses ancêtres, le duc
de Montfort, qui périt à trente-cinq ans, le 13 septembre 1704, près de
Belliken, laissant quatre enfants dont le plus jeune n'avait pas deux ans.
Le duc de Montfort, maréchal de camp, fils aîné de Charles Honoré de
Chevreuse et de Jeanne Colbert, escortait un convoi d'argent, quand un corps
considérable d'ennemis lui barra le passage; le duc de Montfort attaqua
l'ennemi, mais il reçut un coup de pistolet dans les reins; porté à
Lang-Kandal, au quartier général, il mourait deux heures après. Le roi Louis
XIV lui avait dit un jour: "Montfort, je sais que vous vous exposez;
ménagez-vous pour l'amour du Roi". Le duc Charles de Luynes faisait partie,
en 1870, avec son frère Paul, des volontaires de l'Ouest, commandés par le
général de Sonis et le colonel Athanase de Charette; le 2 décembre, les
zouaves de Charette et les mobiles des Côtes-du Nord s'emparent d'un petit
bois près de Loigny; le général de Sonis est blessé: Charette, dont les
troupes sont accablées par le nombre, fait sonner la retraite, mais il tombe
à son tour frappé d'une balle et reste mort sur le champ de bataille avec
198 des 300 combattants qu'il avait amenés avec lui. Au nombre des morts se
trouvait le duc Charles de Luynes, âgé de vingt cinq ans; il avait reçu un
obus en plein poumon. Le duc Charles laissait, avec une jeune veuve, Madame
la duchesse de Luynes, deux jeunes enfants, dont le dernier n'avait que
trois semaines; ces deux enfants sont M. le duc Honoré de Luynes (dixième
duc de Luynes) et Madame la duchesse de Noailles.
La grille du château ouvre sur un vaste préau qui conduit à la cour
d'honneur, laquelle est flanquée à droite et à gauche de deux longs
pavillons en portiques, c'est-à-dire en arcades sur pieds-droits. Par ces
arcades, qui sont ouvertes de toutes parts, on aperçoit deux autres cours,
dont l'une, celle de gauche, est ornée d'un groupe en bronze: Thésée et le
Minotaure, moulé sur le marbre de Cortot. Le pavillon de droite est celui
que M. et Mme Ingres ont habité pendant sept ou huit ans, pendant trois ou
quatre mois de l'année. Le château, bâti en briques et pierres, a maintenant
l'aspect régulier et froid digne d'une demeure seigneuriale au temps de
Louis XIII. Le pavillon central, orné au premier étage de deux ordres de
colonnes, surmonté d un fronton, est en retrait et dessine avec les
bâtiments en avant-corps une petite cour à laquelle on accède par un pont.
L'oeil embrasse avec plaisir cet ensemble qui n'a rien de massif, où l'air
circule librement, où la lumière, ravivée par les tons chauds de la brique,
ajoute aux effets de la perspective. Le château est de forme carrée, à un
seul étage; les combles en mansardes, percés de lucarnes alternativement
circulaires et quadrangulaires, présentent, par leur forme arrondie, un
aspect moins dur que celui de nos toits aigus. Les deux faces latérales,
ainsi que la façade postérieure, décorée d'un élégant perron, donnent toutes
sur un horizon de verdure agréablement varié. Le parc dé Dampierre contient
364 hectares. L'ancien parc que créa Claude de Lorraine, duc de Chevreuse,
aurait été dessiné par André Le Nôtre, le célèbre architecte et dessinateur
de jardins au XVIIe siècle. Cet ancien parc était décoré de statues et de
jets d'eau alimentés par le canal amenant de Maincourt une partie des eaux
de l'Yvette. C'est à la duchesse de Luynes, née du Ponceau, femme d'un goût
très sûr, que l'on doit les grandes percées et les allées sinueuses du parc
dans la direction de Chevreuse; ces percées et ces allées, qui contribuent à
l'agrément et à la variété des promenades, ont été réalisées sous les ordres
de deux paysagistes, MM. Fillieux et Varé, lesquels, en 1852, transformèrent
les prairies de Becquancourt et Saint-Forget en parc anglais, sans toucher
au parc français placé aux abords du château. (1)
Éléments protégés MH : le château y compris les communs, les pavillons
d'entrée, la grille et l'abreuvoir : inscription par arrêté du 30 mai 1928.
(2)
château de Dampierre 78720 Dampierre, tél: 01 30 52 53 24, ouvert au
public tous les jours, du 1er Avril au 30 Septembre de 11h à 18h30 pour le
château (dimanches et jours fériés de 11h à 12h et de 14h à 18h30).
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